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Il y a 55 ans, l’annonce de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France fut un événement de politique étrangère majeur dont il est difficile aujourd’hui de mesurer l’impact alors que la guerre froide battait son plein. La France du Général de Gaulle était à l’apogée des mythiques « Trente Glorieuses » alors que la Chine nouvelle n’avait pas encore 15 années d’existence. En cette année 2019 cependant, la Chine est la seconde économie mondiale et la France est secouée par la crise des « Gilets jaunes » dans une Union européenne en proie à une profonde crise existentielle.
La Chine est aujourd’hui incontournable, non seulement sur le plan des échanges commerciaux et de la diplomatie, deux rôles traditionnels depuis plus de quatre décennies, mais aussi et de plus en plus sur le plan du développement mondial et de l’innovation. La France a ainsi deux grands rendez-vous historiques à l’orée de ce 55ème anniversaire : il lui faut à la fois saisir les opportunités offertes par l’approfondissement de la réforme et de l’ouverture en Chine, mais aussi contribuer davantage au développement mondial en Europe et en Afrique francophone grâce à l’initiative de « La Ceinture et la Route », proposée par le président chinois Xi Jinping fin 2013.
Profiter pleinement de la réforme et de l’ouverture en Chine
La Chine et la France doivent faire jouer les synergies dans leurs stratégies d’ouverture et de réforme, mais aussi d’innovation, telles qu’elles ont été définies par Emmanuel Macron en France et par Xi Jinping en Chine.
La France peut profiter de l’approfondissement de l’ouverture en Chine, une des priorités de Xi Jinping lors du XIXème Congrès du Parti communiste chinois fin 2017. Des résultats concrets ont depuis été obtenus avec par exemple la création de zones de libre-échange qui facilitent l’accès aux entreprises et investisseurs étrangers, le traitement sur un pied d’égalité des entreprises chinoises et étrangères au niveau réglementaire et les modifications apportées à la liste négative, ouvrant davantage la Chine à la concurrence étrangère.
L’ouverture en Chine a d’ailleurs trouvé une illustration parfaite lors de la Foire internationale des importations de Chine à Shanghai fin 2018, permettant à des PME françaises traditionnellement absentes de Chine de mieux connaître les potentialités de ce marché. Une seconde édition est prévue en 2019.
La réforme en Chine a eu deux effets historiques concomitants : l’éradication de la pauvreté et le développement d’un groupe de personnes à revenu moyen. Ces changements sociaux vont susciter de nouveaux besoins et les PME françaises devront y répondre. De cette synergie peut naître un nouveau type de relations commerciales dans lequel la France aura une carte majeure à jouer.
La France doit par ailleurs renforcer la coopération stratégique dans les sciences et les technologies, en adossant notamment l’objectif de M. Macron de création d’une « nation des start-up » aux multiples initiatives d’innovation de la Chine. Les 40 années de réforme et d’ouverture montrent que le développement de l’économie chinoise a été notamment possible grâce au rattrapage technologique et à une montée en gamme progressive dans la chaîne de valeur, faisant désormais du pays une puissance incontournable dans la fabrication haut de gamme et l’innovation. La France peut choisir de s’arrimer davantage à la Chine et créer un partenariat stratégique d’ensemble solide et actif, comme c’est déjà le cas par exemple dans les technologies liées à la protection de l’environnement et aux énergies nouvelles, mais aussi dans le secteur biomédical et pharmaceutique de pointe.
Avec l’approfondissement de la réforme et de l’ouverture en Chine, les dirigeants chinois préparent leur pays aux grands défis économiques, sociaux, environnementaux et démographiques. La France doit impérativement prendre ce tournant et coller au plus près aux besoins réels et concrets du marché chinois.
L’initiative de « La Ceinture et la Route » : contribuer ensemble au développement mondial
La France peut ensuite être une courroie de transmission de l’initiative chinoise de « La Ceinture et la Route » dans l’Union européenne et l’Afrique francophone, et faire avancer la cause du multilatéralisme, de l'amélioration de la gouvernance mondiale, ainsi que la promotion du développement et de la paix dans le monde, particulièrement dans les pays francophones d’Afrique.
C’est ce qui était ressorti des discussions entre le conseiller d'Etat chinois et ministre des Affaires étrangères Wang Yi et le ministre des Affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian, le 27 novembre dernier à Beijing.
Le volet essentiel de cette initiative est de promouvoir la construction et la connexion d’un réseau d’infrastructures le long des Nouvelles Routes de la Soie – la Ceinture économique de la Route de la Soie pour l’Asie centrale et l’Europe, et la Route maritime de la Soie du XXIème siècle pour l’Asie du Sud-Est, du Sud et l’Afrique. Son objectif, comme le rappelle souvent Xi Jinping, est de réunir les conditions nécessaires pour favoriser le « développement économique inclusif et mutuellement bénéfique », et d’établir une « communauté de destin ».
La France possède néanmoins une grande tradition de présence en Afrique francophone et doit absolument renforcer la coopération en pays-tiers avec la Chine, partenaire majeur du continent africain. La France a montré qu’elle pouvait mobiliser la communauté internationale autour du changement climatique, et que le duo Chine-France pouvait parvenir à des résultats substantiels, comme l’a prouvé l’Accord de Paris sur le climat. Les deux pays pourraient afficher la même détermination et proposer des solutions aux pays d’Afrique du Nord et d’Afrique subsaharienne. C’est d’autant plus l’intérêt de la France que le pays est actuellement embourbé à la fois dans la crise migratoire et des « Gilets jaunes », et que son modèle de croissance est en panne. La coopération sino-française en pays-tiers, mais aussi dans le cadre d’organisations régionale, comme par exemple l’Union pour la Méditerranée et l’Union africaine, pourrait permettre d’enclencher une dynamique nouvelle pour le bénéfice de toutes les parties.
Cet anniversaire symbolique pourrait permettre à la France de prendre date. La relation sino-française a évolué au gré des transformations socioéconomiques dans les deux pays et de la situation géopolitique mondiale de ces 55 dernières années. La lame de fond inexorable de la mondialisation depuis le début du XXIème siècle nécessite un changement de paradigme. Des opportunités historiques que les deux pays doivent saisir absolument.
par Jacques Fourrier, journaliste et commentateur français basé à Beijing
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