L'élection de Trump est un « mauvais présage » pour la France

Par : Vivienne |  Mots clés : Trump,France,Le Pen,Hollande,Etats-Unis
French.china.org.cn | Mis à jour le 18-11-2016

Le 8 novembre, Donald Trump a battu Hillary Clinton aux présidentielles américaines et est ainsi élu 45e président des Etats-Unis. De l'autre côté de l'Atlantique, la France a adopté une attitude attentiste et passive face à l'événement. Pour elle, l'arrivée de Trump à la Maison Blanche n'annonce rien de bon, tant du point de vue des affaires intérieures qu'étrangères.

Le jour de l'élection de Donald Trump, François Hollande a félicité le nouveau président élu américain lors d'une brève allocution que les médias ont qualifiée de « glaciale ». Le président français a déclaré : « je félicite Donald Trump comme il est naturel de le faire entre deux chefs d'Etats démocratiques », avant d'ajouter que cette élection avait ouvert une « période d'incertitude ». Hollande a ajouté qu'il s'entretiendrait sans tarder avec Trump sur les sujets de préoccupation de la France, comme la lutte contre le terrorisme, la situation au Moyen-Orient, l'Accord de Paris sur le climat et l'économie. L'attitude du chef d'Etat révèle l'inquiétude de la France quant au devenir de sa politique étrangère vis à vis des Etats-Unis.

Un nouveau défi pour la politique étrangère française

Les médias français s'accordent généralement pour dire que la victoire de Trump provoquera un refroidissement des relations entre l'Europe et les Etats-Unis. D'après le programme annoncé par Donald Trump lors de sa campagne électorale, il adoptera une politique étrangère marquée par l'« isolationnisme », ce qui signifie que la tendance de « retrait stratégique » entamée par Obama s'accentuera davantage sous la présidence de Trump et pourrait même aller jusqu'à une « régression » dans certaines questions internationales majeures.

Avec l'Otan, qui unit les pays de part et d'autre de l'Atlantique, les Etats-Unis assurent leur rôle de maintien de la paix et de la sécurité en Europe, or Trump pense qu'il s'agit d'une organisation obsolète. Il a même promis de faire payer aux membres européens le coût de la participation des Etats-Unis au maintien de la paix. Concernant l'Ukraine, Trump a déclaré qu'il s'agissait du problème de l'Europe et qu'elle devait résoudre elle-même la crise. Le nouveau chef d'Etat américain est également peu enthousiaste quant aux négociations sur le TTIP, qui seront mises en suspens pour une durée indéterminée, et les liens économiques transatlantiques s'en trouveront affaiblis. Ces facteurs laissent penser qu'une tendance à l'éloignement pourrait apparaître entre Paris et Washington sous la présidence de Trump, de même qu'un affaiblissement de la force de cohésion entre alliés européens et américains. Les relations avec les Etats-Unis étant une « priorité parmi les priorités » diplomatiques de la France, il est normal que l'incertitude planant sur les relations entre l'Europe et les Etats-Unis inquiète Paris. Mais il ne s'agit-là que de la première facette du problème.

La position de Trump vis à vis de l'Accord de Paris sur le climat a particulièrement embarrassé Hollande. Fin 2015, Paris a organisé la 21e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques et les pays sont parvenus, non sans mal, à un accord mondial juridiquement contraignant. Il s'agit non seulement de l'un des rares succès personnels de François Hollande, mais aussi du point phare de son mandat. Or, l'Accord de Paris sur le climat dépend aussi de la bonne volonté d'une poignée de grands Etats. Le gouvernement d'Obama avait pris de grands engagements dans des domaines tels que celui de la réduction des gaz à effet de serre et, lors du G20 de cette année, les Etats-Unis ont ratifié officiellement l'Accord de Paris sur le climat. Mais Donald Trump a ouvertement remis en question cet accord, qu'il considère comme une menace pour les intérêts des entreprises américaines. Il exige que l'accord soit renégocié pour être plus américain et qu'il ne nuise pas aux intérêts des Etats-Unis. La France craint que Trump ne revienne sur l'Accord de Paris, ce qui éclipserait la « diplomatie du climat » dont elle s'enorgueillit actuellement. C'est là un deuxième aspect du problème.

Le troisième aspect, c'est que tout semble indiquer que la présidence de Trump réchauffera les relations russo-américaines. En conséquence, les conflits d'intérêt qui opposent la Russie et les Etats-Unis en Europe pourraient connaître un apaisement : les mesures restrictives de l'UE envers la Russie dans le cadre de la crise ukrainienne pourraient être assouplies, voire supprimées, et la pression exercée par l'Otan sur la Russie serait réduite, tandis que la question des troupes permanentes de l'Otan dans les pays baltes et la Pologne sera directement affectée. Cette tendance aura des répercussions diverses sur l'Europe. En ce qui concerne la France, l'Allemagne et les autres principaux pays de l'UE, ce réchauffement des relations avec la Russie répond à leurs propres intérêts sécuritaires. Toutefois, pour les pays d'Europe de l'est partageant une frontière avec la Russie, cette détente des relations russo-américaines et le retrait des troupes américaines met en danger leur propre sécurité. Ces divergences existant au sein de l'Union européenne rendent difficile pour les pays de l'union de parvenir à un consensus sur de grandes questions telles que la sécurité et la défense en Europe. La victoire de Trump compliquera sans doute encore l'élaboration d'une politique étrangère commune de sécurité et de défense et, objectivement, cela creusera davantage la scission existante au sein de l'UE. D'après les experts, le Brexit voté par le Royaume-Uni au mois de juin dernier a déjà porté un coup dur à l'Union européenne, et l'élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis est pour elle un second choc. L'UE étant la scène principale de la politique étrangère française, une nouvelle scission est indéniablement un « mauvais présage ».

Le paysage politique français traditionnel ébranlé

Du point de vue des affaires intérieures, le « phénomène Trump » pourrait produire sur le paysage politique français traditionnel, formé après la Seconde Guerre mondiale, un choc subversif et fatal. En France, le Front national, parti politique d'extrême droite, s'est réjoui de la victoire de Trump. Sa présidente, Marine Le Pen, s'est empressée de féliciter Donald Trump après son élection, déclarant que c'était une « bonne nouvelle pour la France » et une « victoire d'un peuple libre en lutte contre le système en vigueur ». La fille du fondateur du Front national a également affirmé qu'il s'agissait d'une « victoire de la démocratie et du peuple face aux élites, à Wall Street et au politiquement correct médiatique ».

Les médias ont souligné que l'élection de Trump était un puissant encouragement pour le Front national, qui a trouvé dans le nouveau président élu américain un « langage commun ». Cela comprend quatre choses : premièrement, prôner le populisme, c'est-à-dire lutter contre les élites, contre la mondialisation et contre le système en vigueur. Deuxièmement, promouvoir un protectionnisme commercial, notamment en préconisant l'établissement de lourdes taxes sur les produits chinois, l'annulation des accords de libre-échange avec les Etats-Unis et le Canada, mais aussi la suspension des négociations sur le TTIP. Troisièmement, durcir la politique d'immigration avec l'expulsion des immigrants illégaux, l'abolition du droit d'asile et le durcissement des conditions d'accueil des réfugiés. Quatrièmement, préconiser la réconciliation avec la Russie.

La victoire de Trump a permis à Marine Le Pen de trouver un allié au sein de la communauté internationale, et de sortir de l'isolement. Elle a proposé de se rendre aux Etats-Unis pour rencontrer au plus vite le nouveau président élu. En outre, Le Pen entretient des relations personnelles de longue date avec Vladimir Poutine et s'est rendue de nombreuses fois à Moscou, qui finance le Front national. D'après les médias, avec deux « alliés » tels que Trump et Poutine, la réputation internationale de Marine Le Pen sera grandement améliorée, ce qui lui fournit une condition essentielle pour accéder enfin à la tête de l'Etat français.

En 2017, quand la France organisera ses élections présidentielles quinquennales, la victoire de Trump guidera de nombreux électeurs dans leur vote. De tous temps, le Front national a été considéré par les autres partis comme un fléau qu'ils tenaient à distance, et l'éliminer était le consensus social du « politiquement correct ». Dans ce climat politique, de nombreux électeurs approuvaient les idées du Front national mais n'osaient pas les soutenir ouvertement et leurs hésitations demeuraient jusque dans l'isoloir ; mais aujourd'hui, la victoire de Trump a brisé ces chaînes du « politiquement correct » et les votes se sont libérés. Les résultats des dernières élections nationales ont montré que Marine Le Pen était tout à fait capable de battre les candidats d'autres partis pour accéder au second tour. En outre, grâce à « l'effet Trump », ses chances de vaincre son adversaire au second tour seront sans aucun doute décuplées.

Il s'agit donc bien d'un « mauvais présage », mais seulement pour les partis traditionnels français de droite ou de gauche.

 

(Traduction d'un article en chinois rédigé par Shen Xiaoquan, maître de recherche au Centre de recherche sur les problématiques mondiales de l'agence de presse Xinhua.)

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