Le Mistral au centre du jeu politique France-Russie

Par : Vivienne |  Mots clés : Mistral,porte-hélicoptères
French.china.org.cn | Mis à jour le 01-12-2014

Le Mistral au centre du jeu politique France-Russie

Le président français François Hollande a annoncé, le 25 novembre, que la livraison à la Russie du Vladivostok, le premier des deux porte-hélicoptères Mistral, est reportée « jusqu'à nouvel ordre », car la « situation actuelle dans l'est de l'Ukraine ne le permet toujours pas ».

Il s'agit du plus grand contrat portant sur la construction de navires militaires conclu par la Russie avec un pays étranger depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le montant total étant de 1,2 milliard d'euros. La plupart des observateurs estimaient, malgré des sons dissonants en provenance des États-Unis et de l'OTAN, qu'il s'agissait d'une affaire gagnant-gagnant.

Tout semblait se développer sans à-coups au début : fini à la date prévue, le premier Mistral a effectué son voyage d'essai en mars 2014 et 400 matelots russes sont arrivés peu de temps après dans le Pays de la Loire en France pour des entraînements avant la réception du navire.

Or, suite à la détérioration de la situation dans l'est de l'Ukraine, les États-Unis et l'Europe ont eu tendance à agir de concert dans leurs contacts avec la Russie, et les choses ont commencé à se compliquer pour le Mistral.

En juin dernier, le président américain Barack Obama s'est déjà dit « préoccupé » par le contrat, et un diplomate américain a fait savoir sans ménager ses propos : « Je suis convaincu qu'en ce moment personne ne devrait vendre d'armes à la Russie », en qualifiant la décision de François Hollande de poursuivre le contrat de « tout à fait inconvenable ». Durant la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE organisée fin juillet, le ministre britannique Philip Hammond et le ministre suédois Carl Bildt se sont joints à ceux qui font pression sur la France, ce qui a mis dans l'embarras le ministre français Laurent Fabius.

Dans le même temps, la situation a changé en France : Nicolas Sarkozy, directement lié à la signature du contrat, tient toujours à appliquer l'accord, tandis que nombre de personnalités importantes de l'UMP, dont l'ancien ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, ont déjà changé de cap et accusé Pierre Lellouche, le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, d'avoir pris une décision ayant « compromis la sécurité de l'Occident ».

Comme l'ont souligné des spécialistes français de géopolitique comme Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l'IRIS, et Thomas Gomart, spécialiste de la Russie, le gouvernement français pourrait encore livrer le Mistral en refusant de céder aux pressions si l'Accord de Minsk signé en septembre dernier et portant sur le règlement politique de la question de l'est de l'Ukraine était maintenu, ne fut-ce qu'en apparence. Malheureusement, la situation dans l'est de l'Ukraine est devenue à nouveau tendue et l'ingérence de la Russie est de plus en plus évidente. Les partisans prorusses de l'est de l'Ukraine ont tenu unilatéralement des « élections législatives », ce qui fait que des « colombes » européennes qui se prononçaient pour un apaisement envers la Russie commencent à sentir l'urgence de faire pression. Il est encore moins question de parler des « faucons » qui préconisaient l'exercice de pressions. Dans une telle atmosphère, François Hollande risque d'être accusé par Bruxelles de financer l'ennemi s'il tient à vendre des armes à la Russie.

Par ailleurs, la Russie s'est montrée assez déraisonnable sur cette question.

Ayant appris la possibilité que la France revienne sur son engagement, la Russie n'a cessé d'exercer des pressions en laissant entendre l'éventualité d'un procès ou d'une demande de dédommagement. Sur le coup, des personnalités politiques françaises qui pensaient que la France « perdrait la face » si elle dénonçait le contrat trouvent aujourd'hui que la France perdrait encore plus la face si elle cédait à la pression russe.

Ainsi, à peine une heure après la déclaration de François Hollande, Iouri Borissov, vice-ministre russe de la Défense nationale, a affirmé qu'actuellement la Russie n'a pas l'intention de porter plainte contre la France. Bien entendu, il n'y a pas qu'une seule voix en Russie. Quelques minutes après la déclaration d'Iouri Borrissov, l'armée russe a fait une déclaration à l'Agence TASS disant qu'elle « allait porter plainte contre la France devant le Tribunal international d'arbitrage, de sorte qu'elle soit ruinée » si elle ne livre pas le Mistral.

Selon la plupart des observateurs, une analyse du style d'action de Vladimir Poutine depuis son arrivée à la présidence permet de voir que l'appel à l'apaisement est le ton principal de la partie russe, tandis que le dernier message pourrait bien avoir eu l'assentiment tacite de Poutine, car cela contribuerait d'une part à réconforter les militaires furieux, et d'autre part à exercer une pression plus ou moins forte sur la partie française. Il est très difficile pour l'armée de se faire l'acteur d'un procès international, sans parler de l'impossibilité pour la Russie de gagner un tel arbitrage.

La Russie n'a d'autre choix que de calmer sa fureur pour l'instant, quelque mécontente qu'elle soit envers la France. Selon des bruits qui courent, les deux pays auraient réalisé une entente secrète pour évoquer le sujet plus tard, probablement en marge du sommet du G20 à Brisbane. Cette idée n'est pas tout à fait illogique, car des contacts dans les coulisses sont inévitables, même en écartant la possibilité d'une rencontre entre les deux chefs d'État.

Mais faire profil bas n'est pas chose facile. Comme on vient de l'indiquer, les faucons s'avèrent de plus en plus puissants au fur et à mesure que les vues de l'Occident sur la question de l'est de l'Ukraine s'assombrissent et que la menace stratégique de la Russie est mieux prise en considération. En France, les voix des faucons comme Sarkozy, Lellouche et Mariani ne manquent toujours pas de soutiens, mais ils ne prévalent plus comme en juin.

Tout comme l'ont affirmé les spécialistes de géopolitique, un « nouvel ordre » s'avérerait bien lointain, même si Hollande insistait lourdement sur les conditions préalables à la livraison. La Russie pourrait très bien dire que l'est de l'Ukraine respecte le cessez-le-feu et le règlement politique, mais les partenaires occidentaux de Hollande n'auraient pas un critère identifiant la partie russe, et pendant un certain temps, ils ne sauraient obliger Poutine à accepter le leur.

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