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La Chine et La France
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Les acquis sociaux français face à l'ardeur à la tâche des Chinois

Fin avril dernier, l'Inspection du travail a émis une circulaire interdisant aux magasins chinois en France d'ouvrir le dimanche sous peine d'amende. Les autorités gouvernementales estiment que cette disposition a pour but de protéger les droits et intérêts des employés, tandis que les ressortissants chinois se plaignent d'être obligés de se reposer le dimanche. Quand les acquis sociaux français rencontrent l'ardeur à la tâche des Chinois, quel sera le résultat de ce choc des cultures ?

Un arrêté inattendu

« S'il vous plaît ? Où peut-on trouver un supermarché ouvert ? » Un jour de fin de semaine, on constate rue après rue que tous les supermarchés parisiens sont fermés. Même sur l'avenue des Champs-Élysées, d'habitude si animée, de nombreuses boutiques étaient également closes. « Ne vous inquiétez pas. Passez dans l'autre rue, devant. Il y a un supermarché chinois du nom de G20. Ce supermarché est ouvert le dimanche ». Guidés par un passant bienveillant, nous trouvons enfin ledit supermarché.

« Les ressortissants chinois sont diligents et travaillent même pendant la fin de semaine ». Amélie, une cliente qui fait ses courses dans le supermarché, explique que le stock de fromage étant épuisé chez elle, elle a dû traverser deux rues pour trouver ce magasin.

La première dame américaine Michelle Obama fut également frustrée par ces fermetures le dimanche. En 2009, elle avait voulu faire du shopping avec sa fille lors de sa visite à Paris. Mais elle n'avait pu trouver de boutiques ouvertes. Embarrassé, Sarkozy a dû intervenir en personne pour trouver une boutique « spécialement ouverte » pour la première dame américaine.

Toutefois, le 13e arrondissement de Paris semblait jusqu'alors épargné par cet état de fait. Contrairement aux boutiques françaises, celles des ressortissants chinois dans le 13e conservaient leur tradition d'ouverture le dimanche.

Fin avril dernier, un dimanche, la situation a soudain basculé. Un ressortissant chinois du nom de Huang s'en souvient bien. Ce jour-là, des inspecteurs du travail ont fait une descente dans le 13e arrondissement. Ils ont visité les boutiques, l'une après l'autre. Les propriétaires chinois croyaient qu'il s'agissait d'un contrôle de routine. Contre leurs attentes, la semaine suivante, les boutiques qui avaient été ouvertes ont reçu sans exception un avis indiquant : « Il a été constaté, au cours d'une récente inspection, que votre établissement est en activité le dimanche. Cela est illégal ». L'avis exige que le magasin respecte la fermeture le dimanche à partir du 1er mai, mettant en garde que toute infraction donnera lieu à une amende.

Selon la législation française, les épiceries qui vendent principalement des produits alimentaires peuvent rester ouvertes jusqu'à 13 h le dimanche. Aucune autre boutique ne doit ouvrir, ni les magasins de vêtements, ni les magasins de meuble, ni les supermarchés. La restauration est une filière particulière. Sous réserve de garantir les droits et intérêts légitimes du personnel (payé le double de leur salaire), les restaurants sont autorisés à ouvrir le dimanche. Cependant, ils doivent fermer un autre jour de la semaine.

Un arrêté de ce genre annonçant cette interdiction n'est pas nouveau. « Beaucoup de gens ne l'ont pas pris au sérieux », a avoué M. Huang. Le 1er mai a été un dimanche. De nombreuses boutiques ont ouvert leur porte comme d'habitude, « malgré l'interdiction ». Contre toute attente, cette fois, les autorités sont passées aux choses sérieuses. Quelques jours plus tard, plusieurs magasins ont reçu une amende, ce qui a attiré l'attention de toute la communauté chinoise dans le 13e arrondissement. Bon nombre de boutiques ont été sanctionnées, a révélé un employé de l'Association des résidents chinois en France. Le montant de l'amende varie en fonction de la situation de l'établissement. « L'amende est proportionnelle à la durée de l'ouverture et au chiffre d'affaires ». Selon nos informations, le montant varie de quelques centaines à plusieurs milliers d'euros.

« Pendant une trentaine d'années, l'Inspection du travail fermait les yeux. Pourquoi a-t-elle commencé tout à coup à passer à l'action ? », se demande-t-on. « Les autorités n'interviennent pas quand personne ne porte plainte. On dit que des gens auraient dénoncé la situation à la police et que les autorités ont été contraintes de donner suite », estime l'employé à l'association.

À cet effet, l'Inspection du travail a répondu au Monde qu'il s'agissait d'un contrôle régulier pour faire respecter la loi du travail, et que l'administration faisait jusque-là preuve d'indulgence. Cet argument ne s'avère pas convaincant.

L'interdiction se répercute sur le mode de vie des gens

Comme les boutiques étaient ouvertes le dimanche, le 13e arrondissement attirait bon nombre de clients et de touristes. Des habitants d'autres communes, des provinciaux venus pendant la fin de semaine pour faire des courses, ainsi que les touristes à Paris, se rendaient dans un 13e arrondissement prospère y faire des emplettes, manger des canards laqués et des plats épicés, ou acheter des porcelaines ou produits artisanaux chinois.

Selon M. Xu, les marchands de la communauté chinoise s'opposent tous à cette interdiction. « Comme les boutiques sont fermées dans l'après-midi, les gens ne sortent plus. Chaque fin de semaine, le soir, les affaires sont très mauvaises ». Il évalue son manque à gagner à peu près à 30 % du chiffre d'affaires journalier.

La fermeture se répercute non seulement sur les boutiques, mais aussi sur le mode de vie d'un certain nombre de Français. Renaud, un Français qui habite dans le quartier latin, indique qu'ils faisaient souvent ses courses en fin de semaine dans le 13e. Il est un fidèle du fameux supermarché Tang Frères. « Cela nous aide aussi à comprendre la culture chinoise », explique Renaud.

M. Huang ajoute que la fermeture le dimanche ne vise pas que les ressortissants chinois dans le 13e. Certaines boutiques dans d'autres communes ont aussi reçu le même avis. Il s'agit d'un renforcement de l'application du Code du travail dans l'ensemble de la filière.

La France évolue aussi

Le repos dominical en France remonte à la tradition chrétienne du pays. Depuis l'empereur romain Constantin, on estime que le dimanche est un jour réservé à la famille et aux activités spirituelles.

En 1906, cette disposition a été officialisée par la loi. Hormis sa portée légale, Renaud explique que c'est aussi un moyen, pour la France, de protéger la famille. « Travailler le dimanche affecte les retrouvailles en famille. La famille est très importante pour la société. C'est aussi notre tradition culturelle, et aussi une modalité pour garantir la qualité de vie ». En écho à cela, un sondage conduit en 2009 a montré que 75 % des Français n'acceptent pas de travailler durant la fin de semaine.

En France, comme la société évolue culturellement, la difficulté pour l'État Providence de perdurer amène la nécessité de réformes. Ce régime laisse apparaître un signe d'assouplissement. Par exemple, dans les années 1980, l'ouverture des magasins était strictement prohibée. « Maintenant, nombreuses sont les boutiques qui font exception par des dispositions légales », ajoute Renaud.

En 2009, sous l'impulsion du président Sarkozy, l'Assemblée nationale a voté une loi relative au travail le dimanche, autorisant les boutiques situées dans les zones touristiques à ouvrir leurs portes. Un premier pas vers la fin de la fermeture des magasins le dimanche.

« Les influences sont réciproques. La France évolue aussi », estime Renaud.

french.china.org.cn     2011/06/24

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