Les importantes attaques aériennes de l'opération Aube de l'Odyssée menées par les États-Unis, le Royaume-Uni et la France contre la Libye ont replacé la nation nord-africaine au centre de l'attention médiatique.
L'opération, qui cause de graves pertes civiles et destruction d'infrastructures, dépasse largement la résolution des Nations Unies appelant à une zone d'exclusion aérienne et provoque une indignation mondiale pour sa « violence excessive ».
La Ligue des États arabes était le premier avocat de la résolution 1973. Son secrétaire général Amre Moussa estime cependant que le « double standard » tenu par la coalition occidentale en Libye viole l'intention originale de la zone d'exclusion aérienne préconisée par l'ONU, qui était de protéger les civils. La question du double standard ne date pas d'hier. La rhétorique de la coalition est faite de belles paroles, mais au cœur ne se trouve qu'un désir de nuire aux intérêts d'autres pays.
Les valeurs font aussi partie de l'intérêt national, et les États doivent se battre pour défendre ce qu'ils savent être juste dans les relations internationales. Dans la plupart des cas, les valeurs doivent se subordonner aux intérêts, c'est là qu'intervient le double standard. Le standard de la coalition occidentale dans les troubles politiques en Afrique du Nord et au Moyen-Orient est plus que double. Il est multiple en raison des intérêts complexes et en conflit. Toutes les actions que la coalition s'apprête à prendre reposent en priorité sur une étude minutieuse de la situation plutôt que sur des valeurs et standards.
Personne n'a oublié que Saddam Hussein était présenté en héros luttant contre le fondamentalisme par les médias occidentaux durant la guerre entre l'Irak et l'Iran. Les États-Unis ont fourni des services de renseignement aux deux côtés aux moments opportuns pour assurer que nul ne prenait l'ascendant. On se souvient aussi que le président français a reçu Mouammar Kadhafi avec les honneurs il y a seulement trois ans.
L'ingérence militaire des coalitions occidentales au Moyen-Orient est étroitement liée aux réserves de pétrole et aux intérêts stratégiques. L'Irak a été envahi pour son pétrole. C'est au tour de la Libye à présent.
Le monde occidental a été frappé de plein fouet par la crise du crédit, et envahit maintenant d'autres pays, aidé de ses bombes et ses porte-avions, dans l'espoir de bénéficier financièrement des bombardements ou de contrôler les ressources stratégiques par la force.
Pourquoi la France a-t-elle cette fois pris l'initiative ? S'agit-il d'un retour des sensibilités coloniales ? On ne sait pas encore tout des dessous de l'histoire. Les États-Unis se sont contentés de la deuxième place en raison des divergences d'opinions entre les membres du cabinet. On parle de compromis entre le réalisme du secrétaire à la Défense et l'idéalisme de la secrétaire d'État.
Le fait que l'objectif final du lancement d'une offensive militaire contre la Libye ne repose pas sur une reprise soudaine du gouvernement porte à réflexion, confie un responsable américain sous condition d'anonymat. Les États-Unis souhaitent peut-être maintenir un éventail de choix politiques.
L'environnement international et la situation politique et culturelle en changement ont eu pour résultat les troubles du monde arabe. La civilisation islamique brille lorsqu'elle se mêle à d'autres cultures. Dans une perspective de long terme, l'évolution du monde arabe est simplement un processus endogène. Il serait préférable que la coalition occidentale se souvienne de l'argument de Samuel P. Huntington, le théoricien qui mettait en garde contre les risques d'un libéralisme politique survenant trop rapidement. |