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Jean Edmond J. Delvigne, un Belge qui s’engage à faire comprendre la Chine via des traductions belles et sensées

French.china.org.cn | Mis à jour le 12. 04. 2024 | Mots clés : l'Association des traducteurs de Chine,Delvigne
french.china.org.cn | 12. 04. 2024


La Conférence annuelle 2024 de l'Association des traducteurs de Chine s’est tenue les 30 et 31 mars à Changsha, chef-lieu de la province du Hunan (centre). Jean Edmond J. Delvigne, expert belge de la section de traduction française du Sixième département de l’Institut de recherche sur l’histoire et la littérature du Parti relevant du Comité central du PCC et lauréat du Prix de l'amitié du gouvernement chinois, a été récompensé à cette occasion du prix « Traducteurs étrangers émérites » (Outstanding Foreign Tanslation Experts Awards). 

Dans une interview exclusive accordée récemment à China.org.cn, il s’est dit profondément honoré de recevoir un tel prix et a appelé à l’organisation de davantage de concours de traduction, de rencontres et de séminaires consacrés à la traduction afin de promouvoir le développement sain de la profession.

Chaque langue a sa beauté unique

« Quand on parle une langue étrangère, il y a une espèce d'aliénation, mais au sens positif du terme », a-t-il expliqué. « C'est cela qui m'a attiré, en plus du côté esthétique. » Pour lui, chaque langue possède sa propre beauté. 

Cette fascination pour la diversité linguistique l'a naturellement conduit à explorer un large éventail de langues. Il a loué la richesse du vocabulaire chinois, soulignant la finesse des nuances qu'il offre, le comparant avec le français, qui lui se distingue plutôt par sa complexité grammaticale. 

Selon lui, le chinois est avant tout une langue orale, dont l’évolution a d'abord été marquée par la parole, puis par l'écriture. Cette caractéristique fait du chinois une langue directe et fluide, où les textes écrits reflètent souvent la structure linéaire de la parole. En contraste, il a décrit le français comme une langue avec un écart significatif entre son registre oral et écrit, où la syntaxe du code écrit est souvent complexe et structurée de manière hiérarchique. 

Les traducteurs doivent posséder des talents d’avocat et d’acteur

« Au départ, je n'étais pas intéressé par la traduction », a-t-il avoué. Pour lui, la traduction semblait toujours le ramener à sa propre langue maternelle, « une langue si familière qu'elle en devient presque invisible ». Cependant, son parcours l'a progressivement amené à découvrir le potentiel créatif et artistique de la traduction, qui va bien au-delà de la simple transposition des mots d'une langue à une autre. 

M. Delvigne a présenté sa « théorie de la traduction sandwich », une approche stratifiée de la traduction qui tient compte des multiples couches présentes dans la langue. Il y décèle les mots, la syntaxe, le style, la ponctuation et l'intention de l'auteur comme éléments essentiels. Avec tant de couches à considérer, une traduction littérale est souvent peu souhaitable. Il a souligné ainsi la nécessité pour le traducteur de naviguer habilement entre ces différentes couches, en cherchant un équilibre entre fidélité au texte source et adaptation nécessaire à la langue cible.

Il a également abordé les défis spécifiques posés par la langue chinoise, avec sa brièveté et sa concision par rapport à la longueur et à la complexité du français. Cette différence fondamentale crée selon lui des difficultés dans la traduction, mais offre également des opportunités d'amélioration en permettant aux traducteurs de mieux comprendre les mécanismes et les subtilités de chaque langue.

« Il y a un aspect que je n'avais absolument pas vu quand j'ai fait mes études de traduction, c'est que quand on est traducteur et qu'on travaille avec un groupe, on doit vraiment avoir des dons d'avocat », a affirmé M. Delvigne. Selon lui, travailler avec un groupe de traducteurs peut présenter des défis uniques, notamment en ce qui concerne la prise de décision, la résolution des problèmes et la conciliation des opinions divergentes. Dans ces situations, des compétences de plaidoyer et de négociation peuvent s'avérer précieuses pour défendre ses choix de traduction, résoudre les conflits et parvenir à un consensus. « Même quand on travaille tout seul, on doit également argumenter avec soi-même parce qu’on est son propre interlocuteur », précise-t-il. En devenant partie prenante au procès de sa traduction nécessairement imparfaite, il entame avec soi un dialogue, d'où peut naître peu à peu la théorisation de son activité.

Cette analogie avec le travail d'un avocat souligne également l'importance de la rigueur, de la précision et de la clarté dans la présentation des arguments et des justifications pour chaque décision de traduction. Comme un avocat défendrait son cas devant un tribunal, un traducteur doit être capable de justifier ses choix linguistiques et de convaincre les autres membres du groupe de leur validité.

Dans son travail quotidien, M. Delvigne traduit pour la plupart du temps des textes et documents portant sur des sujets politiques. La profondeur politique des textes ajoute selon lui une dimension supplémentaire de complexité à la tâche du traducteur. Il compare ainsi le traducteur à un acteur qui doit non seulement comprendre le texte, mais aussi incarner le ton et le style appropriés, en particulier lorsqu'il s'agit de discours politiques qui exigent un langage digne et solennel.

Les logiciels de traduction, utiles mais loin d’être parfaits

« Les logiciels de traduction basés sur l’intelligence artificielle vont faire disparaître une partie des traducteurs, ça c'est certain. Mais pour la traduction de qualité, il faudra toujours des êtres humains », a déclaré M. Delvigne, évoquant l'impact de l'intelligence artificielle sur le métier. Selon lui, l’intelligence artificielle peut remplacer une partie des tâches de traduction, mais elle ne pourra jamais reproduire la qualité et la finesse d'une traduction effectuée par un être humain. 

Il a proposé une approche où les traducteurs deviennent des réviseurs ou des relecteurs, travaillant en collaboration avec des logiciels de traduction pour améliorer les résultats. Cette méthode, selon lui, permettrait d'optimiser l'efficacité tout en préservant la qualité et la précision nécessaires dans le processus de traduction.

M. Delvigne a cependant mis en garde contre le danger que représente le culte de l'intelligence artificielle, soulignant que cette tendance pourrait conduire à une uniformisation du langage et à une perte de la richesse et de la diversité linguistiques. Selon lui, il est important de préserver la créativité et l'humanité dans le processus de traduction, tout en évitant de se conformer aveuglément aux normes et aux modèles imposés par la technologie.

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Source:french.china.org.cn