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Yu Zhongxian, traducteur émérite en langue française : « Je me consacre à présenter davantage de nouvelles œuvres de haute qualité aux lecteurs chinois »

French.china.org.cn | Mis à jour le 04. 04. 2023 | Mots clés : Yu Zhongxian,traduction,littérature

« Je suis réticent à l’idée de retraduire les œuvres qui ont déjà été traduites. Par exemple, si Le Rouge et le Noir compte 30 versions, je ne veux pas traduire la 31e. Et si Le Petit Prince en a 60, je ne serai pas celui qui aura fait la 61e ». Yu Zhongxian, ancien rédacteur en chef de la revue bimestrielle « Littérature mondiale » ainsi que professeur et directeur de thèse à l'École d’études supérieures de l'Académie chinoise des sciences sociales, a souligné dans un entretien exclusif accordé à China.org.cn qu'il s'est engagé à explorer de nouveaux domaines et à présenter davantage de grands ouvrages français aux lecteurs chinois.

La réunion annuelle 2023 de l'Association des traducteurs de Chine (ATC) a eu lieu les 3 et 4 avril à Beijing, et Yu Zhongxian a pour la première fois reçu à cette occasion le titre de « Traducteur émérite ». Face à cet honneur, il a humblement répondu : « Je ne fais que suivre les traces de mes prédécesseurs. Une génération est passée, une autre génération a pris le relais, tout comme sur le fleuve Yangtsé les vagues qui viennent de derrière poussent les vagues qui sont devant ».

Parlant du domaine de la traduction, Yu Zhongxian a déclaré à notre journaliste que traduire est comme s'engager dans l'écriture et la peinture. « Une fois que vous vous plongez dans cette ambition et ce métier, vous y prenez plaisir », assure-t-il. Selon lui, le travail de traduction est aussi une forme de création. « Bien que cela revient à traduire l’œuvre de quelqu'un d'autre, pendant la traduction, vous pouvez également avoir une partie de votre propre écriture. Par exemple, une fois la traduction terminée, vous pouvez écrire une préface et une postface, qui expriment réellement votre compréhension de l'œuvre ».

Explorer de nouveaux domaines sans faire de retraductions classiques

Yu Zhongxian, qui a traduit de nombreux ouvrages renommés, dont Le soulier de satin de Paul Claudel, Bonjour tristesse de Françoise Sagan, et En attendant Godot de Samuel Beckett, a établi un ensemble de normes personnelles pour « quel type d'ouvrages valent la peine d'être traduits ». Il estime que les œuvres classiques ont une grande valeur littéraire et esthétique, mais la plupart d'entre elles ont déjà été traduites en chinois, et c’est pourquoi il accorde davantage d'attention aux œuvres marquantes qui ne l'ont pas encore été, y compris les œuvres « expérimentales » avec des difficultés de traduction ainsi que les œuvres dont l'auteur lui-même tient une place importante dans l'histoire littéraire française et même mondiale, mais dont la valeur littéraire n'a pas encore été reconnue par le public chinois.

M. Yu a cité Paul Claudel comme exemple, rappelant qu’« il fut un diplomate français en poste en Chine à l’époque du règne de l’empereur Guangxu (1875-1908), mais aussi un poète. Il avait une grande admiration pour l'Orient, et ses œuvres ont profondément influencé la compréhension de la Chine par les lettrés français ». Selon Yu Zhongxian, bien que Claudel ne soit pas très connu dans les régions sinophones, nombre de ses œuvres valent la peine d'être traduites en chinois. Il a toutefois admis que convaincre les éditeurs de publier ce genre d’œuvres nouvelles n'était pas une tâche facile, confiant qu’« il faut même parfois dix ou vingt ans pour parvenir à un consensus ».

Dans le même temps, la résonance entre l'œuvre et le lecteur nécessite parfois aussi la bénédiction du temps qui passe. Par exemple, Bonjour tristesse est la première traduction de Yu Zhongxian officiellement publiée. Elle est sortie au milieu des années 1980 mais, pendant longtemps, elle n'a pas attiré l'attention des lecteurs. Cependant, après avoir été révisée et réimprimée en 2006, elle a progressivement gagné la reconnaissance du public chinois et est aujourd’hui devenue une œuvre littéraire classique dans l'esprit des lecteurs chinois. M. Yu a expliqué : « Ce roman raconte l'histoire d'un fossé générationnel. De nos jours, il existe un fossé générationnel clair entre les lecteurs nés dans les années 1980 et 1990, ainsi que ceux nés dans les années 1950 et 1960. Dans ce contexte social, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi le roman a retenu l'attention ».

Favoriser les échanges sino-étrangers par le biais de « l'harmonie dans la différence »

Yu Zhongxian est récipiendaire du titre de chevalier de l’ordre français des Arts et lettres, et était également président de plusieurs comités d’évaluation pour le Prix de traduction et d'édition Fu Lei. Outre des travaux liés à la traduction et à l'enseignement, il s'est également engagé à promouvoir les échanges culturels entre la Chine et la France. Selon lui, les échanges culturels doivent être basés sur une caractéristique majeure, à savoir « l'harmonie dans la différence », sans pour autant trop exagérer les « différences ». Selon M. Yu, « en littérature, chaque écrivain a ses propres différences, mais tout le monde est également conscient d’un terrain commun, qui est de tendre vers le bien et la beauté. Cependant, cela n'empêche pas certains écrivains d'écrire le "mal", comme Charles Baudelaire dans Les Fleurs du Mal ». Ce qu’il veut dire, c’est que « "l'harmonie dans la différence" est possible tant que tout le monde accorde davantage d'attention à l'aspect "harmonie" ».

En promouvant la culture chinoise à l'échelle mondiale, Yu Zhongxian a indiqué estimer que l’on peut apprendre de certaines pratiques françaises, telles que le « Projet Fu Lei ». Le ministère français des Affaires étrangères a lancé ce plan pour inciter des traducteurs chinois à traduire des ouvrages français en finançant des maisons d'édition chinoises et en sélectionnant régulièrement des traducteurs chinois de haut niveau pour les former en France. « Je crois que l'ATC a également des projets similaires qui offrent des conditions favorables pour amener des traducteurs étrangers à traduire des œuvres chinoises en langues étrangères ». Yu Zhongxian a aussi affirmé que l'ATC avait un grand potentiel pour aider la culture chinoise à se mondialiser.

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Source:french.china.org.cn