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40e anniversaire de la réforme et de l'ouverture

Entretien sur les tendances avec Li Wei, professeure à l'Université Tsinghua

French.china.org.cn | Mis à jour le 31. 08. 2018 | Mots clés : Li Wei,mode


Li Wei est professeure et maître de recherches à l'Académie des beaux-arts de l'Université Tsinghua.


Chen Meijie et Zhang Liping pour China.org.cn, le 22 août 2018

« Un magnifique défilé de mode a lieu au Royal Hotel de Tokyo, des mannequins noirs portant des vêtements ultramodernes traversent l’espace avec la grâce de papillons. Elles bougent parfois d’un pas vif comme un typhon, parfois d’un mouvement fluide et délicat comme de l’eau qui s’écoule. La créatrice Yasuda Kyoko a les yeux rivés sur la scène. À la fin du défilé, elle entre sous les projecteurs à la suite des mannequins, et s’incline profondément en direction des spectateurs. L’orchestre se met à jouer et les applaudissements retentissent… »

La scène est tirée du film japonais Proof of the Man, et est gravée dans l’esprit de Li Wei. À sa sortie en salles en 1977, il s’est classé en deuxième place du box-office au Japon. Dans les années 1980, le film et sa chanson « Chapeau de paille » ont marqué aussi les spectateurs chinois, et ont même changé la vie de Li Wei.

Trois fois pionnière

Le premier contact de Li Wei avec l'industrie de la mode s’est produit par hasard au début de l’ère de réforme et d'ouverture. Née dans une famille de peintres, elle décide de s’inscrire en création vestimentaire après avoir été inspirée par l’héroïne du film Proof of the Man. En 1980, l'Académie centrale des arts et métiers (devenue en 1999 l’Académie des beaux-arts de l'Université Tsinghua) a été le premier établissement artistique de Chine à ouvrir un département dédié à l’habillement. En 1982, les premiers étudiants de premier cycle ont été accueillis dans ce programme. Prête à d’inlassables efforts pour réaliser son rêve de création de mode, Li Wei a eu la chance d’être admise parmi ces premiers élèves.

Li Wei avec le célèbre couturier français Yves


En 1985, une rétrospective de vingt-cinq ans d’œuvres du célèbre couturier français Yves Saint Laurent a été présentée au Musée des beaux-arts de Chine. Li Wei, qui était alors étudiante en troisième année, a eu la chance de participer à l'exposition et a rencontré M. Saint Laurent. Elle se souvient dans les moindres détails de son ressenti en découvrant les tissus de qualité inégalée de cette marque de haute volée. « L’enseignement de la mode au début de l’ère de réforme et d’ouverture en était à ses balbutiements, c’est pourquoi lorsque nous avons découvert les œuvres d’Yves Saint Laurent, nous qui étions avides de connaissances dans ce premier programme de formation vestimentaire, c’était comme un don du ciel », se souvient-elle. « Cette grande marque était soudain à notre portée, les vingt jours de travail que nous avons effectué pour l’exposition constituaient le meilleur apprentissage immersif qui soit. » Le travail proactif et méticuleux de Li Wei et ses quatre camarades a été salué par l’équipe française comme par l’équipe chinoise. Après l'exposition, Yves Saint Laurent leur a donné en personne un livre dédicacé pour exprimer sa gratitude. « Li Wei, je vous confie mon inspiration », lit-on dans son ouvrage. Cette phrase l’a profondément touchée, et a semé en elle la graine de la réalisation de son rêve.

En 1986, elle est restée à l’Académie pour enseigner après l’obtention de son diplôme. Elle a donc eu la chance de sortir de la première promotion et d’être embauchée dans la foulée. Depuis, elle se consacre à l’enseignement de la mode, et forme une promotion après l’autre d’étudiants, sans que sa passion faiblisse le moins du monde.

Les « girouettes » du début de la réforme et de l'ouverture

Li Wei se souvient très bien des tendances des années 1980 et 1990. Avant la réforme et l'ouverture, tout le monde affectionnait les tuniques à col Mao et les chemises simples, il y avait peu de patrons de couture différents. Au début des années quatre-vingt, la mode est passée aux « blouses chauve-souris » aux manches tombantes, aux pulls en tricot et aux manteaux de ski. Les changements étaient relativement lents. À partir du milieu des années quatre-vingt, les gens ont commencé à porter des fuseaux avec un élastique sous le pied, des crop tops, des pantalons moulants évasés… Puis les années 1990 ont fait place aux jeans très aimés des jeunes.

Les gens s’informaient alors principalement des tendances grâce aux films et au gala de la fête du Printemps à la télévision. Les jeunes imitaient le style des vedettes, des hôtesses et des chanteuses du gala du Nouvel An chinois. Que ce soit une robe rouge apparue dans un film, une blouse ornée d’un ruban noué, la veste à épaulettes de la présentatrice du gala, ou encore la coupe afro et les lunettes de soleil d’un chanteur, tout pouvait devenir l’obsession du moment. « Au début de la réforme et l'ouverture, le courant dominant était encore la vie en collectivité. On mettait peu l’accent sur la personnalité de chacun, l'habillement visait à l’homogénéité. Cela correspondait aux idées sociétales de l’époque », observe Li Wei.

Une exposition de Li Wei au Royal College of Art


La connexion internationale

Si les années 1980 et 1990 formaient une période d’éveil aux tendances, le XXIe siècle est tout à fait différent pour la Chine, qui a désormais commencé à explorer sa propre esthétique en mettant l'accent sur sa culture et son style distincts. L’habillement est plus libre et plus divers, une ère d’épanouissement des « cent fleurs » a commencé. « Beaucoup de créateurs ont leur propre ADN de mode, à savoir une identité propre, un style qu’ils explorent. L’engouement ces derniers temps pour des vêtements naturels et respectueux de l'environnement, le confort et le style intelligent, s’articule en synchronisation avec les tendances internationales », observe-t-elle. « La Chine a désormais de nombreuses marques reconnues, nous avons commencé à mettre l'accent sur l'individualité, les gens ne veulent plus se copier. »

« Des années 1940 aux années 1960, la mode occidentale a atteint un très haut niveau esthétique, de qualité, de technique et de tissus. Malgré les périodes de récession, les Occidentaux ont gardé des exigences esthétiques et de présentation à plusieurs aspects. Ils prêtent attention à leur habillement et à la manière dont ils présentent leur personnalité, alors que nous avons pendant longtemps cherché à nous habiller pour les autres. Beaucoup de gens veulent aveuglément des vêtements et sacs de grandes marques, même si cela est laid. Les gens doivent s’émanciper de ces codes en suivant leurs propres envies, c’est la seule manière de trouver son style esthétique. » Comme le disait Coco Chanel : « Les modes passent, le style est éternel ». 

Li Wei et ses mannequins


Les tendances du futur sont imprévisibles. Cependant, Li Wei est confiante : « Nous avons maintenant beaucoup de créateurs qui n’ont rien à envier à leurs homologues étrangers. Nos jeunes étudiants sont investis d’un sens de mission et de responsabilité, la Chine aura certainement beaucoup à apporter au monde de la mode dans les années à venir. »

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Source:french.china.org.cn