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Dans les petits paniers de bambou de Shanghai

French.china.org.cn | Mis à jour le 07. 07. 2017 | Mots clés : Shanghai,paniers de bambou

Dans les petits paniers de bambou de Shanghai
Xiaolongbao de Nanxiang
 

L'expression « dans les petits pots, les meilleurs onguents » résume parfaitement l'attrait des xiaolongbao, un trésor de la gastronomie de Shanghai.

François Dubé*

Vous croyez connaître les dumplings, ces fameux raviolis chinois que l'on retrouve dans les paniers ronds tressés empilés sur les tables des quartiers chinois, mais en êtes-vous bien certains ? Il est probable que les dumplings que vous appréciez tant soient, en vérité, non pas des dumplings mais des xiaolongbao – de petits raviolis farcis cuits à la vapeur appréciés tant en Chine qu'à l'étranger.

Originaires de Shanghai, ces petites boulettes raffinées et succulentes font le délice des visiteurs et des résidents de la mégapole chinoise. Traditionnellement, les xiaolongbao sont servis chauds dans des paniers de bambou dans lesquels ils ont été préalablement cuits à la vapeur, généralement sur un lit de feuilles séchées ou de papier parchemin.

Les Shanghaïens mangent les xiaolongbao à toute heure du jour, autant pour le petit-déjeuner (dans ce cas ils sont dégustés avec un verre de soya chaud) ou au déjeuner, servis avez une soupe salée d'algues marines. Ces xiaolongbao sont habituellement trempés légèrement dans du vinaigre de Zhenjiang avec quelques tranches de gingembre avant d'être dégustés.

Parfaits pour un déjeuner de travail en raison de leur rapidité, rassasiants à souhait lorsqu'on empile les paniers un après l'autre, les xiaolongbao forment le repas idéal pour les gens affairés de Shanghai.

Des origines nébuleuses

Selon la légende, les xiaolongbao auraient été inventés à la fin du XIXe siècle, vraisemblablement durant le règne de l'empereur Guangxu (1875-1908) des Qing. Ces petites collations auraient vu le jour d'abord dans le bourg de Nanxiang, dans le district de Jiading de Shanghai. Leur nom d'origine était xiaolong mantou, littéralement « petits pains cuits à la vapeur ».

La légende veut que son inventeur était un homme nommé Huang Mingxian, propriétaire d'un restaurant appelé Ri Hua Xuan à Nanxiang. Dans les années 1870, il aurait inventé les xiaolongbao en ajoutant de l'aspic à du porc haché. Une fois cuit à la vapeur, l'aspic se liquéfie, remplissant ainsi la boulette de soupe, ce qui explique le secret derrière ce met succulent.

Or, la montée vers la gloire internationale des xiaolongbao ne s'est pas faite à Shanghai, mais plutôt à Taiwan. La chaîne de restauration Din Tai Fung fut établie en 1991 à Taiwan par un Chinois de la province du Shanxi. Malgré sa distance de Shanghai, c'est bien ici que la norme internationale pour les xiaolongbao a été exportée vers le reste du monde, de New York à Paris. Summum de la reconnaissance, la première succursale de Din Tai Fung à Tsim Sha Tsui, Hong Kong, a reçu une étoile Michelin en novembre 2009.

Fuchsia Dunlop, une experte reconnue en matière de cuisine chinoise, pose un bémol à cette version. Elle considère pour sa part que les xiaolongbao remontent plutôt au début du XXe siècle à Shanghai. Elle explique ainsi à la publication Serious Eats l'origine des xiaolongbao : « Je ne crois pas que l'on puisse dire que Nanxiang a été le premier endroit dans la région à faire des raviolis farcis à la soupe, car il existe d'autres versions de ce met qui remontent à plus longtemps. »

Peu importe leurs origines nébuleuses, ces petits pains occupent aujourd'hui une importance emblématique aux yeux des gens de Nanxiang et des Shanghaïens qui se respectent : les xiaolongbao sont aujourd'hui l'une des formes d'arts populaires protégés par le gouvernement de Shanghai.

Aujourd'hui, l'endroit le plus mythique et le plus fréquenté pour les xiaolongbao est de loin le restaurant Nanxiang Steamed Bun, situé dans le vieux quartier chinois de Nanxiang. Cet établissement fut établi en 1900. Le renom de cette marque est tel que le restaurant a récemment étendu ses activités à l'international, avec des branches en Corée du Sud et au Japon.

 

Yang Jihua, directeur de Din Tai Fung, présente des xiaolongbao.

De multiples variantes

Comme pour beaucoup d'autres mets, il n'existe pas une variante universellement reconnue des xiaolongbao. Même la variante de Din Tai Fung n'est qu'une des multiples versions offertes sur le marché.

D'abord, les locaux font une distinction notable entre les tangbao (originaires de Nanjing) et les authentiques xiaolongbao de Shanghai. Là où les visiteurs d'outre-mer ne voient que du feu, les locaux y voient tout un monde de différence. Le critique culinaire de Shanghai Shen Hongfei explique : « Ce que la plupart des magasins vendent ces jours-ci ne sont pas des xiaolongbao, mais des tangbao de Nanjing qui sont vendus sous le nom de xiaolongbao. Ce sont les boulettes remplies de soupe avec une peau très mince. »

En effet, les xiaolongbao contiennent en général plus de viande que les tangbao. La farce au porc est mince, avec une forte saveur en bouche rehaussée par le vin de riz et la sauce soya. Les tangbao, originaires de Nanjing, capitale du Jiangsu, contiennent beaucoup plus de liquide : ils sont remplis d'une soupe riche et grasse. Les gourmets doivent d'abord mordre un petit trou dans la peau fragile afin d'en sucer la soupe, parfois brulante, mais toujours délicieuse.

Si les xiaolongbao sont toujours farcis au porc, la garniture des tangbao varie également, dont la plus succulente est sans doute celle du crabe chinois, aussi connu sous le nom de crabe poilu de Shanghai. Vous le trouverez partout de septembre à octobre, pendant la saison de pêche de ce crustacé très prisé.

Aussi originaire du Jiangsu, une autre variante est celle du wenlou tangbao, qui appartient à la famille de la cuisine régionale de Huaiyang. Par rapport aux deux précédentes, cette variante est très grande et sa pâte, que l'on appelle « peau » en chinois, est extrêmement mince et ressemble presque à du papier. Ici aussi, sa farce varie et peut être faite à base de divers ingrédients tels que la viande, le poulet, les crabes ou les crevettes. On dit que l'empereur Daoguang (1821-1850) des Qing était particulièrement friand de celui-ci, lui décernant le titre de petit pain « le plus frais de Chine » après y avoir goûté.

Enfin, la quatrième variante la plus répandue – et l'une sans doute des plus populaires dans les quartiers touristiques de Shanghai – est le shengjianbao : le ravioli frit et farci de soupe. Ce dernier occupe une place à présent irremplaçable en tant que petit-déjeuner ou collation dans la vie des gens de Shanghai depuis au moins un siècle.

Les shengjianbao sont faits avec une pâte un peu plus épaisse que les xiaolongbao, qui recouvrent une farce riche en viande ou autres ingrédients. Ils sont apprêtés dans de grandes casseroles en fonte couvertes, dans juste assez d'eau pour les cuire à la vapeur. À mesure que l'eau s'évapore, la surface inférieure des raviolis commence à frire : cela produit un pain tendre, cuit à la vapeur et rempli de jus, avec un côté doré et frit et un côté moelleux. Bien que sa texture ne soit pas aussi élastique que celle des xiaolongbao, leur principal attrait est évidemment la soupe prisonnière à l'intérieur de la pâte, et le fond croustillant et frit de chacune des boulettes.

 

Des xiaolongbao colorés.

Vers l'innovation

Fort de son centenaire d'histoire, de son statut emblématique comme symbole culinaire de Shanghai et de sa popularité croissante, le xiaolongbao se dirige maintenant à pleine vitesse vers de nouveaux horizons.

À Shanghai, certains chefs innovent en réinventant les traditions bien établies, quitte à déstabiliser leur clientèle. Chez Simon's Test Kitchen, un établissement réputé de la métropole, les xiaolongbao de porc sont enveloppés dans de la pâte de trois couleurs différentes, chacune avec sa saveur particulière : vert (épinards), rouge (betterave) et orange (carotte). Tout en gardant la minceur presque translucide des raviolis de Shanghai, chaque option fournit une saveur légèrement différente. Le restaurant innove aussi en termes de garniture, en proposant entre autres des xiaolongbao fourrés avec différentes sortes de champignons.

« L'authenticité ne doit jamais être un argument pour le conservatisme. Les cultures sont toujours là où elles se situent maintenant : elles ont toujours évolué grâce au contact, à l'absorption de nouveaux ingrédients, par le contact avec de nouvelles personnes », rappelle Dunlop aux puristes qui verraient là un affront aux traditions de ces petits raviolis.

L'art de déguster

Pour les non-initiés, la manière appropriée de déguster le xiaolongbao n'est pas immédiatement évidente. Il est en effet facile de se brûler ou d'envoyer des jets de soupe chaude en cascade sur votre chemise ou votre cravate. Voici quelques conseils.

D'abord, agrippez délicatement la boulette en utilisant des baguettes ou le bout de vos doigts, soulevez la boulette de son papier parchemin et placez-la doucement sur une cuillère à soupe. Il est essentiel à ce stade de faire attention à ne pas percer la peau de la boulette. Certains restaurants fournissent des pinces minuscules pour cette délicate opération, alors que d'autres personnes préfèrent y aller à la bonne franquette en utilisant leurs doigts.

Une fois le ravioli bien en place dans la cuillère, grignotez délicatement à l'aide de vos dents une petite ouverture dans la peau tandis que vos lèvres restent fermement posées autour de l'ouverture. Ensuite, vous n'avez qu'à aspirer pour libérer la délicieuse garniture qui se cache à l'intérieur. La soupe chaude qui forme l'attrait principal des xiaolongbao devrait immédiatement se déverser dans votre bouche. Inclinez soigneusement la cuillère à mesure que vous aspirez par l'ouverture afin de vous assurer que rien ne vous échappe, pas même la dernière goutte de ce liquide précieux. Comme la soupe est parfois beaucoup plus chaude que la peau ne le laisse paraître, il est recommandé de procéder tranquillement pour ne pas se brûler la langue à ce stade.

Ensuite, vous êtes libres de bien vouloir plonger le reste du ravioli dans un peu du vinaigre avec lequel ils sont normalement servis et de déguster le tout. La plupart des xiaolongbao sont assez petits pour être mangés d'un seul trait. Les plus grands, comme le wenlou tangbao, peuvent être mangés en quelques bouchées.

Malheur à celui qui mord directement dans le ravioli ! Celui-ci explosera aussitôt et il se verra éclabousser par la soupe, aux grands rires des Chinois. Vous êtes avertis : lorsqu'en Chine, faites comme les Chinois et assurez-vous d'observer comment vos voisins dégustent leur ravioli avant de vous lancer.

*François Dubé est un journaliste canadien basé à Beijing.


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Source: La Chine au Présent

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