[A A] |
Jacques Perrin
China.org.cn : Tout d'abord, félicitations pour la sortie de votre film Les Saisons en Chine. Merci beaucoup d'être ici avec nous. Depuis plus de vingt ans vous avez réalisé plusieurs films sur la nature comme Le Peuple migrateur et Océans. Qu'est-ce qui vous a amené vers ce genre de films ?
Jacques Perrin : C'est parce que j'ai commencé la production avec des films de Costa-Gavras, des films politiques, des films où il y avait un engagement dans la société, dans la situation des pays autour du monde. Le premier était un film sur la Grèce, sur le putsch des colonels. J'aime bien les films qui s'inscrivent dans une réalité, donc c'était des films politiques. Et puis le temps a passé et je me suis rendu compte qu'il y avait un problème dans la planète : la protection de la nature. Le caractère industriel, la façon dont on charcute, dont on abîme l'océan et la mer, c'est monstrueux ! Il faut faire des films. Je trouve que le cinéma est un spectacle pour se réjouir, mais en même temps c'est une arme, et une arme qui est dangereuse car elle s'adresse à l'émotion. Lorsqu'on fait un film, on fait des papiers, des discours, etc. Les discours, ça s'oublient, mais les mots se retiennent. Quand on fait un film, ça reste imprimé dans la mémoire. Alors je me suis dit « on va faire des films pour défendre la nature, pour défendre les animaux », et je trouve qu'en ce début de siècle, un des problèmes majeurs, c'est vraiment l'existence des autres ; l'existence de la forêt, la survie de la mer, cela me semble important. S'il n'y a plus de mer, s'il n'y a que des industriels, des pétroliers, et qu'on plie sous la pollution, c'est terrifiant, on a un avenir qui est fermé. Il faut réagir autrement, parler des problèmes de santé de la planète parce que c'est important pour les animaux et pour nous.
China.org.cn :Vous dites que le cinéma est une arme. J'ai découvert que votre film est projeté au Musée d'histoire naturel de Pékin en cycle, les enfants peuvent le voir à tout moment. Les enfants sont-ils un groupe de spectateurs important d'après vous ?
Jacques Perrin : Oui, les enfants vont devenir ce que nous sommes. J'espère qu'ils seront meilleurs que nous le sommes et quand ils comprendront la complexité et le bonheur que c'est de vivre dans un milieu qui est propice aux êtres vivants, je crois qu'ils vont le défendre beaucoup plus vite. La conscience de l'homme adulte n'est pas venue suffisamment tôt et maintenant on essaie d'éduquer nos enfants d'une éducation que nous n'avons pas reçue et qu'on n'a pas pas voulu tout à fait avoir. Et s'il y a des films, non pas nos films, mais des films qui apportent une réflexion, une pensée sur l'état de la planète, c'est important. Car on a besoin de la défendre, mais avant de la défendre il faut la comprendre. Et tout ce qu'on essaie de faire dans nos films, avec Jacques Cluzaud, c'est de comprendre à quel point la nature est belle et enthousiasmante, à quel point on dort et on réfléchit mieux et à quel point cela facilite les relations avec les autres si l'on comprend la nature. On ne peut pas vivre comme des forcenés dans une société mégapole où l'on ne pense qu'à gagner de l'argent et à entreprendre. Non, on n'a pas besoin d'argent dans la nature.
China.org.cn : A propos de vos films, il y a une chose très intéressante, c'est que tout le monde parle de vos « documentaires », mais si je ne me trompe pas, vous avez souligné à plusieurs occasions que vos œuvres sont des films plus que des documentaires. Pourquoi cette distinction est importante selon vous ?
Jacques Perrin : « Documentaire » signifie qu'il y a de la pédagogie. D'une façon générale, cela veut dire que l'on va expliquer des choses au spectateur et que les images que nous donnons ne sont là que pour illustrer notre propos. Mais on n'illustre pas notre propos, c'est le fond : moi je veux entendre la nature, le chant des oiseaux, le grognement des animaux. Et c'est un commentaire pour moi, c'est un commentaire vivant. Mais on vit dans une triste époque, alors je vous le dis cher spectateur, faites attention, le commentaire de mes films c'est le spectateur qui est dans la salle et qui en voyant des images, réfléchit à leur signification et en tire une philosophie. Donc je ne veux pas que mes films soient classifiés « documentaires », d'autant plus que quand on dit « documentaire », cela évoque un film pour la télévision, un film qui ne coûte pas cher. Les films que je produis coûtent beaucoup plus cher qu'un film de fiction, donc je ne veux pas que ce soit moins considéré qu'un film de fiction, c'est pourquoi je dis que c'est un « film ».
Source: french.china.org.cn |
|
||