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La phase de doublage : amorce des échanges culturels
Dans le studio d'enregistrement de l'université de Technologie du Nord de la Chine, situé au 3e étage de la « section numérique », Song Dandan et Fan Ming apparaissent sur le grand écran, mais ce sont les voix des Tanzaniens Kaboba et Oumali que l'on entend. Ces deux sont dirigés par Li Yanjie, qui les font répéter encore et encore jusqu'à ce que le résultat soit parfait. Ils font partie de l'équipe de doublage en swahili de la série Jin Tai Lang De Xing Fu Sheng Huo, arrivée à Bejing en mai dernier.
D'après Wang Xiaoyan, responsable de l'enregistrement, l'équipe de doublage pour Jin Tai Lang De Xing Fu Sheng Huo n'en est encore qu'à ses débuts. Il y a tout un travail sur le texte, la prononciation, le caractère des personnages interprétés à intégrer. « C'est une vraie formation ! » Dans le groupe, qui se compose de six expatriés venus de Tanzanie et du Kenya, aucun ne possédait d'expérience préalable dans le doublage. Dans son pays natal, Kaboba était un célèbre acteur ; Oumali était animateur radio ; les autres exerçaient des professions du même acabit. Alors, pour obtenir de bons résultats en matière de doublage aujourd'hui, la « formation » élémentaire ne suffit pas : il faut que les élèves fassent bien leurs devoirs en dehors de la classe ! Dans la salle de repos en face du couloir, trois autres acteurs voix profitent de leur pause pour répéter leur partie en synchronisation avec la version originale de la série.
Dans le studio à côté, les progrès vont bon train. Là, ont déjà été doublés en haoussa les seize premiers épisodes de Beijing Love Story. Les acteurs ont grandement gagné en compétences. Le directeur du doublage, Li Jinyan, raconte qu'au tout début, l'équipe rencontrait de nombreuses difficultés et qu'il leur avait fallu sept jours pour boucler le premier épisode. Peu à peu, celle-ci s'est familiarisée avec les procédures, ce qui a permis par la suite de faire un à deux épisodes par jour.
Outre le travail de doublage, la traduction du script n'était pas chose aisée. L'équipe composée d'une dizaine de traducteurs a travaillé d'arrache-pied pour adapter la première saison en langue étrangère en deux mois. Cette tâche a ensuite été finalisée par des experts étrangers et chinois en langues. Enfin, les documents ont été transmis au studio d'enregistrement, qui a effectué une troisième vérification. Souvent, pour exprimer une même chose, la phrase en chinois et celle en langue étrangère n'ont pas la même longueur, ce qui pose problème lors du doublage : les comédiens finissent de parler alors que les personnages à l'écran bougent encore les lèvres, ou inversement. C'est là qu'intervient le directeur artistique, qui allonge ou raccourcit le script de manière à ce que son et image coïncident.
Alors même que la série n'était pas encore apparue en Afrique, les échanges culturels commençaient ici, à petite échelle.
Li Yanjie, auparavant en poste à la section swahilie de CRI, s'est vu confier l'adaptation de la série Doudou et ses belles-mères. Selon elle, les locaux qui se sont impliqués dans ce travail peuvent être fiers d'eux. Alors qu'il venait de reprendre ses études à l'université, l'animateur radio Oumali a demandé à être exceptionnellement dispensé d'assiduité pendant un semestre pour cet emploi. Quand il a pris l'avion pour la Chine, toute sa famille l'a accompagné à l'aéroport pour lui témoigner son soutien.
Depuis quelque temps, Yahaya Babusi, de l'équipe de doublage de Beijing Love Story en version haoussa, comprend mieux la Chine. Babusi est un réalisateur qui vient du Nigeria. Bien qu'il soit du métier, c'était la première fois qu'il voyait une série refléter la vie contemporaine chinoise. Les séries chinoises diffusées au Nigeria portaient avant exclusivement sur les arts martiaux et le milieu rural, et étaient accessibles en version originale sous-titrée seulement. Ainsi, son entourage et lui considéraient les Chinois comme des hors-la-loi : irritables, vicieux, vindicatifs. Pour participer au doublage, il s'est rendu en Chine, pour la première fois de sa vie. Il a alors vu qu'en réalité, le peuple chinois est amical et accueillant. « À mon arrivée à Beijing, j'ai été subjugué par le niveau de développement. Tout ce que je voyais dépassait l'imagination », a-t-il ajouté.
Exploitation commerciale
CRI a déjà réalisé la moitié du travail en doublant une dizaine de séries. Durant la seconde moitié de l'année, elle va se charger de lancer ces séries dans quinze pays africains. Il convient alors de se demander sur quelles forces faudra-t-il compter pour promouvoir ces productions chinoises l'an prochain et dans un avenir plus lointain ?
Quand Doudou et ses belles-mères a été diffusé en Tanzanie, des sponsors ont été cherchés parmi les entreprises locales à capitaux chinois. Mais cette initiative n'a finalement rapporté que 100 000 yuans. « Avant que la série ne réalise de bons taux d'audience, les Chinois ne voyaient pas l'influence potentielle que pouvait avoir la série », explique Li Yi.
Mais dorénavant, certaines productions s'oriente déjà vers le marché, comme Jin Tai Lang De Xing Fu Sheng Huo en version birmane. « Nous envisageons la commercialisation et cherchons de l'aide auprès des entreprises chinoises qui s'y implantent. Celles-ci financent déjà un grand nombre de projets locaux. Et ces entreprises expriment le souhait et le besoin de faire connaître la Chine aux autres pays, déclare An Xiaoyu, responsable du centre sur l'Asie du Sud-Est relevant de CRI. Nous avons donc contacté la China National Petroleum Corporation (PetroChina), et les deux parties sont très vite tombées d'accord : PetroChina était disposé à soutenir l'exportation de la culture chinoise par ce biais. » Actuellement, cette série est diffusée au Myanmar au nom de PetroChina.
Après avoir pris conscience de ces perspectives commerciales, les studios de production ont cherché à mettre en place un modèle de développement sur le long terme. « Le parrainage des séries chinoises par des entreprises, pour aider ces productions à se tailler une place sur le marché audiovisuel, est à une solution gagnant-gagnant efficace. À l'avenir, nous réunirons davantage d'entreprises nationales, pour développer davantage encore l'activité commerciale », a souhaité An Xiaoyu.
CRI n'a cependant pas été mis de côté. Actuellement, Hualu Bania distribue gratuitement, entre autres, Doudou et ses belles-mères et Jin Tai Lang De Xing Fu Sheng Huo. L'objectif était tout d'abord de soutenir les échanges interculturels de la Chine avec l'étranger. Mais plus important encore, il s'agissait d'une occasion de développer le softpower chinois. Le directeur du service juridique de Hualu Baina, Zhao Yunyun a expliqué que bien que son entreprise n'ait pas pour projet de produire une série à l'étranger, les marchés étrangers devront être pris en considération dès la phase initiale de création.
Cette exportation de séries chinoises ne se limitera pas à l'Afrique et à l'Asie du Sud-Est à l'avenir. À l'heure actuelle, CRI envisage de fonder une base de doublage pour les langues rares, en prenant exemple sur son studio de doublage courant. Elle projette de mettre à profit ses diverses ressources professionnelles pour ces langues peu communes, afin de fournir une plate-forme pour l'exportation des productions chinoises vers l'ensemble des pays africains.
*Ecrit par XUE LEI, journaliste à Beijing Youth Daily.
Source: La Chine au Présent |
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