À quelques heures de l'annonce du prix Nobel de littérature 2012, Mo Yan, l'auteur chinois favori des agences de pari, reste au centre des discussions sur la toile et parmi ses compatriotes chinois.
Le réseau de télévision publique chinois CCTV a été invité en Suède pour une interview avec le futur lauréat du prix Nobel de littérature pour la première fois depuis l'existence de cette cérémonie, expliquent des responsables de CCTV.
Seules trois chaînes de télévision se sont vues accorder ce privilège, ce qui n'a pas manqué de donner naissance à nombre de prévisions du public chinois.
Depuis le mois d'août, le site de paris en ligne Unibet place Mo Yan favori avec une cote de 5,25 contre 1, devant l'écrivain japonais Haruki Murakami à 8 contre 1. Un site britannique de jeux le voit, quant à lui, second candidat à la victoire. Un rapport de l'Agence France-Presse (AFP) paru au début du mois estimait que Mo Yan et Hakuri Murakami étaient tous deux pressentis comme favoris.
Bien que le jury du concours ne révèle la liste des nominations que 50 ans après la remise du prix, les chinois n'ont pu résister à l'envoûtement des paris érigeant Mo Yan en favori, ce qui a valu aux livres de l'auteur de devenir très populaires auprès du lectorat chinois.
Le débat s'est propagé à travers le pays, et d'aucuns estiment cependant que Mo Yan ne mérite pas le prix Nobel, car il aurait omis de faire référence à certains problèmes historiques et sociaux décisifs en Chine, et parce qu'il adopte un positionnement politique passif. À titre d'exemple, Mo a été critiqué pour avoir accepté de retranscrire, dans son propre style, un discours prononcé par Mao Zedong qui avait joué un rôle central dans la chaotique Révolution culturelle de 1966-76, pour un livre commémoratif sur l'ancien président publié cette année.
Kenzaburo Oe, écrivain japonais et lauréat du prix Nobel de littérature en 1994, estime pour sa part que Mo Yan a de grandes chances de se voir attribuer le prix Nobel cette année, pour peu que le prix soit décerné à un écrivain asiatique une fois de plus.
Chen Maiping, l'écrivain et professeur de l'Université de Stockholm en Suède qui s'est fortement intéressé aux prix Nobel de littérature, explique que, même si les sites de paris en ligne révèlent parfois des prévisions absurdes, des œuvres de Mo telles que Le clan du sorgho et The Garlic Ballads sont très populaires dans les cercles de lecture en Suède. La dure loi du Karma a quant à elle fait son apparition dans les librairies suédoises cette année et a été chaudement recommandée durant le Salon international du livre de Göteborg.
Mo Yan est réputé pour son observation sociale, notamment dans des romans comme Le clan du sorgho (1987), Beaux seins, belles fesses (1993) et Frog, qui raconte l'histoire de la politique de planification familiale chinoise. L'écrivain est né en 1955 à Gaomi dans la province du Shandong, d'où prennent racines nombre de ses histoires. Il est encore largement influencé par la critique politique des œuvres de Lu Xun, un des plus grands écrivains que la Chine ait connu. Ayant débuté sa carrière d'écrivain en 1981, Mo Yan a depuis lors remporté de nombreux prix chinois et internationaux, dont le célèbre prix de littérature international Nonino en 2005, et il est actuellement vice-président de l'Association des écrivains de Chine.
« Il est l'écrivain chinois le plus compétent et le plus enclin à recevoir le prix Nobel. Il y a quelques années, j'avais tenté de rassembler davantage de lecteurs qui pourraient recommander sa candidature pour le prix en publiant un longue lettre dans un courrier électronique adressé à un groupe d'intellectuels aux États-Unis », explique Yang Xiaobin, poète et critique littéraire.
Les œuvres de Mo traduisent un important sens critique par le biais d'une présentation des maux sociaux modernes et des traumatismes historiques. Son style d'écriture est innovant et ses romans représentent la culture rurale et populaire de la Chine, observe Yang.
« Malheureusement, un seul membre du jury du prix Nobel de littérature sait lire le chinois », précise-t-il. Et d'ajouter que Mo Yan est l'écrivain chinois le plus traduit, dans de nombreuses langues, et le plus lu dans les pays occidentaux. |