Tandis que la majorité des spectateurs du monde entier s'émerveillent devant la beauté des images 3D de la superproduction hollywoodienne "Avatar", certains Chinois considèrent le film sous un angle très différent : celui d'un combat contre l'expulsion forcée.
La fresque cinématographique de James Cameron suit les traces d'un ancien soldat de la marine dont la mission est d'infiltrer une race extraterrestre et de les persuader de laisser son employeur exploiter les ressources naturelles de leur planète.
Un grand nombre de cinéphiles ont critiqué le film pour son intrigue convenue, malgré son utilisation spectaculaire de la technologie 3D.
Cependant, le récit a suscité la compassion chez beaucoup de spectateurs chinois, qui voient dans le film un conflit social familier : les démolitions forcées par les promoteurs immobiliers.
"Les deux conflits sont similaires. Par exemple, le point de départ du film est l'exploitation de la terre," indique un internaute baptisé "A Cup of Green Tea" sur un forum en ligne opéré par le site www.xinhuanet.com.
"Quand les promoteurs immobiliers veulent une parcelle, les habitants sont contraints de déménager; s'ils refusent, les promoteurs ont recours à la violence," poursuit l'internaute.
Les démolitions forcées ont toujours entraîné l'opposition et la résistance des citoyens chinois et ont donné naissance au terme de "maison clou" (nail house), en référence au clou qui refuse d'être enfoncé.
Dans la ville de Chongqing, dans le sud-ouest de la Chine, un couple s'est opposé pendant trois ans, de 2004 à 2007, aux promoteurs qui menaçaient de raser leur maison. Les uns après les autres, leurs voisins ont quitté le quartier. Le seul bâtiment encore debout était leur maison en briques de deux étages, surplombant un chantier de construction de 17 mètres de profondeur. Leur combat a pris fin en avril 2007 avec la négociation d'un accord qui prévoyait cependant la démolition de leur foyer.
En juin 2008, Pan Rong et son mari ont jeté des cocktails Molotov sur un bulldozer depuis le toit de leur maison à Shanghai. Les efforts de Pan n'ont pas eu raison du véhicule, qui a détruit les murs du bâtiment, obligeant le couple à quitter les lieux.
En novembre dernier, Tang Fuzhen, femme de 47 ans de la ville de Chengdu (sud-ouest), s'est immolée par le feu pour protester contre la démolition de sa maison. Elle n'a pas survécu.
Dans les deux cas, les gouvernements locaux ont affirmé que les démolitions étaient légales et en accord avec les réglementations en vigueur.
"Je me demande si James Cameron n'a pas secrètement vécu en Chine avant d'imaginer l'histoire d'Avatar, qu'il conclut pourtant avec un message optimiste," confie le célèbre journaliste sportif Li Chengpeng dans un blog sur www.sina.com.
"En un mot, je crois que le film est une apologie réussie du combat qui oppose les 'maisons clous' aux démolitions forcées," poursuit-il.
Le gouvernement central est de plus en plus conscient de l'impact négatif des démolitions forcées et du mécontentement de la population.
La Chine a adopté en 2007 une loi sur la propriété qui défend la protection de la propriété privée.
Le 7 décembre 2009, cinq professeurs de l'Université de Pékin ont envoyé une lettre ouverte à l'Assemblée populaire nationale (APN, parlement chinois), affirmant que la Réglementation sur l'Administration des logements urbains était inconstitutionnelle et violait la loi sur la propriété.
Le gouvernement a élaboré un projet de révision de la réglementation actuelle sur les démolitions, qui est en vigueur depuis 2001 et autorise les démolitions forcées.
Ce projet de révision, dont le contenu est inconnu, restreint davantage le pouvoir administratif dans les procédures de démolition et vise à atténuer les tensions croissantes causées par les démolitions forcées, indiquent des spécialistes.
"Pour les spectateurs d'autres pays, les démolitions forcées sont un problème qui va au-delà de l'imagination," affirme le jeune écrivain Han Han, connu pour ses propos sujets à controverse, dans son blog sur www.sina.com.
"Je pense donc qu'Avatar est un grand film. Je lui donne 10/10, en prenant aussi en compte le fait que le film ait été tourné en 3D et soit surtout destiné aux salles de cinéma IMAX," précise-t-il.
En Chine, Avatar avait déjà récolté plus de 300 millions de yuans (44 millions de dollars) lundi depuis sa sortie en salles le 4 janvier, a annoncé mercredi la China Film Group Corp., distributeur chinois du film.
"Les recettes du film au box-office dépasseront sans problème les 500 millions de yuans," a déclaré Weng Li, porte-parole de la société de distribution.
Jusqu'à présent, le film a engrangé plus de 430,8 millions de dollars en Amérique du Nord, après quatre semaines d'exploitation. Ses recettes internationales sont estimées à plus de 1,3 milliard de dollars.
Cependant, "A Cup of Green Tea" conclut son commentaire avec un avertissement : "Je recommande fortement aux promoteurs immobiliers d'aller voir ce film et d'en tirer des leçons." |