COMMENTAIRE : La visite d’Emmanuel Macron en Chine, une réaffirmation stratégique pour un monde multipolaire

La visite en Chine du président français Emmanuel Macron, qui débutera le 3 décembre 2025, intervient dans un contexte de profonds bouleversements géopolitiques. Face au renforcement de la compétition entre les États-Unis et la Chine, à une économie mondiale fragmentée et aux conséquences persistantes du conflit russo-ukrainienne, ce voyage témoigne d'une volonté renouvelée de repositionner la France, et par extension l'Europe, comme un acteur autonome et stabilisateur.  Ce déplacement de trois jours comprendra deux étapes, emmenant le président français à Beijing puis à Chengdu, dans la province du Sichuan (sud-ouest).  

Loin d'être une simple mission diplomatique, cette visite reflète la vision plus large de M. Macron d'un ordre mondial multipolaire où l'Europe agit comme un pôle indépendant et non comme un allié subordonné au sein de l'architecture transatlantique. Avec cette visite, M. Macron entend réaffirmer l’autonomie stratégique de la France, promouvoir les intérêts économiques de l’Union européenne (UE) et faire entendre une voix européenne qui ne soit pas automatiquement alignée sur la position de Washington face à la Chine. 

Concurrence stratégique et quête d’autonomie de l’Europe

L’engagement de M. Macron auprès de la Chine doit être replacé dans le contexte d’une polarisation mondiale croissante. Les États-Unis continuent de renforcer leurs alliances militaires, telles que l’AUKUS et le QUAD, de durcir les contrôles sur les exportations de semi-conducteurs, et d’étendre leur cadre stratégique Indo-Pacifique. Parallèlement, la Chine approfondit ses liens avec les pays du Sud global à travers l’initiative de « La Ceinture et la Route », développe la coopération au sein des BRICS et élabore de nouveaux discours diplomatiques axés sur le développement, la non-ingérence et la multipolarité. L’Europe cherche à concilier sa dépendance économique vis-à-vis de la Chine et sa dépendance sécuritaire vis-à-vis des États-Unis, évitant ainsi de manière pragmatique de se retrouver prise dans un dilemme sécuritaire. 

M. Macron est déterminé à forger une posture européenne indépendante, et sa prochaine visite en Chine s’inscrit pleinement dans cette philosophie. Elle visera à approfondir la coopération avec Beijing, tout en consolidant le rôle de l’Europe comme acteur d’équilibre mondial et partenaire économique. L’élément significatif de ce voyage réside dans la réaffirmation symbolique de l’autonomie stratégique européenne. Cette visite souligne la conviction de la France que l’Europe doit définir sa propre trajectoire en matière de sécurité, d’économie et de politique étrangère, une trajectoire qui reflète ses valeurs plutôt que les pressions extérieures. En s’engageant proactivement auprès de la Chine, M. Macron signale que l’Europe doit maintenir des canaux de communication ouverts avec toutes les grandes puissances, tout en préservant sa propre marge de manœuvre. Cette approche renforce le rôle de l’Europe dans la diplomatie mondiale et conforte l’idée qu’un monde multipolaire est non seulement souhaitable, mais aussi nécessaire à la stabilité mondiale à long terme.

L’économie demeure un pilier central de la diplomatie chinoise de M. Macron. La Chine est un partenaire commercial essentiel pour la France, notamment dans les secteurs de l'aéronautique, de l'agriculture, des transports, du luxe et des énergies propres. La visite devrait permettre de finaliser plusieurs contrats, de renforcer les coentreprises et d'explorer de nouveaux domaines tels que les véhicules électriques, les technologies vertes, la gouvernance de l'intelligence artificielle (IA) et la résilience des chaînes d'approvisionnement. Le défi pour M. Macron sera de maintenir un équilibre délicat : promouvoir les intérêts commerciaux français tout en soutenant la volonté de l'UE de « réduire les risques » plutôt que de procéder à un découplage. Il devrait ainsi privilégier une coopération pragmatique, en particulier là où convergent climat, technologie et innovation industrielle. Cette diplomatie économique pragmatique permettra à la France de saisir des opportunités d'investissement tout en contribuant à un environnement économique mondial plus stable.

La diplomatie climatique devrait être un autre axe majeur de cette visite. Suite à la COP 30 qui s'est récemment conclue au Brésil, M. Macron entend faire de la coopération climatique un pont entre l'Europe et la Chine. L'ambition de la France d'accélérer le financement mondial de la lutte contre le changement climatique, de favoriser la transition énergétique vers les énergies renouvelables et de promouvoir la conservation de la biodiversité requiert la participation de la Chine. Les deux pays entretiennent une coopération de longue date sur les questions écologiques, et cette visite offre l'occasion de revitaliser les engagements communs pris dans le cadre de l'Accord de Paris, de la réduction mondiale des émissions de carbone et du transfert de technologies climatiques. M. Macron devrait présenter l'Europe comme un partenaire constructif, capable de travailler avec la Chine sur la base de responsabilités environnementales partagées, ce qui renforcera la prétention de la France à un rôle de premier plan dans la diplomatie climatique mondiale.

Réaffirmation de la vision d'un avenir multipolaire

La visite de M. Macron est une initiative stratégique mûrement réfléchie, fidèle à sa vision de longue date d'un ordre international multipolaire, équilibré et fondé sur le dialogue. En renforçant la coopération économique et les partenariats climatiques, en menant un dialogue géopolitique nuancé et en consolidant l'autonomie européenne, M. Macron entend maintenir la France et l'Europe en tant que forces mondiales constructives. Dans un monde de plus en plus marqué par la concurrence et la fragmentation, cette visite offre un modèle de diplomatie ancré dans l'interdépendance, le pragmatisme et la stabilité mondiale à long terme.

Au-delà des graphiques économiques et des statistiques commerciales, cette visite revêt une forte symbolique géopolitique. La réaffirmation conjointe par la Chine et la France de leur engagement à préserver l'ordre international d'après-guerre, qui est attendue, est bien plus qu'un simple geste de circonstance. En tant que membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, la France et la Chine ont fermement pris position contre tout retour au militarisme. Grâce à leur conscience historique commune, les deux pays bénéficient d'une solide confiance mutuelle qui leur permet de soutenir des solutions diplomatiques et la stabilité dans un monde de plus en plus instable. 

Traduit d’un article en anglais écrit pour french.china.org.cn par Dr Waseem Ishaque, directeur du Centre d'études chinoises à l’Université nationale des langues modernes (NUML) d’Islamabad, au Pakistan. 

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