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Face aux craintes d'interdiction, les « réfugiés de Tiktok » américains migrent vers Xiaohongshu

French.china.org.cn | Mis à jour le 15. 01. 2025 | Mots clés : Xiaohongshu
french.china.org.cn | 15. 01. 2025

Alors que les utilisateurs chinois s'installaient dans leur routine nocturne sur Xiaohongshu, ils ont soudain été submergés par un flot de contenus en anglais. Ils venaient de dizaines de milliers de « réfugiés Tiktok » américains autoproclamés arrivés dans cette application chinoise, qui, même sans nom anglais officiel, a déjà été surnommée « Red Note » par les utilisateurs américains.

« Bonjour à tous, je m'appelle Ryan. Je suis un réfugié de Tiktok. Le gouvernement américain interdit Tiktok, donc nous recherchons une alternative ... Nous sommes désolés de vous interrompre ici. J'espère que nous n'aurons pas à rester trop longtemps », a-t-il déclaré dans une vidéo publiée le 13 janvier, en s'adressant apparemment aux utilisateurs chinois de l'application. La vidéo, qui comprend une traduction chinoise lue par une voix de robot, a reçu plus de 75 000 likes en une journée.

Aux États-Unis, la croyance croissante selon laquelle la Cour suprême confirmera une loi interdisant à Tiktok a plongé ses 170 millions d'utilisateurs américains dans l’inquiétude. L'interdiction devrait prendre effet le 19 janvier, à moins que Tiktok ne soit vendu par sa société mère, ByTedance, mais une vente semble peu probable, car Bytedance a fermement assuré qu'elle ne vendrait pas, malgré l'intérêt d’acheteurs américains potentiels.

Alors que des utilisateurs américains se désignent sous le tag #tiktokrefugees, ils affluent vers l'application chinoise. Au 14 janvier, il y avait eu plus de 114 000 messages utilisant le hashtag, avec plus de 2 millions de discussions et 73 millions de vues à 18h (heure de Beijing).

Le 14 janvier, Xiaohongshu était même devenu l'application la plus téléchargée sur l'App Store iOS américain. La deuxième application la plus téléchargée était Lemon8, une autre plate-forme de style de vie appartenant à Bytedance, qui connaît également une augmentation du trafic des utilisateurs migrant de Tiktok.

Selon des experts, le flux de « réfugiés de Tiktok » est considéré comme une forte protestation des médias sociaux contre l'interdiction attendue de l’application, sous le prétexte d’une soi-disant « menace de la Chine » contre la sécurité des informations aux États-Unis.

Le reflet d’une insatisfaction

Cui Di, professeur agrégé à l'école de journalisme de l'Université Fudan, estime que le hashtag « réfugié » reflète l'insatisfaction des utilisateurs de Tiktok à l'égard de l'irrationalité politique actuelle aux États-Unis. En effet, le siège mondial de Tiktok est à Los Angeles et à Singapour, et ses serveurs physiques appartiennent à Oracle, une entreprise américaine basée au Texas. Mais malgré cela, les États-Unis restent prêts à l'interdire ou à le forcer à être vendu, citant des préoccupations dites « de sécurité nationale ».

« Tiktok est devenu une partie intégrante de l'infrastructure, influençant profondément la culture sociale. De nombreux utilisateurs comptent sur cette application pour gagner leur vie, et leur fort attachement à la plate-forme les amène à se considérer comme des "réfugiés" expulsés de chez eux », a expliqué M. Cui.

De son côté, Xiang Debao, professeur de communication internationale à l’Université des études internationales de Beijing, a déclaré que ce mouvement collectif en ligne est une sorte de protestation contre les politiques américaines, utilisant la satire pour défier l'hégémonie américaine qui s’appuie sur de prétendus motifs de « sécurité nationale ».

Selon Zheng Chuang, chercheur à l’Université des études internationales de Shanghai, l'afflux des utilisateurs américains de Tiktok vers Xiaohongshu reflète également une profonde méfiance envers le gouvernement américain et les entreprises technologiques américaines. « L'interdiction de Tiktok ou sa vente forcée reflète un état d'esprit culturel régressif », a-t-il affirmé, ajoutant que même si Tiktok disparaît, d’autres applications chinoises ou d’ailleurs apparaîtront sous la lumière des projecteurs mondiaux ». Le nationalisme technologique relève de l'auto-tromperie, a-t-il ajouté.

Dans le même temps, beaucoup de nouveaux influenceurs américains brisent la barrière de la langue en partageant des photos de leurs chats et chiens de compagnie, et il semble que les animaux se révèlent être la clé pour ouvrir la porte de la communication. Certains utilisateurs chinois de Xiaohongshu ont d’ailleurs commenté sur le ton de la plaisanterie que les nouveaux utilisateurs américains de l'application qui souhaitent « rester ici » devront payer une « taxe sur les animaux de compagnie ».

« J'ai entendu dire que les citoyens chinois de Red Note demandaient une taxe sur les animaux de compagnie de tous les nouveaux réfugiés américains. Voici ma contribution à la taxe sur les animaux de compagnie. J'espère que cela suffira », a écrit @el Vampiro, un utilisateur américain sur Xiaohongshu, parallèlement à une photo de ses chats. « Bien reçu. Voici votre remboursement », a répondu un utilisateur chinois sous le message avec son propre chat de l'autre côté du monde.

Un choc culturel

Mais hélas, tous les échanges culturels n'ont pas une fin heureuse.

Ainsi, Yuzijiang, une utilisatrice de l’application basée à Beijing, a fait face à une réaction de plusieurs nouveaux arrivants américains qui l’accusent de « perpétuer les préjugés, les stéréotypes et l'appropriation culturelle » de la culture afro-américaine après avoir publié une vidéo où on la voir danser avec ses cheveux bouclés. Mais, même si de nombreux utilisateurs américains lui ont exprimé leur soutien, déplorant que « la cancel-culture américaine commence déjà », la blogueuse a finalement écrit un long message dans la section des commentaires pour s'excuser, assurant que sa coiffure n'était pas destinée à offenser, mais était simplement une chose qu'elle trouvait esthétiquement jolie.

Cependant, de nombreux utilisateurs chinois ont exprimé une inconfort face à de telles rencontres, craignant que le politiquement correct dirigé les États-Unis, l'idéologie dominée par les États-Unis et de nombreuses sous-cultures « malsaines », telles que la pornographie, le jeu et la prise de drogue, pourraient s’implanter dans l'environnement en ligne chinois .

Le professeur Cui Di de l'Université Fudan pense pour sa part que l'afflux de « réfugiés de Tiktok » pourrait n’être que temporaire. Étant donné que le paysage du politiquement correct aux États-Unis diffère considérablement de celui de la Chine, à long terme, il sera difficile pour la culture américaine de prendre racine dans la société de l’Internet chinoise et d'avoir un impact durable sur l'écosystème de Xiaohongshu, a-t-il noté.

Cependant, a-t-il conclu, que Xiaohongshu prévoie ou non de prendre des mesures pour protéger sa base d'utilisateurs principale, l'arrivée des « réfugiés de Tiktok » présente dans le même temps une occasion unique pour la plate-forme de réévaluer sa stratégie internationale et de se développer dans des pays anglophones au-delà de la sphère culturelle chinoise.


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Source:french.china.org.cn