La Chine exhorte l'UE à rectifier ses pratiques protectionnistes

La Chine, en réponse à la décision de l'Union européenne (UE) d'imposer des droits de douane supplémentaires sur les véhicules électriques à batterie fabriqués en Chine, prendra toutes les mesures nécessaires pour sauvegarder les droits légitimes des entreprises chinoises, a déclaré jeudi le ministère chinois du Commerce, ce qui a conduit des analystes à évoquer de possibles mesures de représailles.

Beijing pourrait choisir d'imposer des droits de rétorsion ciblant les gros moteurs, le cognac et les produits laitiers produits dans l'UE, ont-ils avancé. Il existe aussi une possibilité de nouvelles augmentations des droits de douane sur les véhicules électriques importés par la Chine en provenance de l'UE. Selon eux, « toute contre-mesure viserait à envoyer un message clair et à exhorter l'UE à reconsidérer sa décision concernant les véhicules électriques chinois ».

Moins d'un mois après que Washington a annoncé son intention de quadrupler les droits de douane sur les véhicules électriques chinois, les faisant passer à 100%, Bruxelles a déclaré qu'elle imposerait également des droits de douane compensatoires sur ces produits, allant de 17,4% pour BYD à 38,1% pour SAIC, en plus des droits de douane standards de 10% déjà imposés.

Cela porterait les taxes les plus élevées à près de 50%. La décision entrera en vigueur le 4 juillet, à moins que Beijing n'accepte « une solution efficace » aux soi-disant subventions qui, selon les résultats de l’enquête de l'UE, faussent ses marchés.

He Yadong, porte-parole du ministère chinois du Commerce, a affirmé jeudi lors d'une conférence de presse que « les récentes actions de l'UE constituent une violation des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et sont des exemples flagrants de protectionnisme commercial », ajoutant que la Chine se réservait le droit de saisir l'OMC.

Parallèlement, la Chine a exhorté l'UE « à rectifier rapidement ses mauvaises pratiques », a indiqué le porte-parole, soulignant l'importance du dialogue et des négociations pour résoudre efficacement les différends commerciaux, élargir la coopération et obtenir des résultats mutuellement bénéfiques.

Selon le groupe de réflexion allemand Kiel Institute, même si la baisse des importations pourrait être partiellement atténuée par une augmentation de la production au sein de l’UE, elle entraînerait probablement une hausse des prix pour les consommateurs. En effet, la production au sein de l’UE est nettement plus chère qu’en Chine en raison des prix plus élevés de l’énergie et des matériaux ainsi que des coûts de main-d’œuvre beaucoup plus élevés.

En outre, parmi toutes les voitures électriques construites en Chine et vendues dans l’UE l’année dernière, la moitié provenait de constructeurs automobiles occidentaux. Le constructeur américain de véhicules électriques Tesla représentait 28% de tous les véhicules électriques fabriqués en Chine importés par l'Europe, tandis que Dacia Spring, du constructeur automobile français Renault, en représentait 20%, selon une étude réalisée fin mars par le groupe de réflexion européen Transport et Environnement.

Toutes les autres entreprises produisant en Chine qui ont coopéré à l'enquête de la commission mais n'ont pas été échantillonnées, dont Renault, seraient confrontées à un droit de douane moyen de 21%, tandis que Tesla pourrait, comme les constructeurs chinois, être confrontée à un taux calculé individuellement.

Oliver Zipse, PDG de BMW, qui a établi une base de production dans la province chinoise du Liaoning (nord-est), a déclaré mercredi dans un communiqué que « les droits de douane supplémentaires imposés par l'UE pourraient entraver le développement des constructeurs automobiles européens et, en fin de compte, nuire aux propres intérêts de l'Europe ».

« L'adoption de mesures protectionnistes, telles que les tarifs douaniers, pourrait déclencher un cycle de représailles, conduisant à une rupture des relations commerciales de coopération », a-t-il ajouté.

Liu Chunsheng, professeur agrégé à l'Université centrale des finances et de l'économie, a indiqué que l'augmentation des droits de douane sur les véhicules électriques produits en Chine entrant dans l'UE se traduira par des coûts de production plus élevés et affectera ainsi leurs prix, ce qui, à terme, amènera à une réduction de leur compétitivité et de leur part de marché.

« Cependant, le projet européen d’éliminer progressivement les véhicules électriques chinois ne sera pas une tâche facile. BYD, par exemple, dispose d'une marge de manœuvre suffisante pour ajuster ses prix en raison de sa prime européenne relativement élevée », selon un rapport du Rhodium Group, basé à New York.

« Néanmoins, les pertes économiques subies par les entreprises chinoises sans raison valable signifient que la Chine ne fera en aucun cas des concessions qui pourraient compromettre les intérêts de ses entreprises », a ajouté M. Liu.

« Les autorités compétentes, conformément aux règles de l'OMC et aux réglementations chinoises, ouvriront des enquêtes pour répondre aux préoccupations des industries chinoises liées aux subventions ou aux pratiques de dumping des produits laitiers et de la viande de porc de l'UE, afin de sauvegarder une concurrence loyale sur le marché et de protéger les droits légitimes des industries chinoises », a affirmé le porte-parole du ministère chinois du Commerce He Yadong.

« Parallèlement, les produits visés par d'éventuelles représailles tarifaires de la Chine, tels que les gros moteurs et le cognac produits par l'UE, pourraient être choisis pour exercer une pression sur des secteurs susceptibles d'affecter de manière significative l'économie de l'UE », a déclaré Xu Hongcai, directeur adjoint du Comité de politique économique de l'Association chinoise des sciences politiques.

« En outre, la Chine impose désormais des droits de douane de 15% sur les véhicules électriques importés de l'UE et n'exclut pas la possibilité d'augmenter encore les droits de douane si la situation s'aggrave », a indiqué M. Xu, affirmant que la Chine penchait davantage vers le dialogue et les négociations avec l'UE pour empêcher un scénario dans lequel les deux parties subissent des conséquences néfastes.