La Chine s’oppose à une enquête commerciale lancée par les Etats-Unis

Les tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis, qui couvent en raison des augmentations répétées des droits de douane et des restrictions politiques imposées par Washington aux exportateurs et aux entreprises chinoises, se sont à nouveau intensifiées avec le lancement par Washington d’une enquête en vertu de l’article 301 ciblant les secteurs maritime, logistique et naval chinois.

Selon plusieurs experts, la vieille stratégie de l’unilatéralisme et du protectionnisme poursuivie par la Maison-Blanche non seulement ne parviendra pas à entraîner la relocalisation de l’industrie manufacturière souhaitée par les Etats-Unis, mais elle risque d’entraîner une augmentation des coûts de leur chaîne d’approvisionnement.

Mercredi soir, la Chine a exprimé son mécontentement et sa ferme opposition à l’ouverture de l’enquête par le représentant américain au Commerce en vertu de l’article 301, soulignant qu’elle se tiendrait au courant des progrès de l’enquête et prendrait toutes les mesures nécessaires pour défendre ses propres droits et intérêts, a fait savoir le ministère chinois du Commerce (MOFCOM) dans un communiqué.

L’article 301 de la Loi sur le commerce de 1974, telle qu’amendée, est utilisé pour répondre aux pratiques dites « injustifiables, déraisonnables ou discriminatoires » des gouvernements étrangers, qui entravent ou restreignent le commerce des Etats-Unis.

La demande d’enquête a été déposée conjointement le 12 mars par cinq syndicats américains, qui déclarent dans leur pétition: « Le nombre de chantiers navals commerciaux aux Etats-Unis a chuté de plus de 70 %, des dizaines de milliers d’emplois ont été perdus et les Etats-Unis ne produisent plus qu’une fraction de 1 % des navires commerciaux du monde, tombant à la 19e place. »

De nombreux rapports de recherche américains ont toutefois montré que l’industrie américaine de la construction navale a perdu son avantage concurrentiel il y a des années en raison d’un protectionnisme excessif. Alors que les Etats-Unis accordent des subventions discriminatoires de plusieurs centaines de milliards de dollars à leurs propres industries, ils accusent la Chine d’adopter des pratiques dites « non marchandes », a fait remarquer le MOFCOM.

Notant que la pétition américaine était truffée d’allégations infondées, déformant les activités normales de commerce et d’investissement en « menaces pour la sécurité nationale et les intérêts commerciaux des Etats-Unis », le MOFCOM a déclaré que « blâmer la Chine pour les problèmes industriels des Etats-Unis manque de fondement factuel et contredit le bon sens économique ».

« Le principal objectif attendu des syndicats pétitionnaires est d’exhorter le gouvernement américain à renforcer le soutien politique et les subventions pour ses industries maritimes et de construction navale nationales », estime Sun Lei, un avocat spécialisé en droit commercial du cabinet d’avocats Beijing Dacheng. Selon lui, cette enquête devrait durer environ un an.

« En cette année électorale, soutenir les syndicats est devenu une décision facile pour le président américain Joe Biden, qui, dans sa tentative de réélection, espère obtenir le soutien de la classe ouvrière. […] Cette enquête utilise la vieille litanie positionnant la Chine comme une menace, afin de détourner l’attention des problèmes intérieurs qui sont ignorés depuis longtemps », explique He Weiwen, le directeur exécutif de l’Association chinoise du commerce international (CAIT).

« Le secteur de la construction navale chinoise a entamé son chemin vers l’internationalisation dans les années 1980, en construisant un grand nombre de navires pour des armateurs européens et asiatiques, mais il n’y a jamais eu de concurrence directe entre les industries de la construction navale américaine et chinoise », note Zhao Yifei, professeur à la Faculté Antai d’économie et de gestion affiliée à l’Université Jiaotong de Shanghai.

Selon les données de l’Association chinoise de l’industrie de construction navale (CANSI), la construction navale chinoise s’est assurée en 2023 la 1re place pour la 14e année consécutive en navires achevés, en nouvelles commandes et en commandes en cours, représentant respectivement 50,2 %, 66,6 % et 55 % du total mondial de ces trois catégories.

« Actuellement, les commandes des armateurs américains représentent moins de 5 % du total des nouvelles commandes reçues chaque année par les chantiers navals chinois. Même si le gouvernement américain imposait des droits de douane supplémentaires en vertu de l’article 301, cela aurait un impact minime sur les chantiers navals chinois », souligne Zhao Yifei.