Qin Gang donne le ton de la diplomatie à la chinoise

Qin Gang, le ministre chinois des Affaires étrangères, a tenu une conférence de presse le 7 mars en marge de la première session de la 14e Assemblée populaire nationale (APN). Pour sa première prestation lors des « deux sessions », il a répondu aux questions des journalistes chinois et étrangers sur la politique étrangère et les relations extérieures de la Chine. Il a mis l’accent sur le rôle constructif du pays dans le monde grâce à la modernisation à la chinoise et à l’initiative de « La Ceinture et la Route », et a précisé certains aspects des relations extérieures, notamment avec les États-Unis et l’Union européenne (UE).

Dans le rapport au 20e Congrès national du Parti communiste chinois (PCC) le 16 octobre 2022, le secrétaire général Xi Jinping avait déclaré que la modernisation à la chinoise avait fourni « de nouvelles options de modernisation à l’humanité ». Qin Gang a expliqué que la modernisation à la chinoise avait désormais pris racine au sein de la communauté internationale, précisant que ce concept de modernisation était différent de celui mis en œuvre par les pays occidentaux. Il repose en effet sur cinq piliers, à savoir l’indépendance, la primauté du peuple, le développement pacifique, l’ouverture et l’inclusion, ainsi que l’unité dans la lutte. « Le développement réussi de la Chine prouve pleinement que tous les pays ont le droit et la capacité de choisir leur propre voie et de tenir fermement leur destin entre leurs propres mains », a-t-il déclaré, ajoutant que dans tous les pays, la population avait droit au développement égal et à la poursuite du bonheur. Par ailleurs, contrairement à la modernisation à l’occidentale, la Chine insiste sur la paix, le développement, la coopération et le gagnant-gagnant, la coexistence harmonieuse entre l’Homme et la nature, ainsi que sur l’apprentissage mutuel pour bâtir une communauté de destin pour l’humanité.

Qin Gang s’est par ailleurs exprimé sur l’initiative de « La Ceinture et la Route », proposée il y a exactement dix ans, notamment sur les accusations de certains dans les pays occidentaux qui accusent la Chine de créer un « piège de la dette ». Il a rappelé qu’à ce jour, les trois quart des pays du monde et 32 organisations internationales participaient à l’initiative, citant des exemples réussis et marquants de coopération dans le monde entier. Rappelant des statistiques convaincantes, il a affirmé qu’en aucun cas on ne pouvait épingler l’étiquette du « piège de la dette » sur la Chine. « La Chine s'est toujours engagée à résoudre les difficultés des pays concernés et a le plus contribué à l’Initiative de suspension du service de la dette du G20 », a-t-il noté, indiquant que la Chine continuera de participer au règlement de la question de la dette internationale de manière constructive, tout en appelant les autres parties à agir ensemble et à partager équitablement le fardeau.

Concernant la diplomatie chinoise, Qin Gang a répondu à des questions relatives aux relations avec ses deux partenaires majeurs, à savoir les États-Unis, et l’UE.

Il s’est longuement exprimé sur les États-Unis lorsqu’un journaliste lui a rappelé ses propos. « L'avenir de nos deux peuples – et en fait, de la planète entière – dépend d'une relation saine et stable entre la Chine et les États-Unis », avait-il écrit dans une tribune pour le Washington Post en janvier. Il a répondu que ce sont les intérêts communs, les responsabilités partagées et l’amitié entre les deux peuples qui doivent déterminer les relations sino-américaines, non pas la politique intérieure américaine et le « néo-maccarthysme hystérique ». Évoquant les liens qui unissent les deux pays et leur population, il a appelé les États-Unis à abandonner la « mentalité de Guerre froide » et le « jeu à somme nulle », les exhortant à se départir de leur « anxiété stratégique » face à une prétendue « menace chinoise ». Il a particulièrement souligné le caractère néfaste de la « stratégie Indo-pacifique » des États-Unis, qui n’est selon lui qu’une « version Asie-Pacifique de l’OTAN ». « Les États-Unis prétendent publiquement “façonner l’environnement stratégique autour de la Chine”, ce qui ne fait qu’exposer le véritable objectif de la “stratégie Indo-pacifique” pour contenir la Chine. Son résultat final n’aura d’impact que sur le cadre de coopération régionale ouvert et inclusif centré sur l'ASEAN et nuira aux intérêts globaux et à long terme des pays de la région », a-t-il avancé. « Cela n’ira pas loin et ne fonctionnera pas. »

Enfin, il a rappelé que le développement des échanges entre la Chine et l’UE reposait entièrement sur des choix indépendants effectués conformément aux intérêts stratégiques de chacun. « Les relations Chine-UE ne visent personne, ne dépendent de personne, et ne sont pas contrôlées par une tierce partie. » Et de préciser que quelle que soit l’évolution de la situation, « la Chine considère toujours l’UE comme un partenaire stratégique global et soutient l’intégration européenne », souhaitant travailler avec l’UE pour défendre le « véritable multilatéralisme » et continuer à approfondir le partenariat stratégique global Chine-UE afin d’injecter davantage de stabilité, de certitude et d’énergie positive dans un monde pris dans la tourmente.

Qin Gang a ainsi donné le ton de la diplomatie à la chinoise en rassurant sur les intentions de la Chine et en mettant en avant le rôle positif de la Chine sur la scène internationale concernant des questions fondamentales.

Par Jacques Fourrier (L’auteur est un journaliste et commentateur français basé à Beijing depuis plus de 25 ans)