En Chine, un laboratoire de R&D pour les puces quantiques

Deux entreprises chinoises de semi-conducteurs ont décidé de fonder conjointement un laboratoire spécialisé dans les puces quantiques, afin de développer une technologie de circuits intégrés à basse température et d’établir une chaîne de production complète pour les composants de haute technologie cruciaux pour l’avenir, dominés actuellement par les entreprises étrangères.

Selon les spécialistes, il faudra encore du temps avant que la Chine ne parvienne à produire ces puces en masse ou devienne autonome dans le domaine des semi-conducteurs traditionnels. Néanmoins, il est crucial de commencer dès à présent la recherche et développement pour éviter la dépendance excessive vis-à-vis de l’approvisionnement étranger.

Les entreprises Origin Quantum Computing et Nexchip Semiconductor développeront conjointement ce laboratoire de puces quantiques basé à Hefei dans la province orientale chinoise de l’Anhui, a indiqué un scientifique d’Origin, qui souhaite rester anonyme.

« A travers le monde, les puces quantiques n’en sont qu’à l’étape de R&D et la Chine est également dans une phase initiale. Nous sommes encore loin de la production de masse », souligne-t-il.

« L’objectif du laboratoire est de rattraper le retard vis-à-vis des entreprises étrangères. Du laboratoire au marché, le secteur estime qu’il faudrait 8 à 10 ans, voire plus », note pour sa part Zhang Xiaorong, le directeur de l’Institut de recherche des technologies de pointe.

Intel effectue des recherches dans ce domaine depuis plus d’une décennie, mais en est encore à l’étape de la recherche. La Chine accuse un certain retard en matière de technologies et d’industries technologiques, il lui faudra encore plus de temps pour parvenir à la production de masse, explique le scientifique d’Origin. Celui-ci révèle que le laboratoire utilisera une technologie de 55 nanomètres (nm) pour développer les puces quantiques en Chine.

En 2019, Intel a par exemple présenté une puce de contrôle cryogénique fabriquée avec une technologie Intel à 22 nm, afin d’accélérer le développement de systèmes d’informatique quantique complets.

« La Chine a commencé la R&D sur les puces quantiques et l’informatique quantique. Si elle ne le faisait pas, elle pourrait encore souffrir comme aujourd’hui de ses carences en technologies fondamentales dans le domaine des semi-conducteurs. C’est la raison pour laquelle, même si la période de R&D est très longue et n’apportera peut-être pas de bénéfices économiques sur le court terme, la Chine ne peut pas se laisser distancer », constate le scientifique.

Les « puces quantiques » désignent principalement les processeurs d’ordinateurs quantiques, plutôt que les puces utilisées traditionnellement dans d’autres domaines. Leur développement utilise les processus de production des puces traditionnelles.

D’après les analystes, les puces quantiques devraient donner l’orientation future pour l’ensemble des semi-conducteurs.

« Le processus de production des puces électroniques a atteint aujourd’hui ses limites avec un niveau d’un nanomètre, ce qui signifie que la puissance de calcul informatique se rapproche de sa limite. L’informatique quantique représente un espoir de briser cette limite de l’informatique traditionnel », note le scientifique d’Origin.

« La théorie du calcul quantique est mûr, mais la technologie pour la fabrication des puces est loin de la maturité et le processus de production est très difficile », fait toutefois remarquer Zhang Xiaorong.

Pour une puce quantique, la température doit par exemple être proche du zéro absolu. De fait, le dispositif de refroidissement doit être considérable, par rapport au petits ventilateurs utilisés dans les ordinateurs individuels ou portables d’aujourd’hui. Un grand nombre de puces de base, dont certaines n’ont même pas besoin de ventilateur, peuvent être refroidies par une ventilation normale.

Alors que bon nombre d’entreprises se ruent sur le domaine des puces quantiques, les analystes appellent à la prudence, après l’échec de projets récents dans le domaine des semi-conducteurs, comme celui de la société Wuhan Hongxin Semiconductor Manufacturing.

« Il ne faut pas se ruer aveuglément sur un secteur, dont l’avenir paraît resplendissant », met en garde Wang Peng, un professeur associé de la Faculté Gaoling d’intelligence artificielle de l’Université Renmin de Chine.