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Depuis l'éclosion de l’épidémie de nouveau coronavirus (COVID-19), certains médias occidentaux et politiciens ont profité de l'occasion pour attaquer le système politique chinois et le Parti communiste chinois. Ils ont avancé une série d'arguments partiaux et absurdes pour salir la lutte de la Chine contre le virus. Qu'est-ce qui se cache derrière ces arguments ? Comment commenter de manière équitable les efforts de la Chine dans la lutte contre l'épidémie ? Le Global Times s'est entretenu sur ces questions avec Martin Jacques, chercheur émérite au Département de politique et d'études internationales de l'Université de Cambridge, au Royaume-Uni.
Après plus d'un mois depuis le début de l'épidémie de nouveau coronavirus en Chine, l'épidémie a été largement maîtrisée à l'intérieur du pays. Comment évaluez-vous les efforts de la Chine dans sa lutte contre le COVID-19 ?
Martin Jacques : A en juger par la situation actuelle, la Chine semble l’avoir surmontée, le nombre de nouveaux cas diminuant. Dans l'ensemble, il semble que la Chine a réussi à limiter le pire à Wuhan dans la province du Hubei. Je trouve que la situation paraît encourageante.
Certains politiciens, comme le secrétaire d'État américain Mike Pompeo, ont politisé l'épidémie et attaqué le système politique chinois et le leadership du Parti communiste. Quel est votre commentaire sur ce point ?
Martin Jacques : Honteux. Absolument honteux. Trop de politiciens occidentaux et de médias occidentaux ont réagi à ce qui était une grave crise médicale en Chine d'une manière qui manquait complètement de compassion et l’ont simplement utilisée comme un bâton pour battre la Chine. Et en le faisant aussi explicitement ou implicitement, ils ont aussi encouragé une certaine forme de racisme contre les Chinois, pas seulement les Chinois en Chine, mais les Chinois partout, ce qui explique pourquoi les Chinois ont connu des moments difficiles par rapport à cela. Il y a eu de nombreux articles du même acabit dans les médias britanniques. Ils se ont simplement servis de cette crise comme un moyen de critiquer le gouvernement chinois. Mais cet argument passe de moins en moins bien, et cela pour deux raisons. Premièrement, la Chine fait face à l'épidémie d'une manière de plus en plus efficace et impressionnante. L'OMS a salué avec force la contribution de la Chine au cours de la semaine dernière. Le fait est que les Chinois semblent avoir la situation en main. Deuxièmement, l'Occident est maintenant le plus exposé, l’épidémie se propage rapidement dans de nombreux pays. Nous verrons comment ils s'en sortent. Et sur la base des preuves dont nous disposons jusqu'à présent, je ne suis pas trop optimiste. Nous avons été trop lents pour voir le danger : trop de gens pensaient que c'était un problème chinois. Ils ont déjà commencé à se taire dans leurs critiques de la Chine et admettent même qu'ils doivent apprendre de la Chine.
Parlant de propos racistes, un article du Wall Street Journal a qualifié la Chine de « véritable homme malade de l'Asie », et certains médias européens ont même affirmé que le virus avait été « fabriqué en Chine ». Pourquoi le racisme a-t-il augmenté au milieu de l'épidémie ?
Martin Jacques : Il y a une longue histoire de maladie associée aux races et aux ethnies. Cela remonte à des très temps très anciens. Le VIH est un exemple classique. Il était associé à deux groupes, les homosexuels et les Africains. On l’a appelé « la maladie des gays », et il y a bien d’autres sortes de choses comme ça. Je pense donc que ce n'est pas nouveau. Au fil des âges, cela a été symptomatique de la façon dont les gens réagissent à une maladie. Cette attitude a malheureusement été cultivée, nourrie et encouragée par des médias. Bien sûr, les gens ont peur. Ils ont cessé d'aller dans des restaurants chinois, par exemple, parce qu'ils pensaient que tout Chinois qu'ils pourraient rencontrer pourrait souffrir du coronavirus.
Mais je voudrais également soulever un autre point. Le problème est qu'il y a eu un virage en Occident depuis environ 2016 vers une vision plus négative de la Chine. En général, il y a eu une période d'environ 2000 à environ 2010-2012, lorsque les attitudes envers la Chine sont devenues plus sympathiques en raison de la croissance économique de la Chine, en raison de la sortie de centaines de millions de personnes de la pauvreté, etc. Mais aujourd’hui, cette situation, cette humeur a changé. Pourquoi ? Je pense que c'est complexe, je pense qu'il y a maintenant en Occident un doute profond, un profond doute de soi, car l’Occident ne s'est jamais vraiment remis de la crise financière. Il y a aujourd’hui une reconnaissance, non seulement que la Chine monte en puissance, mais que son ascension va se maintenir, que c'est pour le long terme, et que la Chine va être un formidable acteur sur la scène mondiale. Et en effet, c'est déjà le cas. Les avancées technologiques de la Chine en sont une illustration importante. C’est pourquoi le ton envers la Chine a changé en Occident pour devenir une attitude beaucoup plus dure et beaucoup plus critique. Et tout ce qui survient et peut être utilisé contre la Chine est utilisé contre la Chine. Je pourrais parler des journaux de ce pays. Et ça ne vient pas seulement de la droite. Ça vient aussi de la gauche. Le journal The Guardian a un très lourd passif sur sa façon dont il a traité la Chine au cours des dernières années. Malheureusement, c'était mieux il y a quelques années. Il y a un facteur dans tout cela, c’est Trump, car avec le changement en Amérique, la guerre commerciale et ainsi de suite, taper sur la Chine est devenu à la mode.
Vous avez souligné que l'OMS a salué les méthodes efficaces adoptées par la Chine, reconnaissant qu’elle a fait d'énormes sacrifices pour empêcher le virus de se propager dans le reste du monde. Pourtant, certains s’interrogent sur les relations entre la Chine et l'OMS, estimant que ces éloges sont dus à la pression de la Chine. Quelle est votre opinion sur ce point ?
Martin Jacques : Je suppose qu'il y a des Occidentaux qui sont contrariés que l'OMS se soit montrée si objective et sympathique envers la Chine; et en réponse, ils accusent l'OMS d'être trop proche de la Chine, etc. Qui soutiendriez-vous ? L'OMS ou des gens comme Trump ? Je pense que vous devriez choisir l'OMS parce qu'ils savent ce qu'ils font. Ils savent de quoi ils parlent. Ils traitent avec des pays du monde entier, en particulier les pays en développement. Ils savent que la Chine, dans l'ensemble, comprend ces questions beaucoup mieux que les pays riches. Et la vérité est que la Chine va être très importante dans le traitement des questions de santé dans le monde, et qu’elle a elle-même un très bon bilan en matière d'amélioration des installations de santé et des soins de santé.
Récemment, le magazine The Lancet a publié une déclaration conjointe en soutien aux scientifiques, professionnels de la santé publique et professionnels de la santé chinois qui luttent contre le coronavirus, dénonçant la théorie du complot qui voudrait le virus ne soit pas d'origine naturelle. Que pensez-vous de la soi-disant arme biochimique artificielle ?
Martin Jacques : Nous vivons à l'ère de la théorie du complot où nous avons un Premier ministre en Grande-Bretagne et un président aux États-Unis dont la vision du monde n'a qu'une relation limitée avec la réalité. C'est l'ère des fausses nouvelles. C'est l'ère d'une sorte d'anti-science. Et dans cette situation, toutes sortes d'idées et de préjugés qui sont pour l’essentiel faux peuvent croître et prospérer. La montée du racisme dans de nombreux pays en est un exemple. Pour ma part, sur les questions médicales, j'écoute les scientifiques.
L'épidémie aura inévitablement un impact important sur l'économie mondiale, car les pays ont restreint le commerce et le tourisme. Quelle influence l'épidémie aura-t-elle sur la mondialisation? Est-ce que ce sera un effet à court ou à long terme ?
Martin Jacques : L'effet à court terme va être bien pire que le SRAS. Au moment du SRAS, l'économie mondiale connaissait une croissance d'environ 4% par an, mais aujourd’hui elle avance péniblement à un rythme bien inférieur à cela. L'économie chinoise est beaucoup plus importante dans le monde aujourd'hui qu'elle ne l'était alors. Au moment de l'épidémie de SRAS, l'économie chinoise représentait environ 8% de la production mondiale, alors qu’elle compte aujourd'hui pour plus de 19% de la production mondiale. Donc, tout ce qui arrive à la Chine aujourd'hui qui entrave ou paralyse son économie va avoir des conséquences mondiales bien plus importantes qu'auparavant.
Vous avez donc deux problèmes : un, une croissance mondiale beaucoup plus faible, et deux, l'importance absolument cruciale de la Chine par rapport à la situation de 2005. Je pense donc que la Chine et le monde sont très négativement affectés par ce qui s'est passé. Je pense que la conséquence est que l'économie mondiale pourrait entrer en récession.
À plus long terme, l'économie chinoise se rétablira évidemment. Je pense qu'elle n'a perdu qu'un point de pourcentage du PIB après le SRAS. Je m'attends à un taux de croissance de 4% ou 5% cette année en raison de ce qui s'est passé. L'environnement extérieur général de l'économie chinoise n'est pas aussi bon qu'auparavant. Nous savons que l'économie chinoise croît plus lentement, à environ 6% maintenant contre 10% à l'époque. Et nous savons à certains égards qu’elle fait face à de sérieux vents contraires. Je pense que nous devons être très prudents sur la façon dont nous envisageons l'avenir économique, certainement à court terme, mais aussi peut-être un peu plus longtemps que ce que nous considérons normalement comme le court terme.
Quel genre d'expérience et de leçons cette épidémie peut-elle offrir au monde en termes de systèmes de santé publique, de gouvernance urbaine et de coopération internationale ?
Martin Jacques : Je pense que la grande leçon sera que la maladie ne connaît pas de barrières. Il n'y a pas de frontières. Elle peut aller et va partout, partout. La première réaction a été de dire qu'il s'agissait d'une maladie chinoise, ce qui est un non-sens absolu. Mais à présent, alors que l’épidémie se répand dans le monde, nous pouvons voir que nous sommes tous dans le même bateau. Nous devons apprendre les uns des autres, et c'est l'un des grands problèmes humanitaires. Nous sommes tous des êtres humains. Nous partageons les mêmes problèmes. Nous tombons tous malades. Nous avons tous les mêmes craintes de tomber malade. C'est donc une question qui n'est pas essentiellement une question politique. C'est une question humanitaire, et en tant que telle, elle nécessite une coopération, une collaboration et un rapprochement.
Après avoir attaqué la Chine au début, les gens disent maintenant que nous devons apprendre d’elle. Regardez ce qu'ils ont fait, la mise en quarantaine, regardez comment ils ont réussi à contenir le virus. Dans cette situation, nous devons apprendre les uns des autres. Jusqu'à très récemment, l’épidémie était essentiellement considérée comme un problème chinois. Plus maintenant. Elle se répand partout, mais je pense qu'elle a aussi la capacité de rapprocher le monde. Ce serait la note la plus optimiste que je pourrais émettre concernant l'épidémie.
Source:french.china.org.cn |