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La course mondiale à la 6G est lancée

French.china.org.cn | Mis à jour le 03. 01. 2020 | Mots clés : course mondiale, 6G

Avant que la première image d’un trou noir ait pu être ajoutée au mois d’avril aux trophées des plus grands accomplissements scientifiques de l’humanité, les scientifiques responsables de son traitement ont eu un problème notable: ils devaient assembler cette image à partir d’une demi-tonne de disques durs comportant plus de 5 millions de gigabytes (GB) de données.

Il aurait fallu des années − si ce n’est des décennies − pour envoyer autant de données efficacement par le biais d’Internet et les scientifiques ont dû transporter ces disques durs par camion et par avion, afin de les livrer à l’observatoire en charge de leur comparaison et de leur analyse, indique l’Event Horizon Telescope (EHT), l’organisme scientifique international responsable de cette image.

Il pourrait sembler ironique qu’une image aussi emblématique des merveilles de l’univers ait dû être produite de façon aussi archaïque, mais les scientifiques ont fait savoir qu’ils travaillaient déjà à la prochaine génération de technologie de télécommunication après la 5G. Celle-ci devrait être capable de transférer les données plus rapidement, être mieux adaptée aux besoins des utilisateurs et rendre la réalisation des projets scientifiques mondiaux plus pratiques et efficaces.

La technologie 6G n’en est encore qu’à ses balbutiements et doit surmonter de nombreux obstacles techniques en matière de recherche fondamentale, de conception du matériel et d’impact environnemental, avant de pouvoir être disponible commercialement en 2030, affirme le livre blanc sur la 6G publié en septembre par l’Université d’Oulu en Finlande.

Par ailleurs, certains scientifiques s’inquiètent que les nouvelles infrastructures de la 6G, l’intégration croissante des technologies de communication spatiale, aérienne, terrestre et maritime, ainsi que l’utilisation d’une nouvelle gamme de fréquences pour transmettre les données, affectent les instruments astronomiques ou la santé publique. Ils craignent également que la 6G soit trop chère ou pas assez sécurisée pour que les chercheurs puissent l’utiliser.

« Le partage, l’analyse et la gestion des données de recherche sont cruciales pour l’innovation scientifique et technologique à l’heure actuelle des mégadonnées », a déclaré Wang Ruidan, le directeur adjoint du Centre national des infrastructures scientifiques et technologiques, lors d’un forum sur la recherche scientifique numérique qui s’est déroulé à Beijing au début du mois de décembre.

En novembre, le ministère des Sciences et technologies a annoncé que la Chine était entrée dans la course mondiale à la 6G et qu’elle avait établi deux bureaux: l’un pour l’élaboration des mesures politiques concernées; l’autre dédié à l’étude des détails techniques et constitué de 37 spécialistes issus du monde universitaire, des instituts de recherche et des entreprises. China Telecom, China Unicom et Huawei, ainsi que d’autres entreprises et opérateurs télécoms aux Etats-Unis, en Russie et en Europe, sont eux-aussi en train d’effectuer des recherches sur les technologies de la 6G.

Selon un livre bleu publié le mois dernier par Springer Nature, les technologies de télécommunications, associées aux infrastructures de calcul à grande échelle et aux mégadonnées, ont joué ces dernières années un rôle crucial dans certains des projets scientifiques les plus importants de la Chine, notamment ceux impliquants les principaux instruments scientifiques.

« Nous utilisons par exemple les technologies de télécommunications pour relier les observatoires à travers la Chine, ce qui a permis de fournir des données de navigation essentielles pour l’atterrissage de la sonde Chang’e 4 sur la face cachée de la Lune, une première dans l’histoire de l’humanité. […] De meilleures connexions permettront indubitablement d’améliorer la précision et l’efficacité de l’utilisation des mégadonnées pour réaliser des mégaprojets scientifiques transrégionaux et interdisciplinaires », souligne Wang Shuzhi, le directeur exécutif adjoint du Groupe dirigeant du cyberespace au sein de l’Académie des sciences de Chine (ASC).

D’après Nigel Jefferies, le président du Wireless World Research Forum (WWRF), même s’il n’existe pour le moment pas de définition universellement acceptée pour la technologie 6G, sa future application aura un impact profond sur la vie quotidienne et sur la façon dont la recherche scientifique est réalisée.

La vitesse de la 6G dépassera les 125 GB/s, permettant une réalité virtuelle en ultra-haute fidélité, une latence réduite à zéro dans la communication machine-machine (M2M) et une couverture mondiale par l’Internet à haut débit reposant sur l’utilisation intensive des réseaux satellites. « La 6G incorporera des technologies mises de côté pour la 5G, comme les signaux en térahertz (THz), les satellites et la communication par lumière visible (Lifi) », a-t-il expliqué en novembre lors de la Convention mondiale sur la 5G à Beijing.

« Les signaux en térahertz occupent une bande du spectre allant de 300 gigahertz (GHz) à 3 THz. Cela signifie que les fréquences sont plus élevées que les plus hautes fréquences utilisées par la 5G, connues sous le nom de spectre d’ondes millimétriques (mmW) et comprises entre 30 GHz et 300 GHz », note Lu Jianhua, le président de la Faculté des sciences de l’information affiliée à l’Université Tsinghua.

Les longueurs d’ondes plus courtes et les fréquences plus hautes suggèrent que les ondes térahertziennes devraient être capables de transporter plus de données plus rapidement que les ondes millimétriques. Cependant, elles auront plus de mal à passer à travers les objets que les ondes millimétriques de la 5G, qui nécessitent d’ores et déjà l’installation d’une grande quantité d’équipements cellulaires intérieurs et extérieurs pour assurer une couverture fiable.

« Cela créé un problème existentiel avec la technologie de télécommunication, car l’objectif global de notre domaine est de transporter plus de données efficacement, avec moins d’énergie et d’infrastructures. Pourtant, nous faisons l’inverse avec les technologies de la 5G et au-delà. L’utilisation de la même stratégie que ce que nous avons fait avec la 5G pour déployer la 6G se révèlerait extrêmement coûteuse et non durable », insiste Lu Jianhua. Selon lui, l’une des solutions les plus populaires est de créer un réseau de communication mondial intégré avec des infrastructures terrestres, maritimes, aériennes et spatiales proposant une couverture en 6G.

Li Jinzeng, un chercheur des Observatoires astronomiques nationaux de l’Académie des sciences de Chine (ASC) et scientifique en chef du Radiotélescope Chine-Argentine (CART), met toutefois en garde sur le fait que de nombreux télescopes dépendent des térahertz pour explorer l’univers et qu’un réseau mondial de 6G utilisant cette gamme du spectre pourrait interférer avec l’observation astronomique. De plus, les effets physiologiques des radiations électromagnétiques associées à la technologie de la 5G continuent de faire l’objet de recherches, précise-t-il.

Zhang Zhang, le directeur exécutif adjoint du Centre national de données génomiques (NGDC) affilié à l’ASC, considère que la technologie 6G sera un facteur positif pour les projets scientifiques qui nécessitent la transmission et l’analyse de grandes quantités de données. D’après lui, il existe néanmoins deux problématiques majeures: la sécurité des données et le coût. « Avec la 6G, nous allons peut-être transmettre des données si rapidement et en si grandes quantités, que nous ne parviendrons pas à remarquer les petites fuites ou les risques de sécurité », fait-il remarquer.

L’exploitation d’un grand centre de données coûte par ailleurs des millions de yuans annuellement et ces dépenses sont généralement prises en charge par le gouvernement ou par l’institut. « L’utilisation d’un réseau 6G fonctionnant à plein régime pourrait être trop coûteuse. Les bailleurs et les législateurs devront trouver l’équilibre entre les coûts et les bénéfices, mais aussi adapter la technologie pour qu’elle réponde mieux aux besoins des utilisateurs », avertit Zhang Zhang.

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Source:french.china.org.cn