La Chine et la Russie devraient bientôt mettre en œuvre un accord impliquant leurs systèmes respectifs de navigation par satellite BeiDou et GLONASS, afin de promouvoir leur compatibilité et leur interopérabilité.

Cette alliance devrait permettre d’accomplir un positionnement plus précis et avoir des applications plus larges. Elle a également pour buts de rivaliser avec la domination du système américain GPS et de préserver la sécurité nationale face aux pratiques d’intimidation que les Etats-Unis pourraient étendre au secteur de la navigation.

L’Accord sur la coopération dans l’utilisation des systèmes BeiDou et GLONASS à des fins pacifiques a été confirmé par les deux parties au cours de la 6e Rencontre du Comité de projet sino-russe sur la coopération stratégique importante dans la navigation par satellite, qui s’est déroulée le week-end dernier. D’après le communiqué de presse officiel de cet évènement, l’accord devrait prendre effet rapidement.

Les acteurs du secteur ont qualifié cet accord d’avancée majeure apportant un cadre légal pour l’approfondissement de la coopération entre la Chine et la Russie. Il signale une transition vers une coopération bilatérale réelle et complète, pas seulement dans la promotion des applications, mais également pour les systèmes de navigation eux-mêmes.

Cet accord, qui a été signé en novembre 2018, spécifie la coopération bilatérale entre la Chine et la Russie en ce qui concerne le développement et la production d’équipements de navigation civile, compatibles à la fois pour les systèmes BeiDou et GLONASS. 

Dans le cadre de cet accord, les deux pays déploieront trois stations de contrôle sur leur territoire pour que l’autre puisse corriger les signaux de son propre système de navigation.

Au cours de la rencontre, les deux parties ont également analysé les rapports de quatre groupes de travail sur la compatibilité et l’interopérabilité, les systèmes d’augmentation basée sur des satellites (SBAS pour satellite-based augmentation systems), la construction des stations, la supervision et l’évaluation, ainsi que les applications combinées. Des développements majeurs ont été réalisés dans ces domaines.

La Chine et la Russie ont également signé un certificat d’inspection concernant la localisation des stations de contrôle et approuvé une étude de faisabilité sur des projets agricoles.

Les deux pays se sont accordés sur un texte d’accord de coopération concernant la compatibilité de synchronisation des systèmes BeiDou et GLONASS. Des puces à radiofréquence multimodales et multifréquences compatibles à la fois avec les systèmes BeiDou et GLONASS ont également été dévoilées au cours de cette réunion, avec les deux parties examinant conjointement les perspectives commerciales des applications de nouvelles puces et la coopération dans la recherche.

La Chine et la Russie maintiendront une communication étroite sur les plans du développement et de la mise en œuvre du projet associant les deux systèmes. Ils exploreront également de manière active de nouveaux domaines de coopération et des projets pour promouvoir le partage de résultats et la coopération mutuellement bénéfique entre BeiDou et GLONASS.

Rivaliser avec le GPS américain

Dans le contexte de la répression américaine à l’encontre de l’essor technologique chinois, l’approfondissement de cette synergie comporte des implications majeures pour le GPS, le système de navigation par satellite américain. Depuis plusieurs décennies, le GPS se réserve la part du lion sur ce marché.

« La coopération bilatérale entre la Chine et la Russie permettra de créer un réseau satellite plus grand, plus large, plus stable et plus robuste, avec une géolocalisation plus précise concurrençant le GPS », explique Cao Chong, un analyste industriel basé à Beijing. 

La composition basique des signaux de navigation des réseaux BeiDou et GLONASS est similaire, ce qui signifie que les utilisateurs pourraient passer sans problème d’un système à l’autre, explique Li Ning, membre du Comité sur la précision de l’application de l’Association des services basés sur le système mondial de navigation et géolocalisation par satellite de Chine. 

Alors que le réseau GLONASS dessert principalement les régions de hautes latitudes, le système chinois BeiDou se concentre sur l’apport d’un réseau dans les latitudes plus basses. Leur combinaison pourrait donc donner lieu à un système de navigation mondiale optimal.

La Chine a lancé 46 satellites pour créer la constellation BeiDou, tandis que la Russie a placé 26 satellites en orbite pour son système GLONASS. Au mois d’avril 2019, le système GPS possédait quant à lui 31 satellites opérationnels.

Ce partenariat va également donner à la Chine et à la Russie un avantage pour mettre en avant la proposition d’applications majeures permettant de concurrencer frontalement le GPS américain, ajoute Cao Chong.

Certains acteurs du secteur considèrent également cette coopération comme une façon pour la Chine et la Russie − des partenaires traditionnels se faisant mutuellement confiance − de défendre conjointement leur sécurité nationale et de faire face à l’hégémonie américaine. 

« Les Etats-Unis ont utilisé leur puissance nationale pour endiguer l’essor technologique de la Chine. Que se passerait-il s’ils suspendaient le service de GPS aux puissances économiques montantes, de la même façon qu’ils ont ordonné à Google d’arrêter de fournir Android à Huawei ? Que se passerait-il si [le système] GPS envoyait des signaux erronés pour perturber les activités économiques normales ? […] La Chine et la Russie ne peuvent céder aux Etats-Unis leur droit à la géolocalisation et ils doivent avoir quelque chose qui leur permette de remplacer le GPS si nécessaire, lorsque la sécurité nationale est en jeu », explique ainsi un acteur du secteur souhaitant rester anonyme. 

La Chine et la Russie ont mis en place le Comité de projet sino-russe sur la coopération stratégique importante dans la navigation par satellite en 2015, afin d’établir un mécanisme et une plateforme au niveau gouvernemental et d’approfondir la synergie entre leurs systèmes de navigation respectifs.