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Interview de Liu Cixin sur le film The Wandering Earth

French.china.org.cn | Mis à jour le 13. 02. 2019 | Mots clés : Liu Cixin, The Wandering Earth

Le blockbuster chinois de science-fiction The Wandering Earth s’est placé en tête du box-office au cours des vacances pour la fête du Printemps. Mardi dernier, il avait déjà engrangé plus de 2,4 milliards de yuans (314 millions d’euros), selon l’application Beacon de suivi du box-office. 

Liu Cixin, l’écrivain chinois de science-fiction qui avait écrit la nouvelle éponyme, a répondu à l’interview de la CCTV (China Central Television) et répondu à certaines questions, dont beaucoup d’internautes souhaitaient connaître les réponses.

Beaucoup de gens ont pleuré lorsqu’ils ont vu ce film. Cela a-t-il été votre cas?

Non. J’ai regardé ce film sous l’angle du créateur, pas en tant que spectateur ordinaire. Lors de certains passages, je réfléchissais à la façon d’améliorer encore les effets. De manière générale, l’objectif est de rendre l’intrigue émouvante pour les autres. Il est difficile d’être ému par les choses que nous avons déjà vues plusieurs fois.

Ce qui arrive à notre planète dans le film pourrait-il arriver dans la vie réelle?

Pas dans un futur proche, car le Soleil se trouve toujours dans sa séquence principale de vie, ce qui signifie qu’il est très stable. Même si certains changements devaient survenir, cela prendrait très longtemps, [représentant] un futur très lointain en ce qui concerne les êtres humains.

Certains internautes pensent que certaines intrigues scientifiques dans le film sont difficiles à croire. Quelle est votre opinion?

Effectivement, il y a quelques points d’intrigue qui ne sont pas logiques et que l’on pourrait qualifier d’erreurs. Il y a différentes raisons à cela, comme les restrictions de la cinématographie ou les besoins du storytelling. Par exemple, il n’est pas possible de détruire une intelligence artificielle en brulant simplement une caméra de surveillance. Il serait plus réaliste de faire cela comme dans le film 2001, l’Odyssée de l’espace (de Stanley Kubrick), où l’astronaute atteint la carte mère de l’ordinateur et retire les puces une par une. Mais si vous laissez Wu Jing (qui joue le rôle de Liu Peiqiang dans The Wandering Earth) faire cela, le film deviendrait très long. Nous avons donc essayé d’avoir un certain équilibre entre le divertissement et l’aspect scientifique.

The Wandering Earthva-t-il devenir une série?

Vous devriez plutôt demander ça au producteur ou au réalisateur! Je ne suis pas celui qui prend ces décisions, mais je pense que si les ventes du film au box-office maintiennent la dynamique actuelle, celui-ci pourrait définitivement faire l’objet d’un deuxième ou troisième volet. J’aimerais que toutes mes œuvres soient adaptées au cinéma - je n’ai pas de problème avec ça - mais par rapport aux romans, les films de science-fiction ont plus de restrictions.

Comment l’industrie chinoise du film de science-fiction pourrait se développer à l’avenir?

Tout d’abord, [les films] ne doivent pas se limiter à certaines façons de cadrer. Les films de science-fiction doivent être diversifiés et avoir une grande variété de styles. Ils n’ont pas besoin d’être tournés dans un certain style ou en suivant un certain mode, sinon ils n’auraient aucun avenir.

De plus, il faudrait établir un système [spécifique] pour l’industrie des films de science-fiction. Les personnes qui réalisent les différents effets spéciaux, comme les ciels étoilés ou les navettes spatiales, ont chacune leur propre domaine spécifique d’expertise. Il faudrait établir un tel réseau.

Enfin, il est important d’avoir un bon contenu original. Les contenus originaux proviennent de deux aspects: d’un côté, nous avons besoin d’œuvres de science-fiction bonnes et influentes, qui font défaut actuellement. De l’autre, il est plus approprié de produire de façon originale des films de science-fiction que des adaptations d’œuvres littéraires. Nous avons un grand nombre de scénaristes dans d’autres domaines, mais peu dans le genre de la science-fiction. Nous devons donc cultiver un certain nombre d’écrivains de science-fiction de haut niveau.

Les écrivains de science-fiction peuvent-ils prédire les mondes à venir?

Non, il est impossible de décrire le futur. Pas seulement pour moi, mais pour chacun d’entre nous. Il est déjà difficile de décrire ce que pourrait être le monde dans 100 ans. Nous autres écrivains de science-fiction, nous ne faisons pas de prévisions, mais simplement la liste de toutes sortes de possibilités. Il est impossible pour nous de toutes les écrire, [nous choisissons] seulement les plus intéressantes et les plus étonnantes. Je donne souvent l’exemple d’une montre cassée: celle-ci continue de donner l’heure exacte deux fois par jour. De façon similaire, si vous passez en revue suffisamment de possibilités, plusieurs d’entre elles pourraient finir par se révéler exactes. Il ne s’agit cependant en aucun cas de « prévisions », car les écrivains de science-fiction n’ont pas de pouvoirs magiques.

Quel est le plus grand problème que vous ayez rencontré dans votre travail?

Dans le processus [d’écriture], le plus grand problème est la créativité. Je ne veux pas dire que ma créativité est épuisée, mais il est difficile pour moi de trouver des idées qui m’enthousiasme. Certaines personnes peuvent mal comprendre cette situation. Je ne m’attends jamais à ce que ma dernière œuvre soit meilleure que la précédente. J’ai dit un jour que la création d’une œuvre dépendait principalement de l’opportunité, ce qui est très évasif. Ce qui me stimule pour continuer à écrire une histoire, et particulièrement un long roman, c’est l’enthousiasme de mes idées. Si je ne suis pas enthousiaste, je ne peux pas m’attendre à ce que les lecteurs le soient. C’est le plus grand problème que j’ai rencontré.

Le réalisateur de The Wandering Earth a souligné à maintes reprises, que le pays tout entier se trouvait dans un état moderne de croissance rapide, fournissant ainsi un sol fertile pour les livres et les films de science-fiction. Quel est selon vous le sentiment le plus puissant en Chine aujourd’hui?

C’est le sentiment d’avoir un avenir. Nulle part au monde, y a-t-il un sentiment aussi fort sur les perspectives d’avenir qu’en Chine. 

Une nation prospère peut produire une littérature prospère. Je ne suis pas sûr que cela soit le cas dans d’autres genres de littérature, mais ça l’est vraiment pour la science-fiction. La littérature de science-fiction ne peut se développer correctement dans un endroit pauvre et rétrograde, avec un rythme de développement lent. Peu importe l’excellence et la créativité de l’auteur, celui-ci ne pourrait être reconnu dans un tel endroit. Il s’agit d’une caractéristique de la littérature de science-fiction.

Pensez-vous avoir de la chance d’être né à cette époque?

Un auteur américain m’a dit un jour que la génération post-années 60 en Chine était le plus chanceuse, car personne d’autre au monde dans l’histoire de l’humanité n’a été le témoin de changements aussi profonds dans le monde qui les entoure. Je suis entièrement d’accord avec lui. Le monde de mon enfance est complètement différent de ce qu’il est aujourd’hui. Pour un écrivain de science-fiction, c’est réellement une chance. Je suis une créature de mon époque. Si j’étais né à une autre époque, je ne serais peut-être pas devenu écrivain de science-fiction. 


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Source:french.china.org.cn