Y a-t-il une conscience écologique accrue dix ans après le décret limitant l’usage des sacs en plastique?

A la caisse d’un supermarché de Beijing: les jeunes préfèrent acheter des sacs en plastique, tandis que les clients plus âgés viennent avec leurs propres sacs de courses ou leurs caddies.（Photo prise par Wang Dong, journaliste de China.org.cn.）

Le 1er juin 2008, le décret sur la production, la vente et l’utilisation limitées des sacs en plastique entrait officiellement en vigueur en Chine.

Au cours de la dernière décennie, la mesure a effectivement produit des effets: les sacs plastiques biodégradables qu’on trouve maintenant dans les centres commerciaux ont remplacé les sacs plastique ordinaires, leur nombre a considérablement diminué, et la « pollution blanche » a substantiellement baissé.

Aujourd’hui cependant, ce décret est confronté à une nouvelle situation embarrassante : si dans les centres commerciaux et les supermarchés, la mise en œuvre s’avère généralement bonne, elle est néanmoins loin de l’être dans certains marchés aux fruits et légumes et dans les petits magasins. Pour plusieurs médias, le décret sur la limitation des sacs en plastique s’est transformé en un décret de « vente des sacs en plastique ». La plupart des consommateurs, très peu sensibles au prix de ces sacs, s’y sont habitués, et les vendeurs de ces sacs y voient une nouvelle occasion de gagner de l’argent. De plus, l’essor du service de livraison à domicile et des achats en ligne crée de nouveaux défis dans l’application de ce décret.

Alors, quelle est la situation réelle? Quel est l’impact du décret sur la limitation de la production, de la vente et de l’utilisation des sacs en plastique sur la conscience environnementale du public? Il y a quelques jours, deux journalistes du Centre d’Informations Internet de Chine (China.org.cn) se sont rendus dans un supermarché de Beijing dans l’espoir d’obtenir des réponses.

80 % des clients achètent des sacs en plastique à la caisse alors qu’ils sont en libre-service dans les rayons des légumes et des fruits

Pendant les heures de pointe vers la fin de l’après-midi, les deux journalistes ont observé les comportements aux caisses dans deux supermarchés de Beijing. En une demi-heure, près de 80 % des clients ont acheté des sacs en plastique en réglant leurs achats.

Les deux journalistes ont également constaté que des sacs en plastique sont fournis en libre-service dans les rayons de fruits et légumes de ces supermarchés.«La grande majorité des clients mettent séparément les fruits et les légumes dans un sac en plastique », affirme un employé du supermarché à nos journalistes. « Calculé de cette manière, chaque client se sert de trois ou quatre sacs en plastique.»Dans les faits cependant, de nombreux fruits et légumes peuvent être pesés sans sac en plastique.

Selon un autre employé, les supermarchés vendent des sacs plastiques biodégradables et respectueux de l’environnement, mais les rayons de fruits et légumes utilisent des sacs en polyéthylène de haute densité (sacs en PE). On y trouve le logo QS, le numéro de norme nationale, l’épaisseur du sac et le nom de l’entreprise. Toujours selon cet employé, ces sacs en plastique, inodores et non toxiques, peuvent être utilisés pour contenir de la nourriture. Les principaux produits résultant de leur incinération sont l’eau et le dioxyde de carbone, qui ne nuisent pas à l’environnement. Cet employé a cependant confirmé l’absence de statistiques sur les ventes et les bénéfices réalisés avec les sacs en plastique dans le supermarché.

Nos journalistes se sont ensuite rendus dans un libre-service de Beijing, où des sacs en plastique sont vendus. Ils ont constaté que presque tous les clients achetaient un sac en plastique quand leurs achats dépassent plus de trois produits.

Les personnes d’un certain âge préfèrent faire leurs achats en utilisant leur propre sac

Nos journalistes ont également constaté que les clients qui achètent des sacs en plastique sont principalement des jeunes, tandis que les personnes d’un certain âge viennent en général avec leurs propres sacs à provisions ou un caddie.

Certains clients interviewés ont dit qu’ils achètent des sacs en plastique parce que c’est pratique. Dans un supermarché en libre-service, un jeune client explique qu’il n’avait pas prévu de sac à provisions parce qu’il venait faire personnellement l’expérience de ce nouveau type de service pour satisfaire sa curiosité.

Beaucoup de clients plus âgés ont fait savoir qu’il était également commode de faire ses courses avec son propre sac à provisions.«Vous voyez que mon sac est écologique, très solide et d’une taille adéquate», remarque M. Liang, 56 ans.

Originaire de Dalian, il pense souvent au ciel bleu et la mer depuis qu’il est à Beijing: « Les rues sont étroites à Beijing et les voitures sont garées partout. Plus il y a de voitures et de gens, plus il y a de déchets. Regardez, tout le travail qu’il faudra aux éboueurs si nous négligeons la protection de l’environnement», dit-il en pointant son doigt vers un éboueur.

M. Liang a exprimé son enthousiasme pour la protection de l’environnement: « Il y a une petite rivière près de chez moi. Il y a quelques années, elle était remplie de sacs en plastique, de toutes les tailles et de toutes les couleurs. » Il a décidé de nettoyer la rivière. Chaque jour après son travail, il passe une heure à ramasser les ordures. De plus, il mobilise parents, proches et amis, appelant tout son entourage à utiliser le moins possible des sacs en plastique.

Il est difficile pour la jeune génération, riche en connaissance sur la protection de l’environnement, de changer les habitudes de consommation

De nombreux consommateurs d’un certain âge que nous rencontrons dans les supermarchés n’ont pas une idée claire des dangers et du traitement des déchets de produits en plastique. Souvent dégoûtés par la « pollution blanche », ils ne savent pas vraiment ce qu’il faut faire pour le tri des déchets. En revanche, la jeune génération est plus avertie dans ce domaine.

Dans une université de l’arrondissement de Haidian, un étudiant prénommé Wu explique que les déchets«micro-plastiques»sont les particules fines PM 2,5 de l’océan, qui causeront des dégâts extrêmement graves à l’environnement et à la biologie marine.

Le jeune hommea également avancé plusieurs suggestions pour résoudre les problèmes concernant l’environnement, tels que le recyclage des sacs en plastique, la diminution des emballages en plastique pour les services de livraison à domicile. Selon lui, la priorité devra passer du traitement de la pollution plastique à la prévention:«Au lieu de dépenser des sommes colossales pour traiter la pollution, il vaut mieux la contrôler à sa source, améliorer les matières utilisées et réduire la pollution, soit engager un traitement préalable avant la pollution. Nous pourrons faire un travail moindre pour un résultat double si nous investissons l’argent destiné à l’incinération des déchets dans l’amélioration des matières premières et du recyclage.»

Concernant ses habitudes de consommation, M. Wu a cependant avoué en toute franchise qu’il faisait souvent des commandes par le service de livraison à domicile et des achats sur internet:«Après tout, c’est tellement pratique. Il est difficile de changer ses habitudes. »

La conscience écologique du public s’est améliorée mais il importe d’agir

En termes de pratiques environnementales, le Centre d’Informations Internet de Chine (China.org.cn) a récemment effectué un sondage via son compte WeChat. Sur les plus de 200 questionnaires valables recueillis, il n’est pas difficile de constater l’amélioration du comportement du public dans la protection de l’environnement et le renforcement de la conscience écologique. Parmi les internautes interrogés, 22 % disent qu’ils apportent toujours un sac à provisions lorsqu’ils font des achats, 43 % déclarent qu’ils le font parfois; 92 % des internautes recyclent des sacs en plastique pour une seconde utilisation pour les courses ou pour servir de poubelle; près de 90 % des participants à l’enquête ont exprimé leur soutien à la mise en œuvre et leur respect à l’égard du système de classification plus spécifique des déchets, mais environ 78 % des consommateurs en ligne ont fait savoir leur difficulté de s’arrêter d’effectuer des achats en ligne, ceux-ci étant à l’origine de l’augmentation rapide des déchets plastiques.

Liu Jianguo, professeur à la faculté de l’environnement de l’Université Tsinghua de Chine, a déclaré, dans une interview accordée au Centre d’Informations Internet de Chine (China.org.cn), que le règlement limitant la production, la vente et l’utilisation des sacs plastiques a été appliqué dès le début de sa promulgation même si le traitement des déchets plastiques est aujourd’hui confronté à de nouveaux défis. Il est particulièrement intéressant de noter que ce règlement sensibilise le public pour faire comprendre que l’utilisation des ressources n’est pas gratuite. De ce point de vue, la mise en œuvre du règlement limitant les sacs plastiques a joué un rôle positif.

Dans le même temps, M. Liu souligne qu’en dépit du renforcement de la conscience écologique du grand public, certains pensent encore que la protection de l’environnement est une responsabilité qui incombe au gouvernement, et que cela ne les concerne pas. Il insiste donc sur l’importance d’en finir avec la « mentalité du spectateur » et de participer activement à la protection de l’environnement.