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Il est évident que Beijing attache une grande attention à la visite d’Etat en Chine du président français Emmanuel Macron. Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a utilisé trois fois le terme « premier » pour décrire celle-ci : M. Macron est le « premier » chef d’Etat étranger reçu en Chine en 2018, le « premier » chef d’un Etat membre de l’Union européenne à se rendre en Chine depuis le XIXe Congrès national du PCC et c’est la « première » visite d’Etat du président français depuis sa prise de fonctions.
A cet égard, il est logique de dire que la venue de M. Macron est significative pour les relations sino-françaises et sino-européennes dans la nouvelle ère. La France est perçue comme un partenaire politique stable en Europe, à l’heure où le Brexit et le populisme grandissant en Allemagne affectent les deux plus grandes économies d’Europe. En France, M. Macron a pris des mesures fortes pour avancer rapidement et effectuer les changements promis, qui l’ont porté à la présidence.
Dans les sociétés basées sur la légitimité, être légitime devient crucial. C’est la raison pour laquelle la Chine a toujours souligné le fait que la France avait été la première puissance occidentale à reconnaître la légitimité du gouvernement de Beijing au niveau ambassadorial. Depuis, les deux parties ont joué un rôle important dans la mise en place de relations internationales plus saines et démocratiques, et un nouveau type de partenariat stratégique global s’est développé entre les deux puissances. De ce fait, les dimensions de la visite de M. Macron en Chine méritent d’être soulignées.
Premièrement, même au plus fort de la Guerre froide, la Chine et la France ont démontré la force de leur volonté et leur sagesse en mettant en œuvre un consensus stratégique et en coopérant, notamment dans la poursuite réciproque d’une capacité nucléaire indépendante. Depuis, les deux puissances ont développé leurs relations bilatérales et leur partenariat global. Aux yeux de la Chine, la France reste une grande puissance aux dimensions internationales, notamment dans les domaines de la culture, de l’éducation et des nouvelles technologies. En 2017, Xi Jinping a invité la France à participer à l’initiative des nouvelles Routes de la soie. En signe d’amitié et de respect mutuel, l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin fut choisi par le président élu Macron comme envoyé spécial pour participer en mai au Forum des nouvelles Routes de la soie à Beijing. La force de ces échanges bilatéraux donne à la France l’avantage du « premier arrivant » pour fournir à la Chine et aux entreprises chinoises une base stable sur laquelle investir et développer cette initiative, qui portera ses fruits dans les années à venir.
Deuxièmement, la Chine a pris grand soin de ses liens bilatéraux avec la France. Dans le même temps, elle a également soutenu l’intégration européenne dès son lancement. Lorsque le Brexit est devenu une réalité en 2016, la Chine a constamment encouragé « l’Union européenne à parler d’une seule voix ». En effet, une version française du Brexit aurait des conséquences désastreuses pour l’euro. Il est prioritaire pour la Chine de maintenir des marchés financiers plus ouverts et plus stables, car ceux-ci constituent un environnement plus adéquat pour le développement économique français. Considérant que près d’un tiers des réserves de change de la Chine sont détenues en euros, une chute du taux de change de la devise européenne affaiblirait la valeur des avoirs chinois en devises étrangères, ainsi que la valeur de tous les investissements réalisés dans la zone Euro. La Chine tend à voir l’euro comme une devise permettant de contrebalancer le dollar américain. Il est donc dans les intérêts de la Chine de soutenir des relations globales fortes avec l’UE. En tant que l’un des acteurs majeurs au sein de l’UE, la France accueille une Chine prospère et dynamique, avec l’idée que « la région immense de l’Eurasie entre la France et la Chine devrait devenir une communauté d’intérêts, de responsabilités et de destin ». Un partenariat stable sino-français permettra à l’UE et à la France de tirer pleinement profit de l’initiative des nouvelles Routes de la soie, mais également à la France de jouer le rôle d’arbitre dans les relations sino-européennes dans un environnement mondial changeant. Ceci est important à la fois pour l’UE, mais également pour la Chine.
Troisièmement, sur le plan international, la Chine et la France sont toutes deux des puissances nucléaires et des membres du Conseil de sécurité des Nations unies. Comme Xi Jinping l’a réitéré au téléphone avec son homologue français, la Chine souhaite coopérer étroitement avec la France pour soutenir les efforts de gouvernance mondiale et contribuer à ses accomplissements majeurs, comme l’Accord de Paris, qui traite de la réduction des gaz à effet de serre au niveau mondial. Alors que l’Accord de Paris est devenu effectif la même année, le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a qualifié cet accord de plan ambitieux et adapté, « un tournant historique dans l’objectif de réduction du réchauffement climatique ». Concernant la gouvernance mondiale au XXIe siècle, la Chine a prôné la mondialisation, car il s’agit du cadre dans lequel un développement sans précédent continue de se poursuivre. M. Macron considère également la mondialisation comme une force positive, qui apporte de nombreuses opportunités pour la croissance et le développement. Ainsi, au cours de la dernière campagne électorale en France, les médias chinois, comme Weibo et WeChat, ont montré la préférence constante du peuple chinois pour Emmanuel Macron, car sous sa présidence, la France soutiendrait des liens de coopération plus forts entre la Chine et l’UE. Dans cette configuration, la France pourrait jouer un rôle plus important pour contrebalancer l’hégémonie américaine, contribuant ainsi aux objectifs stratégiques de la Chine.
Dans un pays comme la France, M. Macron doit clairement faire face à de nombreux défis, que ce soit l’opinion publique sur les différends commerciaux ou encore les droits de l’Homme avec la Chine. Pourtant, le président français a dit un jour : « On ne peut pas aimer les Chinois qui achètent des Airbus et ne pas aimer ceux qui investissent dans l’aéroport. » M. Macron a été salué comme étant un porte-étendard de l’Union européenne et un soutien de la mondialisation, reflétant les mêmes vues que celles exprimées par Xi Jinping au Forum économique mondial. La continuité de l’intégration européenne et la perception de la mondialisation comme une force positive dans l’UE sont toutes deux des facteurs importants pour la Chine. En effet, le retour sur investissement de l’initiative des nouvelles Routes de la soie pourrait sombrer de manière dramatique si l’UE devait s’effondrer. Ainsi, le succès de cette initiative, qui est mutuellement bénéfique pour toutes les parties prenantes, permettra sûrement de renforcer la position de M. Macron et des autres dirigeants pro-européens en Europe.
En tant que puissance industrielle bien établie et source développée de technologies avancées, la France suit cette initiative avec un intérêt prononcé. Elle aura l’opportunité de contribuer à la dynamique d’innovation en Chine par le biais de transferts de technologies, afin de renforcer des échanges économiques et culturels vigoureux en soutenant un partenariat global entre la Chine et l’UE. Comme l’a dit M. Raffarin : « La France et la Chine ont toujours porté un intérêt majeur dans les relations bilatérales, tout en mettant de côté leurs différences politiques internes. » Les dirigeants chinois ont hâte d’échanger en profondeur avec M. Macron, afin de faire avancer les relations sino-françaises dans la nouvelle ère.
L’auteur est professeur à la Faculté des affaires publiques et internationales de l’Université de Jilin.
Source:french.china.org.cn |