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RAMÓN MARTÍNEZ, membre de la redaction
Peu de disciplines sportives dans l’histoire ont été stigmatisées autant que le golf. Traditionnellement, il se joue dans des clubs à accès restreint, il est peu couvert par les médias hors du monde anglo-saxon.Dépeint par le cinéma comme un jeu propice à la conduite de négociations et à la conduite d’arrangements occultes, le golf est souvent considéré comme un sport élitiste réservé à quelques privilégiés.
C’est le cas dans de nombreux pays, mais en Chine il fut carrément interdit à partir de 1949, à la fondation de la République populaire, parce que l’on le considérait comme un « sport de millionnaires». C’est ainsi que pendant des décennies, on ne savait rien de cette discipline en Chine, à l’exception de Hong Kong, colonie britannique jusqu’à la rétrocession en 1997, où l’on le pratiquait ainsi que le rugby ou le cricket, suivant la tradition sportive britannique.
Des enfants pratiquant le golf
Les choses ont commencé à changer dans les années 1980, pendant la période Deng Xiaoping. Les effets de la politique de réforme et d’ouverture s’étendirent bientôt au domaine du sport et le golf sortit des listes noires en 1984. Bien entendu, il restait du chemin à parcourir de la levée de l’interdiction jusqu’à la promotion et la popularisation d’une discipline qui reste accessible à une minorité. D’après des statistiques datant de 2013, le coût d’une partie de golf en Chine se situe en moyenne à 130 euros, un prix assez dissuasif dans un pays où le salaire annuel moyen dépasse à peine 7 000 euros par an.
Tout fonctionne différemment en Chine : le fait qu’il n’est pas populaire ici ne l’empêche pas de cartonner. L’engouement des Chinois pour le golf est directement proportionnel à l’élévation de leur pouvoir d’achat. Même s’il n’existe pas de statistiques fiables sur le nombre de Chinois pratiquant le golf, on estime qu’il doit dépasser le million d’adeptes.
D’après l’agence Chine nouvelle, si l’on comptait moins de 200 parcours de golf en Chine avant l’interdiction, il y en a aujourd’hui au moins 500, en dépit de la loi de 2004 qui interdisait la création de nouveaux parcours et de la fermeture, en 2015 d’une soixantaine de parcours non autorisés. La plupart des terrains se situent à Beijing, Shanghai et dans le Guangdong, et on en trouve aussi dans le Shandong et sur l’île de Hainan. Logique : c’est Beijing qui concentre le plus grand nombre de milliardaires chinois, suivi par la province du Guangdong et la ville de Shanghai.
Le 20 août 2016, Feng Shanshan à l’épreuve finale de golf en individuel femmes aux JO de Rio
Un sport qui fait polémique
Les terrains de golf jouent un rôle d’appât à touristes, comme on peut le voir au grand nombre de terrains construits dans l’île de Hainan, au sud du pays, où les visiteurs peuvent jouer au golf dans un climat agréable. Mais cet effort de promotion du tourisme, qui constitue une priorité pour les autorités chinoises, se trouve en contradiction avec deux réalités incontournables : la Chine manque de terres arables et ses ressources en eau sont limitées. Ce sont les deux éléments indispensables au développement et à l’entretien des terrains de golf, et c’est pourquoi le ministère du Territoire et des Ressources les voit d’un mauvais œil.
C’est pour cette raison que le golf est depuis longtemps un sujet controversé en Chine. D’où les titres des manchettes dans la moitié des gazettes mondiales lorsque, en avril dernier, la Commission centrale de contrôle de la discipline du Parti communiste chinois décréta que les membres du PCC adeptes du golf ne faisaient « rien d’illégal » dans la mesure où ils payaient les frais de leur poche. Une nouvelle formulation qui rectifie la ligne de 2015 qui prohibait le golf pour les 88 millions de membres du parti dans le cadre de la campagne de lutte anticorruption lancée par le président Xi Jinping. Le problème ne réside pas dans le golf en tant que tel mais plutôt dans les usages détournés qui peuvent en être faits.
Vers une professionnalisation
Cette annonce de la Commission centrale de contrôle de la discipline est arrivée à la veille des Jeux olympiques de Rio de 2016, ceux-là mêmes qui ont consacré le golf comme sport olympique après plus d’un siècle d’absence. Le golf a brièvement été une discipline olympique lors des J.O. de Paris en 1900, les seconds de l’époque moderne, puis lors de l’édition suivante à Saint Louis (États-Unis) en 1904, avant de disparaître, curieusement, de l’édition 1908, qui se tenait pourtant à Londres, un pays traditionnellement adepte de golf.
Jusqu’aux J.O. de Rio en 2016, où la Chine a réalisé l’exploit avec la médaille de bronze pour Feng Shanshan, golfeuse professionnelle âgée de 28 ans seulement, membre de la LPGA (Ligue du golf professionnel féminin) depuis 2012 et première golfeuse chinoise à remporter un titre important. La performance de sa coéquipière Lin Xiyu a été plus modeste, puisqu’elle s’est classé 38e, de même que celle de leurs compatriotes masculins Wu Ashun (30e) et Li Haotong (50e).
Quoiqu’il en soit, ces quatre golfeurs illustrent bien la tendance à la professionnalisation qui existe dans ce sport en Chine. Le pays s’est d’autre part posé en organisateur de quelques-uns des rendez-vous majeurs du circuit qui attirent les meilleurs golfeurs du monde, comme l’Open Volvo de Chine qui se tient annuellement depuis 1995, ou le tournoi WGC-HSBC Champions, qui oppose chaque année 78 golfeurs masculins triés sur le volet grâce aux points qu’ils ont amassés sur les principaux tournois de la saison précédente.
Bien évidemment, ces résultats ne tombent pas du ciel : comme dans tous les sports, c’est la pratique continue qui fait émerger les talents, et aussi le soutien financier de jeunes entrepreneurs qui consacrent leur vie à entraîner les jeunes golfeurs.
Depuis le début de cette décennie, plusieurs initiatives privées visant à soutenir l’entraînement de jeunes golfeurs ont vu le jour en Chine. Souvent, il s’agit d’entrepreneurs amoureux de ce sport et décidés à débarrasser le golf de son image négative. Le golf n’est pas forcément une activité liée à la corruption ou aux privilèges aristocratiques. Certains de ces entrepreneurs ont réussi à inclure des cours optionnels de golf dans certaines écoles et on estime à 2 000 le nombre des étudiants qui y ont fait leur premier swing.
Même si la Chine est encore loin de connaître la même passion pour le golf que les pays de grande tradition comme les États-Unis, où les pratiquants occasionnels (au moins huit fois par an) représentent jusqu’à 10 % de la population, et même si le développement du golf y a connu des hauts et des bas ces trois dernières décennies, ce sport est en train de trouver sa place dans les couches les plus aisées de la population chinoise.
Source:La Chine au Présent |