Les belles histoires de la musique traditionnelle chinoise

Par : Lisa |  Mots clés : musique,composition,mélodies traditionnelles
French.china.org.cn | Mis à jour le 27-01-2015

Comme beaucoup de choses anciennes en Chine, l'invention des instruments et la composition des mélodies traditionnelles sont relatées sous la forme de légendes dramatiques et émouvantes. Aperçu.

HU YUE, member de la rédaction

Au cours des millénaires de l'histoire chinoise, la musique traditionnelle chinoise s'est transmise de génération en génération, et ainsi chaque morceau possède une histoire étonnante ou pathétique, dont les Chinois aiment se souvenir aujourd'hui.

Gaoshan Liushui

Gaoshan Liushui (Haute montagne et fleuve impétueux ) est un morceau composé pour le guqin. Le guqin est un instrument traditionnel à cordes pincées. À en croire la légende, ce morceau aurait été créé par Yu Boya pour raconter son histoire avec Zhong Ziqi.

Yu Boya apprit le guqin dans son enfance, jusqu'à maîtriser à fond aussi bien la technique que l'esprit de l'instrument. Un jour que Yu séjournait à Hanyang au bord du fleuve Yangtsé, il admirait la lune d'automne, se sentait en verve et se mit à jouer une pièce sur son guqin. Le bûcheron Zhong Ziqi, qui passait là par hasard, fut enthousiasmé par la musique de Yu. Yu jouait en pensant à la montagne, et Zhong rêvait en se disant : « Ce que j'entends décrit une montagne pareille au Mont Taishan. » Yu joua ensuite en pensant au fleuve, et Zhong s'écria : « Cette fois, la musique évoque un fleuve qui coule ! ». Où que l'inspiration de Yu le conduisît, à chaque fois Zhong le comprenait parfaitement par ses accents. Yu fut ravi de rencontrer enfin un ami capable d'apprécier son art. Les deux hommes se lièrent immédiatement comme deux frères et se promirent de se rencontrer à nouveau, l'année suivante au même endroit, pour poursuivre leur dialogue musical.

L'année suivante, Yu, ponctuel au rendez-vous, apprit que Zhong était entre-temps décédé. Il poussa un long cri de désespoir en se précipitant sur la tombe de Zhong. Puis il s'assit et se mit à jouer un morceau sur son guqin. Le morceau qu'il composa alors, il l'appela Gaoshan Liushui, en souvenir de son ami intime. Lorsque la musique se tut, il s'écria : « J'ai perdu le seul ami qui savait apprécier ma musique, pour qui jouerais-je désormais ? » Et il cassa son instrument en se jurant de ne plus jouer du guqin de toute sa vie, ne laissant à la postérité que ce morceau et l'histoire de son amitié pour Zhong.

Gaoshan Liushui est devenu une expression commune dans la langue chinoise, qui exprime l'idée qu'il est difficile de trouver une âme sœur, mais aussi pour décrire une belle mélodie. Des romans, des tableaux contemporains, des films de cinéma, et même des séries télévisées se sont inspirés de cette histoire. La sonde spatiale américaine Voyager I, lancée le 22 août 1977 emportait un disque d'or qui contenait une collection de chansons du monde entier, dont le fameux morceau Gaoshan Liushui qui symbolisait l'humanité à la recherche d'un ami dans l'univers. Aujourd'hui, à Wuhan, capitale de la province du Hubei où, selon la légende, Yu Boya rencontra Zhong Ziqi, une revue s'intitule Zhiyin (l'ami intime), et c'est l'une des revues les plus vendues en Chine.

Shimian Maifu

Shimian Maifu (Assiégé de toutes parts) est une mélodie destinée au pipa en solo composé sous la dynastie des Han (202 av. J-C.-220) et le pipa est l'un des instruments chinois traditionnels. Si on sait très peu de choses sur l'auteur et sur la création de ce morceau au rythme intense, certaines informations datant de la dynastie des Tang (618-907) parlent de ce morceau : Bai Juyi, poète réputé des Tang, a composé un poème appelé Pipa xing (La Ballade du luth), et on peut supposer que l'auteur se référait à ce morceau. Et dans Partition de pipa de Hua Qiupin, c'est la partition de cette pièce qui apparaît.

Cette musique raconte l'histoire de Guerre entre Chu et Han. En 202 av. J.-C., deux armées se rencontraient à Gaixia (aujourd'hui province de l'Anhui), et les 300 000 soldats de Han ont pris en tenaille les 100 000 soldats de Chu, parvenant à les encercler tout à fait. Pendant la nuit, les soldats Han chantaient des chansons de la région de Chu pour se moquer de l'ennemi vaincu. Entendant les chansons de leur pays natal, les soldats de Chu qui subissaient depuis longtemps déjà les fatigues et les privations de la guerre, se sentirent tout à fait démoralisés. Xiang Yu, le chef de l'armée de Chu, dit à sa concubine : « Je suis un héros, non seulement par ma force mais aussi par mon ambition. Ce qui m'a manqué, c'est seulement la chance. Maintenant que mon cheval est trop fourbu pour me porter, que puis-je faire ? » Yu Ji, la concubine, lui répondit : « L'armée Han a déjà pris beaucoup de territoires, les chansons de Chu sont autour de nous, mon roi a perdu confiance, ma vie a perdu tout son sens ! » Elle se tua d'un coup d'épée. Xiang Yu, éploré, se précipita sur le bord de la rivière Wujiang, faisant face au fleuve, trop honteux pour rentrer chez lui et rencontrer les anciens, cria : « C'est Dieu qui me tue, pas le combat », puis il se trancha la gorge.

De nos jours, Shimian Maifu s'emploie comme expression pour décrire une situation inextricable ou un moment fatal, souvent en combinaison avec un autre proverbe, Simian Chuge (Être aux abois).

Guangling san

Guangling san est à l'origine un morceau folklorique composé à la fin de la dynastie des Han de l'Est (25-220) dans la région Guangling (près de Yangzhou, province du Jiangsu). La première publication de sa partition remonte à 1452, sous les Ming (1368-1644), dans le livre Shenqi mipu. Il s'agit en fait d'un morceau de guqin déjà connu, mais que les musiciens des époques suivantes ont préféré jouer au guzheng du fait de son caractère guerrier. La voix du guzheng est plus éclatante que celle du guqin, ce qui le rend plus expressif.

Guangling san, c'est une histoire de vengeance. Dans la période des Royaumes Combattants, le père de Nie Zheng fut appelé pour forger l'épée du roi de Han. Malheureusement, incapable de terminer sa tâche dans les délais impartis, celui-ci fut condamné et exécuté. Nie Zheng en deuil s'est juré de venger son père. Ayant entendu dire que le roi adorait écouter le son du guqin, il se rendit au Mont Taishan (Shandong) pour apprendre le guqin, une tâche à laquelle il consacra dix années. Puis il revint dans sa cité d'origine, sans oublier de noircir son visage ni de contrefaire sa voix, afin de s'introduire dans la ville sans risquer d'être reconnu. C'est ainsi qu'un jour il se retrouva à jouer du guqin près de la cité interdite du roi, et la belle mélodie ne manqua pas de conquérir tout le monde. On parla au roi de ce joueur magnifique, qui lui demanda de venir à la cour jouer pour lui. Nie Zheng accepta l'invitation et cacha un poignard dans le ventre de son instrument. Attendant le moment favorable alors que le roi et les gardes étaient en extase sous l'effet de sa musique, Nie Zheng dégaina soudain son poignard et tua le roi. Aussitôt après, pour éviter que la vengeance royale ne s'abatte sur sa famille, il se tua lui-même d'un coup de poignard.

Beaucoup d'anciennes histoires parlent de régicide, mais celle de Guangling san est différente : grâce à un style très particulier, intégrant la musique et une atmosphère tendue, elle rend parfaitement la scène brutale et pathétique. Ji Kang, sage de l'époque des Jin (265-420), est reconnu comme l'un des meilleurs interprètes de ce morceau. Condamné à mort à la suite d'une dénonciation mensongère, c'est ce morceau qu'il décida de jouer avant d'être exécuté. Louis Cha (Chah Leuhng Yuhng), écrivain chinois de romans de cape et d'épée, a utilisé un extrait de la partition de Guangling san dans sont roman Fière allure sur monts et vaux.

Erquan yingyue

Erquan yingyue (La Deuxième Fontaine au clair de la lune) est un morceau de musique chinoise qui date de la première moitié du XXe sicèle par l'aveugle Abing (Hua Yanjun), musicien chinois spécialiste du erhu et du pipa. Le compositeur s'est basé sur son expérience personnelle en tant que musicien pour créer cette pièce.

Abing est né à Wuxi (province du Jiangsu), et depuis sa plus tendre enfance, il était fasciné par la musique, en particulier par la musique folklorique de son village natal qui l'a beaucoup influencé. Dès son adolescence, il savait jouer d'un grand nombre d'instruments de l'époque. Mais à 30 ans, sa vie changea brutalement. Vivant déjà dans la pauvreté à cause de son addiction à l'opium, il a contracté une maladie oculaire qui l'a rendu aveugle, et il dut pour gagner sa vie devenir un vagabond qui jouait des instruments dans la rue. Ce sont ces émotions qu'il a cherché à exprimer au travers de sa musique qui peu à peu est devenue très populaire. En 1950, Yang Yinliu et Cao Anhe, deux professeurs du Conservatoire central de musique, lui ont rendu visite à Wuxi pour enregistrer sa musique. Abing a joué ce morceau tout en leur expliquant qu'il ne lui n'a pas encore donné de nom. Après une discussion à trois, il fut décidé que cette œuvre s'appellerait Erquan yingyue. Le nom Erquan signifie « deuxième fontaine » et fait référence à la fontaine Huiquan sur la montagne de Wuxi qui est surnommée « deuxième fontaine du monde », où Abing a souvent donné des représentations en public.

Ce morceau est le récit de la vie d'Abing, et la voix douce et triste du erhu exprime des émotions compliquées telles que l'amertume, l'injustice, la colère, la tristesse, le désir. Les auditeurs ne peuvent manquer d'être touchés par une mélodie aussi expressive. Erquan yingyue est populaire dans la musique folklorique, et ce morceau a été réarrangé dans une grande variété de formes, que ce soit en solo de violon, en quatuor à cordes ou en symphonie de musique folklorique.

Yangguan sandie

Yangguan sandie (la musique pour dire adieu) est l'une des compositions les plus populaires de Chine, et cela depuis des millénaires. On dit que ce morceau fut créé sous la dynastie des Tang (618-907), suivant un poème Dis adieu à Yuan Er qui est envoyé à Anxi (Xinjiang), de Wang Wei, un poète célèbre sous les Tang. Malheureusement, ce morceau fut perdu sous les Song (960-1279), mais il a fait une réapparition dans un livre de partitions sous les Ming (1368-1644).

Le morceau décrit la scène d'adieu de Wang Wei et son ami Yuan Er. Elle se produit sous la pluie du matin, mais la pluie s'arrête alors que la terre est gorgée d'eau. Habituellement, cette rue est tellement animée, mais aujourd'hui elle est tranquille et fraîche. Des deux côtés de la rue, les bâtiments ont l'air tout neufs, ils contrastent avec le vert des arbres. Le poète a proposé un verre à son ami, disant qu'une fois sorti par la porte de l'Ouest, celui-ci ne trouverait jamais d'autre ami aussi intime que lui.

Aujourd'hui, on joue ce morceau au guqin ou au guzheng, mais le duo de guqin et de xiao (flûte verticale chinoise) est le plus intéressant. Le guqin et le xiao sont considérés comme une paire parfaite, car la juxtaposition de leurs voix est parfaite pour représenter les émotions qui accompagnent l'adieu au meilleur ami. En 1954, Wang Zhenya a réarrangé ce morceau pour en faire un chant choral. En 1957, Zhou Wenzhong l'a arrangé en solo de piano sous le nom de Liuse xin (les saules verts).

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Source: La Chine au Présent
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