De retour sur sa terre natale
Dorje Tseten sur un chemin de pèlerinage à Lhassa.
Après 40 ans passés loin du Tibet, Dorje Tseten est revenu sur sa terre. Il a découvert une province modernisée où il coule des jours tranquilles.
C'est sur un chemin de prière à Lhassa que j'ai rencontré pour la première fois Dorje Tseten, un Tibétain aux tempes grisonnantes âgé de 84 ans. Il est de grande taille, presque 1,80 m. Malgré quelques difficultés pour marcher, il fait tourner les moulins à prières tous les jours. « Quand je me sens fatigué, je rentre chez moi en bus. Grâce à la carte spéciale pour les personnes âgées, le bus est gratuit », dit-il.
Dorje Tseten est un véritable témoin de l'évolution du Tibet. Il est parti pour l'Inde en 1959, et est revenu au Tibet en 1999. Après 40 ans de vie à l'étranger, il habite maintenant à Lhassa, passant ses vieux jours dans l'aisance.
Avant de quitter sa terre natale, la famille de Dorje Tseten était Trapla (une des couches sociales de l'ancien Tibet, dont la plupart des gens étaient serfs), menant une vie misérable. « L'Armée populaire de Libération (APL) est entrée au Tibet en 1951. J'ai entendu mes parents dire que les soldats étaient très gentils envers les habitants locaux, se rappelle-t-il. Beaucoup de soldats ont sacrifié leur vie lors de la construction des routes au Tibet, tandis que les nobles restaient indifférents, ne leur donnant aucune aide. »
En 1959, une rébellion s'est produite au Tibet. À cause de l'excitation de certains réactionnaires de la classe supérieure, Dorje Tseten a été emmené à l'étranger, avec beaucoup d'autres compatriotes tibétains, qui ignoraient, tout comme lui, la vérité.
Une vie de vagabond hors du pays
« Le désordre s'est tout à coup installé, dit Dorje Tseten, baigné dans le souvenir de la rébellion de 1959. Des rumeurs se propageaient partout, disant que les gens de l'ethnie Han avaient l'intention de massacrer les Tibétains, ainsi beaucoup de gens ont décidé de s'enfuir, y compris moi. Quand on est arrivé à la frontière sino-indienne, on a découvert que les nobles avaient fait des préparatifs abondants, tandis que nous, nous n'avions rien. Confrontés au climat chaud et humide, à une nourriture et à une langue différentes, on a passé des mois très durs dans des camps de réfugiés dans la région montagneuse près de la frontière avec très peu d'aide de la communauté internationale. Les morts et les blessés étaient innombrables… À cette époque-là, je souffrais tous les jours de la faim. J'ai vendu tous mes bijoux pour acheter de quoi manger. »
Dorje Tseten avait alors 29 ans et était en très bonne santé. Il a été recruté par l'Inde pour construire des routes dans une région en haute altitude. Il portait des vêtements usés des soldats indiens, et la nourriture était toujours insuffisante. Après son travail dans les montagnes, Dorje Tseten a été remarqué par un officier. Celui-ci l'a employé comme domestique chez lui. « Au cours des deux premières années, je m'occupais d'accompagner le fils de l'officier sur le chemin entre la maison et l'école. Après que ce dernier soit parti faire ses études en Grande-Bretagne, j'ai travaillé comme charpentier dans un atelier appartenant à leur famille, continue de se rappeler Dorje Tseten. Un an plus tard, en 1965, j'ai été recruté par un établissement éducatif nommé La Maison des enfants tibétains, qui se trouvait à Shimla (en Inde), dans lequel j'ai aussi travaillé comme charpentier. »
Dans les années qui suivirent, Dorje Tseten loua un terrain dans la banlieue de Shimla pour cultiver des pommes de terre, puis il s'est marié. Il ouvrit une petite boutique avec sa femme et travaillait le bois en plus. Durant sa vie à Shimla, il ne cessa de penser fort au Tibet, recueillant précieusement toutes les informations sur sa terre natale.
En 1981, Dorje Tseten reçut une lettre de son oncle maternel, dans laquelle il lui demandait de rendre visite à sa famille en Chine. En effet, son oncle n'avait appris son existence qu'il n'y a deux ans, par un compatriote tibétain qui était revenu au pays. Malheureusement, les formalités à accomplir n'étaient pas simples. Quand il lui fut finalement permis de revenir au Tibet en 1985, son oncle était déjà mort.
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