Xinhua : Certains médias occidentaux accusent le gouvernement chinois de "piller les matières premières" au Tibet. Est-ce la réalité ? Pourriez-vous nous expliquer en détail les liens économiques entre le Tibet et le gouvernement central de Chine ?
Jean-Paul Desimpelaere : Le Tibet est une "région autonome" en Chine. Son économie et ses finances le sont aussi. Toute chose qui est produite au Tibet profite au gouvernement local du Tibet, par exemple, à travers les taxes sur les industries et les commerces. Le gouvernement régional est impliqué dans tous les investissements au Tibet. Ce sont "leurs" sources de revenu. Bien que le budget régional connaisse un déficit énorme, 90 % pour l'instant est comblé par le gouvernement central de Chine. Pourquoi un déficit ? Parce que les paysans et les bergers ne paient pas de taxes du tout et qu'ils représentent plus que 80% de la population. Une deuxième raison, c'est que l'Etat central a décidé de donner beaucoup d'aide au développement du Tibet depuis une vingtaine d'années. Une aide qui se matérialise dans des grands projets d'infrastructure, d'énergie, de télécommunications, d'enseignement, de culture et j'en oublie. A propos des matières premières : A part le chrome, le cuivre et le fer, il y en a peu qui sont exploitées au Tibet. Il y a beaucoup de réserves de minerais, non-exploités jusqu'à maintenant. Mais de toute façon, une exploitation éventuelle dans le futur ne fera que profiter au Tibet, vu le statut d'autonomie régionale. Et en plus : le Tibet, c'est la Chine. Si une région à l'intérieur d'un pays possède des choses que le restant du pays peut utiliser, pourquoi pas ? Devrait-on interdire aux Chinois du Nord de manger du riz, parce que le riz vient du Sud ? Absurde.
Xinhua : Des médias occidentaux parlent aussi du génocide au Tibet, alors quelle est la réalité d'après ce que vous voyez personnellement au Tibet ?
Jean-Paul Desimpelaere : Je ne vois pas où serait le génocide quand une population a triplé en 50 ans. Je sais que c'est une théorie qui circule en Occident : "1,2 million de morts au Tibet". Cette théorie a été répandue par les Tibétains "en exil " depuis les années 1970, avec le dalaï-lama et ses frères en tête. Des chercheurs internationaux et surtout la "pyramide des âges" de la population actuelle au Tibet montrent que c'est une grossière accusation non fondée. Confronté à cela, le dalaï-lama a changé un peu le ton et parle de "génocide culturel" au lieu de "génocide" tout court. Mais même là, je crois qu'il a tort. Ces dix, quinze dernières années il n'y a jamais eu autant d'attention en Chine pour la culture tibétaine. Des recherches, des livres, des films, des fêtes traditionnelles, etc.. Même au point qu'à Beijing et dans d'autre villes en Chine, c'est devenu une "mode bien vue" d'afficher ses liens avec la culture tibétaine. Pareil pour le tourisme intérieur en Chine : nombreux sont les Chinois des autres régions à vouloir découvrir de leurs propres yeux l'héritage culturel du Toit du Monde. Et n'oublions pas les nombreux projets "d'aide au développement" du Tibet, qui viennent d'entreprises ou de villes ailleurs en Chine.
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