Les restrictions des Etats-Unis sur les secteurs maritime, logistique et de la construction navale en Chine pourraient se retourner contre eux

(Photo/Xinhua)

L’enquête dite de « Section 301 » du Représentant américain au commerce et les restrictions connexes sur les secteurs maritime, logistique et de la construction navale en Chine devraient déclencher une réaction en chaîne, qui pourrait aggraver l’inflation aux Etats-Unis et menacer la stabilité fondamentale des chaînes d’approvisionnement mondiales.

Les coûts supplémentaires seront répercutés tout au long de la chaîne d’approvisionnement sur les importateurs et les consommateurs américains. Les frais et restrictions qui en résulteront aggraveront la congestion dans les principaux ports américains, augmentant la pression sur les systèmes logistiques et provoquant des perturbations généralisées. Cet effet domino finira par affaiblir les Etats-Unis et la résilience des chaînes d’approvisionnement mondiales.

L’approvisionnement en biens de consommation sur le marché américain dépend fortement du transport par conteneurs. Si les Etats-Unis imposent des frais portuaires élevés, les compagnies maritimes mondiales augmenteront leurs tarifs de fret. Ces coûts seront inévitablement répercutés sur les importateurs américains, avant d’être reportés sur les consommateurs finaux, ce qui entraînera une hausse généralisée des prix des matières premières et fera peser un fardeau financier accru sur les ménages américains.

Selon une analyse du FMI, les coûts de transport maritime sont un facteur clé de l’inflation mondiale, le doublement du taux de fret provoquant une hausse de 0,7 point de pourcentage de l’inflation. Or, cette décision survient alors que l’inflation aux Etats-Unis connaît d’ores et déjà une tendance à la hausse, l’indice des prix à la consommation (IPC) pour tous les articles ayant augmenté de 2,9 % de décembre 2023 à décembre 2024, indiquent les données du Bureau américain des statistiques du travail. L’ajout de nouveaux frais portuaires risquent donc d’intensifier les pressions et les risques inflationnistes.

Le Conseil Mondial de la Navigation (WSC pour World Shipping Council) prévient que les taxes américaines agissent comme une taxe supplémentaire déguisée, qui augmenterait les prix des biens importés, aggravant l’inflation et nuisant potentiellement au commerce maritime américain, ainsi qu’aux industries et aux emplois dépendant des exportations.

De plus, les restrictions américaines inciteront les compagnies maritimes à réajuster leurs capacités. L’augmentation des frais portuaires obligera les compagnies maritimes américaines à réduire la fréquence de leurs escales ou à quitter le marché, ce qui entraînera une pénurie structurelle de capacité de transport et une hausse des tarifs de fret. Certaines études montrent qu’une réduction de 1 % de la capacité peut entraîner une augmentation de 2 à 5 % des coûts de fret et ces taux accrus seront répercutés in fine sur les importateurs et les consommateurs américains.

D’un autre côté, si les Etats-Unis augmentent les frais portuaires, les compagnies maritimes donneront la priorité aux ports plus grands avec une plus grande capacité de déchargement, afin de réduire les coûts unitaires, entraînant une congestion dans les principales plaques tournantes. Le débit dans les principaux ports comme Los Angeles et Long Beach pourrait augmenter de 30 à 50 %, dépassant la capacité des infrastructures, créant des goulets d’étranglement, réduisant l’efficacité des terminaux et augmentant les temps de séjour des navires, ce qui augmentera considérablement les coûts globaux de la chaîne d’approvisionnement.

Les Etats-Unis s’appuient fortement sur les modèles « Point terrestre commun » (OCP pour Overland Common Point) et « Point intérieur intermodal » (IPI pour Inland Point Intermodal), qui dépendent de connexions fluides et efficaces entre les ports et le transport terrestre. Si les ports se retrouvent paralysés, le cycle de rotation des marchandises et la distance de transport terrestre s’allongeront inévitablement. Pour les biens de faible valeur, tels que les meubles et les produits agricoles, les coûts logistiques pourraient dépasser le seuil de rentabilité.

Le réseau logistique américain est déjà sous tension et s’il subit ce choc supplémentaire, cela entraînera inévitablement des blocages dans les opérations de la chaîne d’approvisionnement et une augmentation des coûts, accroissant considérablement l’incertitude du marché et bouleversant les investissements commerciaux ainsi que l’efficacité opérationnelle globale de la chaîne d’approvisionnement américaine.

La réaction en chaîne négative de la décision américaine continuera de s’amplifier, impactant la sécurité et la stabilité des chaînes d’approvisionnement mondiales. Les perturbations du réseau logistique américain se répercuteront sur les systèmes mondiaux, affaiblissant la résilience et compromettant la sécurité de la chaîne d’approvisionnement.

A moyen et long terme, cette réaction en chaîne négative pourrait continuer à s’amplifier, entraînant des cycles de transport plus longs, augmentant considérablement la volatilité de la chaîne d’approvisionnement et un déclin potentiel de type domino du réseau logistique mondial.

Dans le cadre d’une stratégie à moyen et long terme, les géants mondiaux du transport maritime pourraient établir des « flottes parallèles » à l’échelle mondiale, réajustant ainsi les plans de déploiement des navires sur les routes maritimes mondiales et séparant ainsi la chaîne d’approvisionnement maritime mondiale des réseaux routiers américains. Cette fragmentation de la chaîne d’approvisionnement maritime augmentera la complexité et les coûts de planification, augmentant ainsi le risque de perturbations généralisées.

En fin de compte, les politiques protectionnistes court-termistes des Etats-Unis sont vouées à se retourner contre eux et leur causeront plus de tort que de bien.