Les BRICS offrent de nouvelles options pour l'ordre financier mondial

Par Mohamad Zreik, secrétaire adjoint du Centre d'études sur le Moyen-Orient et chercheur postdoctoral à l'Institut d'études internationales et régionales de l'Université Sun Yat-sen, à Guangzhou.

Avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, le paysage géopolitique et économique est sur le point de subir un changement important, notamment en termes de domination du dollar dans le commerce mondial. L'expansion des BRICS – désormais connus sous le nom de BRICS Plus (ou BRICS+), avec l'inclusion de pays comme l'Égypte, l'Éthiopie, l'Iran, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis – a suscité des inquiétudes à Washington, alors que le groupe cherche à réduire la dépendance de ses États membres au dollar en utilisant les monnaies locales dans les échanges intra-BRICS, pour éventuellement créer une monnaie mondiale alternative.

La menace de la nouvelle administration américaine d'imposer des droits de douane de 100% sur les importations en provenance des États membres des BRICS s'ils poursuivent leur dé-dollarisation est révélatrice de la bataille idéologique qui se profile dans la finance mondiale.

La Chine, puissance économique des BRICS, milite depuis longtemps pour un commerce mondial libre et pratique.

Comme le montre la récente évolution vers l'utilisation des monnaies des États membres des BRICS dans les échanges bilatéraux, les bases d'un système financier alternatif prennent lentement forme. La Nouvelle banque de développement (NBD) des BRICS et la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures (BAII) travaillent déjà à fournir des financements à davantage de pays.

La menace de l'administration Trump d'imposer des droits de douane de 100% sur les biens des membres des BRICS fait partie de sa stratégie visant à promouvoir les intérêts américains et à renforcer la position du dollar comme monnaie de réserve mondiale. Sa stratégie « America first » continue de prôner l'isolationnisme économique et le maintien de l'hégémonie américaine dans le mécanisme de financement mondial. En émettant de telles menaces, Donald Trump vise à dissuader les membres des BRICS de saper la suprématie du dollar. Mais cette approche pourrait s'avérer contre-productive pour les États-Unis à long terme.

Le système financier mondial montre déjà des signes d’abandon progressif du dollar, et la position conflictuelle de l’administration américaine pourrait accélérer ce changement, alors que certains pays comme la Russie et l’Iran ont déjà été exclus du système financier dirigé par les États-Unis en raison des sanctions.

De plus, les tarifs douaniers proposés par le président américain pourraient nuire à la fois aux États-Unis et à d’autres économies, car ils augmenteraient l’inflation et le budget des ménages américains. Les produits des membres des BRICS, tels que l’électronique chinoise, le café brésilien et les minéraux sud-africains, deviendraient plus chers, ce qui aggraverait la fragilité des chaînes d’approvisionnement mondiales. Cela affecterait aussi de manière disproportionnée les familles à faible revenu aux États-Unis, ce qui contredirait la promesse de Donald Trump de « rendre sa grandeur à l’Amérique (Make America Great Again) ».

Bien que les BRICS aient créé des institutions financières alternatives, la volonté d’établir une monnaie unique et unifiée se heurte à des obstacles importants. La disparité économique au sein des BRICS – de l’essor des exportations chinoises, au secteur des services en pleine croissance de l’Inde, et aux industries brésiliennes basées sur les matières premières – fait de la création d’une monnaie unique un défi de taille.

Malgré cela, les membres du groupe partagent un désir commun de réduire leur vulnérabilité aux sanctions américaines et à ses mécanismes de contrôle financier. Cependant, la domination du dollar est profondément ancrée dans l’économie mondiale, et malgré les efforts des BRICS+, il est peu probable que des alternatives rivalisent avec le statut du dollar dans un avenir proche. Bien que les droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international (FMI) ou les systèmes de paiement basés sur la blockchain puissent émerger comme solutions régionales, l’abandon du dollar à l’échelle mondiale sera lent et inégal.

L’approche de la Chine à l’égard des BRICS+ a été pragmatique, cherchant à construire un cadre de coopération plutôt qu’à contrarier l’Occident. Comme le montre sa position diplomatique, la Chine met l’accent sur le développement mutuel et la prospérité par la coopération plutôt que sur la confrontation. Cela contraste avec la position plus combative de la Russie, qui remet en cause l’hégémonie financière occidentale.

Alors que le monde se prépare à la prochaine action agressive de Donald Trump, l’avenir de la finance mondiale sera façonné par l’interaction complexe entre géopolitique et économie. L'inertie du système financier mondial, conjuguée au rôle bien établi du dollar dans le commerce mondial, signifie que toute remise en cause significative de la domination du dollar est encore bien loin.

L'agressivité de l'administration américaine pourrait pousser davantage de pays à chercher des alternatives au dollar, mais elle accentuera également la fragmentation économique mondiale. Au final, les politiques américaines pourraient finir par accélérer la diversification des monnaies commerciales mondiales, et pas nécessairement au bénéfice des États-Unis, mais dans le cadre d'un ordre financier mondial plus fragmenté et moins prévisible.