Les exportations chinoises de puces en hausse malgré les restrictions

L’imposition de multiples sanctions par les Etats-Unis n’a pas été en mesure d’arrêter la croissance rapide de l’industrie chinoise des semi-conducteurs, qui ne cesse d’accroître sa production et ses capacités technologiques.

Les exportations chinoises de circuits intégrés ont atteint 1030 milliards de yuans (136 milliards d’euros) au cours des 11 premiers mois de 2024, soit une augmentation de 20,3 % sur un an, indiquent les données publiées récemment par l’Administration générale des douanes (AGD). La conception de circuits intégrés, qui est à la pointe de l’industrie des semi-conducteurs, a un impact direct sur la fonctionnalité, les performances et le coût des semi-conducteurs. Les exportations de circuits intégrés ne représentaient que 559 milliards de yuans en 2018, lorsque les Etats-Unis ont lancé leur guerre technologique contre la Chine.

Cette hausse des exportations intervient alors que l’administration de Joe Biden a lancé le 23 décembre une enquête commerciale sur les puces électroniques traditionnelles (legacy chips) chinoises, qui pourrait déboucher sur une augmentation des droits de douane ou sur des interdictions d’importation. La Chine a exprimé sa vive opposition à la décision de Washington.

Le mois dernier, le Bureau de l’industrie et de la sécurité du Département du Commerce des Etats-Unis a annoncé un renforcement des restrictions sur les équipements de fabrication de semi-conducteurs et les puces mémoire destinés à la Chine, en ajoutant 140 entreprises chinoises liées aux semi-conducteurs à sa « liste des entités ».

« Alors que les Etats-Unis ne cessent d’intensifier les contrôles à l’exportation de puces et de technologies connexes, les exportations chinoises de circuits intégrés ont continué à augmenter, ce qui indique que les sanctions américaines n’ont pas entravé le développement ni l’expansion de l’industrie chinoise des semi-conducteurs », souligne Xiang Ligang, le directeur général de l’Alliance pour la consommation de l’information, une association de l’industrie des télécommunications.

« Les sanctions imposées par les Etats-Unis au cours de ces dernières années ont permis à la Chine de structurer sa propre chaîne industrielle des semi-conducteurs. Les entreprises chinoises accusent encore un certain retard par rapport à certains des niveaux les plus avancés au monde en matière de fabrication, de conception, d’emballage et d’essais, mais elles ont réalisé des progrès notables dans chacun de ces domaines », fait-il remarquer.

Les experts attribuent en grande partie cette forte croissance à un soutien politique solide et à des orientations gouvernementales claires, qui ont renforcé les bases du développement du secteur.

En mai dernier, la Chine a lancé la troisième phase de son Fonds national d’investissement dans l’industrie des circuits intégrés, également connu sous le nom de « Big Fund », avec un capital enregistré de 344 milliards de yuans. Les premières phases du fonds avaient été établies en 2014 et 2019, avec respectivement 138,7 milliards de yuans et 204,2 milliards de yuans. En 2020, le Conseil des affaires d’Etat a par ailleurs publié des mesures visant à soutenir le développement de haute qualité des industries des circuits intégrés et des logiciels.

M. Zhu, un professionnel de l’industrie des semi-conducteurs, note que le taux de localisation de l’emballage des puces en Chine montre une tendance à la hausse et que le taux de rendement des puces nationales s’améliore également progressivement. « De manière générale, les technologies de processus matures permettent de répondre aux besoins de la plupart des scénarios d’application. Les économies de coûts et la stabilité sont les principales considérations », explique-t-il.

Les processus matures, qui utilisent des nœuds de taille supérieure à 28 nm, conviennent mieux à des secteurs tels que l’automobile et la fabrication, tandis que les procédés avancés sont plus performants, mais plus coûteux et utilisés dans des domaines limités.

Des progrès notables

« La Chine a bien progressé dans la production de puces à processus mature, avec un taux d’autosuffisance plus élevé. Toutefois, des défis subsistent dans la fabrication de nœuds avancés, qui fait l’objet de lourdes restrictions de la part des Etats-Unis. […] Les contrôles à l’exportation ont fortement incité les entreprises chinoises à poursuivre l’innovation de manière indépendante », fait remarquer Liu Liang, un chercheur de l’Institut d’économie appliquée affilié à l’Académie des sciences sociales de Shanghai.

Un exemple notable est l’annonce faite en novembre dernier par Huawei, que sa série Mate 70 comporte 100 % de puces produites dans le pays.

« Les restrictions imposées par les Etats-Unis ne feront que se retourner contre eux-mêmes et leurs alliés, ce qui en fait une mesure perdant-perdant », fait remarquer Xiang Ligang.

Un rapport intitulé « Risques géopolitiques et découplage : preuves des contrôles à l’exportation américains », publié par la Banque fédérale de réserve de New York et révisé en novembre dernier, indique : « Nos estimations suggèrent que les contrôles à l’exportation ont coûté au fournisseur américain moyen 857 millions de dollars en perte de capitalisation boursière, les pertes totales pour l’ensemble des fournisseurs concernés s’élevant à 130 milliards de dollars. »

« Les perturbations de la chaîne d’approvisionnement mondiale, l’intensification de la concurrence internationale et l’accélération des innovations technologiques posent de nouveaux défis, qui ont façonné la résilience et la vitalité de l’industrie chinoise des semi-conducteurs. […] Le développement rapide de nouvelles technologies, telles que la 5G, l’IA et l’Internet des objets, a créé de vastes opportunités et un potentiel de marché considérable pour l’industrie [chinoise] des semi-conducteurs », note Liu Liang.