Les appels au découplage de l’Europe avec la Chine sont « fous et naïfs » (économiste français)

« La coopération entre la Chine et la France, qui s'est avérée bénéfique pour tous, offre le meilleur exemple pour démystifier les appels au découplage et à la “réduction des risques” dans l'Union européenne (UE) », a déclaré Christian de Boissieu, économiste français et professeur d'économie à l’Université Panthéon-Sorbonne, tout en qualifiant ces appels de « fous et naïfs ».

« Il serait insensé pour nous, Européens, de nous découpler d'un pays comme la Chine, qui affiche des taux de croissance plutôt intéressants de son économie et de son commerce de marchandises. La Chine et l'Europe gagnent quelque chose de leur coopération. Essayer de se découpler de la Chine serait la pire solution pour l'Europe, car la Chine reste une locomotive pour la croissance mondiale et nous bénéficions de cette croissance », a indiqué mardi M. Boissieu.

Ces propos ont été recueillis en marge du Forum financier mondial Tsinghua PBCSF 2024 à Hangzhou, dans la province du Zhejiang (est), qui s'est terminé mardi.

Cette année marque le 60e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France. Selon M. Boissieu, la Chine et la France ont établi « des liens étroits, spéciaux et complémentaires », et la France prend l'initiative au sein de l'UE pour que ses membres restent ouverts à une coopération mutuellement bénéfique avec la Chine.

« Dans [les milieux économiques] français, je n'entends pas beaucoup parler du scénario de découplage. Nous mettons en œuvre des mesures [de coopération] qui offrent beaucoup de possibilités aux deux parties. Nous restons également ouverts à une concurrence normale », a souligné M. Boissieu, notant que la France continuerait à acheter des voitures électriques et des batteries chinoises.

Lors de la visite d'État de M. Xi en France au mois de mai, la Chine et la France ont signé 18 accords de coopération entre agences gouvernementales, couvrant des domaines tels que l'aviation, l'agriculture, les échanges entre les peuples, le développement vert et la coopération entre les petites et moyennes entreprises (PME).

Au cours des six dernières décennies, le commerce bilatéral a été multiplié par près de 800 pour atteindre 78,9 milliards de dollars en 2023. La Chine est devenue le plus grand partenaire commercial de la France en dehors de l'UE, et la France est un partenaire commercial majeur de la Chine au sein de l'UE, a rapporté l'agence de presse Xinhua.

M. Boissieu a mis en avant les perspectives encourageantes de la coopération en matière de gouvernance financière entre la Chine et la France.

« Il existe une convergence d'intérêts entre les deux pays concernant le fonctionnement du système monétaire international. Les deux pays estiment que nous vivons dans un monde caractérisé par une asymétrie entre les États-Unis et le reste du monde. Ce serait bien si nous pouvions vivre dans un monde plus équilibré en termes de parts de marché », a-t-il affirmé.

« Le dollar américain occupe la première place en termes de part de marché mondiale, et les États-Unis pourraient donc prendre une initiative protectionniste sans aucune forme d’arbitrage dans le système. Nous devons restaurer la confiance afin de reconstruire le système de manière à ce que les pays soient obligés de suivre les règles du jeu », a-t-il poursuivi.

Il pourrait y avoir une coopération entre la Chine et la France pour mieux équilibrer les systèmes monétaires et financiers internationaux, a-t-il déclaré, tout en suggérant également que les deux pays pourraient approfondir leur coopération dans le développement et l'application des monnaies numériques des banques centrales.