Une nouvelle liste noire américaine menace la chaîne mondiale d’approvisionnement industriel

Les tensions entre la Chine et les Etats-Unis ne se sont pas apaisées et l’administration Trump a récemment renforcé cette situation en publiant une liste des entreprises chinoises ayant des liens présumés avec l’armée. Les officiels et les experts chinois ont critiqué cette mesure du gouvernement américain, la qualifiant de « ridicule » et de « menace grave » à la sécurité de la chaîne mondiale d’approvisionnement industriel.

En réponse, le ministère chinois du Commerce (MOFCOM) a fait savoir mardi dernier, que la Chine s’opposait fermement à cette liste et prendrait les « mesures nécessaires » pour préserver vigoureusement les droits et intérêts légitimes des entreprises chinoises.

« Cette mesure, qui consiste pour les Etats-Unis à déployer leur puissance nationale et faire pression sur les entreprises étrangères — notamment les entreprises chinoises — en utilisant l’excuse de la sécurité nationale, enfreint gravement l’équité de la concurrence et les règles du commerce international, tout en perturbant le commerce et la coopération internes. […] Nous enjoignons les Etats-Unis de mettre un terme à l’unilatéralisme et à ses pratiques hégémoniques, d’accorder aux entreprises étrangères — y compris aux entreprises chinoises — un traitement équitable, ainsi que de maintenir l’ordre normal du commerce international », a annoncé le ministère sur son site.

Selon l’agence d’information Reuters, l’administration Trump a publié lundi une liste des entreprises chinoises ayant des liens présumés avec l’armée, empêchant ces dernières d’acheter un grand nombre de marchandises et de technologies américaines. Cette liste comportait 89 entreprises dans sa version précédente, mais la Commercial Aircraft Corporation of China (COMAC) en a été retirée, portant à 58 le nombre d’entreprises chinoises visées. Les entreprises restantes incluent malgré tout l’Institut de conception et de recherche aéronautique de Shanghai, qui conçoit les avions de la COMAC, et l’entreprise Shanghai Aircraft Manufacturing Company, qui les produit. Sept unités de la société Aviation Industry Corporation of China (AVIC) restent également incluses dans cette liste.

« En comparant cette liste avant et après, il apparaît que les Etats-Unis font face à une grande pression sur les plans à la fois intérieur et international », explique Wang Ya’nan, le rédacteur en chef du magazine Aerospace Knowledge. Selon lui, la COMAC est étroitement liée à la chaîne mondiale d’approvisionnement et son inclusion aurait des répercussions négatives sur les opportunités entre les secteurs de la construction d’avions civils de la Chine et du monde. C’est la raison pour laquelle le gouvernement américain l’a retirée de la liste. En ce qui concerne AVIC, il est « absurde pour les Etats-Unis de définir des sanctions en fonction de soi-disant connexions militaires, car la plupart des entreprises aérospatiales américaines ont des liens étroits avec l’armée », ajoute-t-il.

La Chine fait désormais partie de la chaîne mondiale d’approvisionnement de l’industrie aéronautique et le constructeur américain Boeing a des liens étroits avec ses fournisseurs chinois. Le site internet officiel de Boeing indique que la Chine est impliquée dans la production de tous les modèles Boeing en production, incluant le 737, le 747, le 767, le 777 et le « Dreamliner » 787. Par ailleurs, plus de 10 000 avions Boeing en service utilisent des éléments et des composants fabriqués en Chine. 

Les activités de Boeing en Chine peuvent atteindre le milliard de dollars annuels, comprenant les achats à de nombreux fournisseurs, les revenus des joint-ventures, ainsi que les investissements en recherche et développement. La livraison en septembre 2019 du 1000e empennage vertical du Boeing 787 par la société AVIC SAC Commercial Aircraft est un exemple parmi d’autres illustrant cette situation. AVIC est un sous-traitant important pour les constructeurs internationaux d’avions civils, ainsi qu’un partenaire des entreprises américaines et européennes. Son inclusion dans cette liste risque d’affecter le secteur mondial de la fabrication aéronautique, explique Wang Ya’nan.

Mardi, le ministère chinois des Affaires étrangères a critiqué ces mesures et enjoint les Etats-Unis à cesser immédiatement ces abus, ainsi qu’à accorder un traitement équitable aux entreprises de tous les pays, y compris la Chine. Il a précisé que la Chine prendrait toutes les mesures nécessaires pour sauvegarder les droits et intérêts légitimes des entreprises chinoises.

Cette liste survient après l’ajout vendredi dernier par l’administration Trump de plusieurs dizaines d’entreprises chinoises à une autre liste noire commerciale, incluant le fabricant majeur de semi-conducteurs SMIC et le fabricant de drones DJI.

« Si l’ensemble de la production des avions civils devait être rapatriée aux Etats-Unis, comme l’a demandé l’administration Trump, cela n’entraînerait pas seulement une chute de l’efficacité de la chaîne d’approvisionnement, mais la position des Etats-Unis en tant que leader mondial des technologies fondamentales serait affaiblie », souligne Wang Ya’nan. 

« Les Etats-Unis usent depuis un certain temps de leur puissance nationale et abusent continuellement des mesures de contrôle à l’exportation pour réprimer et contenir des entreprises spécifiques dans d’autres pays. […] La Chine est fortement opposée à cela, car il s’agit d’une entrave grave aux règles du commerce international, ainsi que d’une menace à la sécurité de la chaîne mondiale d’approvisionnement. Cela engendre aussi un préjudice grave au bien-être de la population de tous les pays, y compris des Etats-Unis », a souligné Wang Wenbin, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères.