Les investissements directs étrangers (IDE) en provenance de Chine pourraient être en train de se tourner vers l’initiative de « La Ceinture et la Route », alors que les entreprises chinoises font face à des difficultés croissantes pour entrer sur le marché des Etats-Unis. Des experts chinois et étrangers ont déclaré que cela pourrait apporter des changements significatifs au paysage mondial de l'investissement et profiter aux pays et régions de « La Ceinture et la Route » qui bénéficient d'une notation « investment grade ».

Ces commentaires interviennent alors que les IDE chinois aux Etats-Unis sont tombés en 2018 à leur plus bas niveau depuis sept ans, tandis qu'ils augmentent régulièrement sur les marchés de « La Ceinture et la Route ».

Selon les données du ministère du Commerce, les investissements chinois dans les marchés de « La Ceinture et la Route » ont augmenté en moyenne de 5,2% par an (soit 90 milliards de dollars par an) de 2013 à 2018.

Le Global Times a contacté une douzaine d’entreprises chinoises et de grands leaders industriels dans leurs domaines respectifs pour leur demander ce qu’ils pensaient de cette tendance.

Les représentants des entreprises ont généralement refusé de commenter les projets d'investissement de leurs sociétés aux Etats-Unis, invoquant des préoccupations en matière de divulgation d’informations. Cependant, un grand nombre ont manifesté leur enthousiasme pour continuer sur la lancée débutée par « La Ceinture et la Route », même si bon nombre de ces entreprises ne peuvent être classées comme des entreprises typiques de « La Ceinture et la Route », tels que les géants de l’infrastructure engagés dans des projets à l’étranger avec un crédit de l’Etat.

La Chine organisera du 25 au 27 avril le deuxième Forum de « La Ceinture et la Route » pour la coopération internationale. Six ans après son lancement, l’initiative a été globalement bien accueillie par les pays et régions en développement et les économies émergentes. En outre, ce programme de connectivité mondiale proposé par la Chine a récemment reçu le soutien de grandes économies développées occidentales, telles que l'Italie.

La réponse des entreprises chinoises coïncide avec un rapport publié mardi par le cabinet d'avocats d'affaires Baker McKenzie, selon lequel plus de 80% des 200 répondants de Chine continentale et de Hong Kong considèrent désormais que « La Ceinture et la Route » est extrêmement importante ou fondamentale dans leur stratégie commerciale.

« Dans certains secteurs tels que les infrastructures, les entreprises chinoises pourraient transférer leurs investissements internationaux liés aux infrastructures des Etats-Unis vers les pays partenaires de “La Ceinture et la Route” », a indiqué mardi au Global Times Rajiv Biswas, économiste en chef chargé de la région Asie-Pacifique chez la société d’informations et d’analyses économiques IHS Markit.

M. Biswas a déclaré que le risque d'investir dans de nombreux pays partenaires de « La Ceinture et la Route » pourrait être plus élevé qu'aux Etats-Unis, mais qu'il existe des alternatives « investment grade ». Par exemple, un certain nombre de pays partenaires de l’UE et l’Indonésie sont sur le point d’offrir un environnement d’investissement attrayant à long terme pour des secteurs tels que ceux des infrastructures ou de la fabrication.

Effondrement des investissements aux Etats-Unis

Durement touchés par les troubles qui pèsent sur les relations bilatérales, les IDE chinois aux Etats-Unis ont reculé à 4,8 milliards de dollars en 2018, soit leur niveau le plus bas depuis sept ans, selon un rapport publié en janvier par la société de recherche Rhodium Group, basée à New York.

Chris Dong, analyste de l’industrie et directeur de la recherche au niveau international chez International Data Corp., qui supervise les secteurs de la technologie chinois et américain, a souligné la différence entre les objectifs d'investissement des IDE chinois sur le marché américain et ceux de « La Ceinture et la Route ».

« Ceux sur le marché américain sont axés sur la technologie et les talents, tandis que ceux dans “La Ceinture et la Route” représentent un retour sur investissement et des relations diplomatiques plus étroites », a indiqué M. Dong au Global Times.

Les investissements de la Chine aux Etats-Unis font face à une situation difficile, bien que des investissements passifs plus faciles puissent s’en sortir, les investisseurs chinois perdant de la visibilité sur leurs projets ainsi que leur capacité à élaborer des stratégies et à monétiser, a noté M. Dong.

Le Global Times a constaté certaines divergences dans les activités d’investissement des entreprises chinoises sur les marchés américain et de « La Ceinture et la Route ».

Alibaba a étendu son service de paiement Alipay dans 55 pays et régions du monde, et sa filiale Cainiao Logistics a désormais accès à 250 entrepôts transfrontaliers, selon un communiqué envoyé mardi par l’entreprise au Global Times. Alibaba n'avait annoncé qu'un seul investissement de petite envergure aux Etats-Unis à la mi-2018 en pleines tensions commerciales sino-américaines, et ce malgré la promesse de son cofondateur Jack Ma Yun en 2017 de créer un million d'emplois aux Etats-Unis.

Le groupe public Sinopec n'a révélé aucun détail supplémentaire concernant son contrat de développement d'une installation de gaz naturel liquéfié en Alaska signé en 2017. Cependant, des médias ont rapporté vendredi que la société avait investi 25,1 milliards de dollars dans des pays et régions situés le long de « La Ceinture et la Route » à la fin de 2018.

Impact de cette divergence

Cependant, l’Europe semble profiter de ce déclin. Les investissements chinois devraient être robustes en Europe au premier semestre de 2019, a prévu Rhodium Group.

L'UE, selon ses propres conditions, renforce actuellement son analyse des investissements chinois, en particulier ceux dans les industries clés.

« Les entreprises chinoises qui tentent de renforcer leurs capacités dans les secteurs de haute technologie pourraient de plus en plus se tourner vers d'autres pays de haute technologie pour des investissements stratégiques et des coentreprises dans des domaines de recherche tels que l'intelligence artificielle et la robotique, notamment la Russie », a déclaré M. Biswas.

Certains pays de l'UE, comme l'Italie, sont également mieux placés pour attirer les IDE chinois, a-t-il affirmé.

Les sociétés chinoises ne sont cependant pas toutes en train de liquider leurs portefeuilles américains.

Geely Automobile, entreprise basée dans la province du Zhejiang qui a acquis le constructeur automobile suédois Volvo en 2010, a déclaré dans un communiqué envoyé au Global Times que « “La Ceinture et la Route” s'aligne sur la stratégie d'investissement de Geely à l'étranger », soulignant les résultats obtenus par l’entreprise en Asie du Sud-Est et au Bélarus.

La société poursuit également ses investissements aux Etats-Unis, notant que « tous les marchés sont importants ».

« Si la Chine et les Etats-Unis parviennent à résoudre leurs différends et introduisent des éléments davantage axés sur le marché dans les échanges bilatéraux, les IDE chinois aux Etats-Unis reprendront de la vigueur », a assuré M. Dong.