Xi Jinping au FCR : « Bâtir une famille qui coexiste dans la paix »

Le Forum de la Ceinture et la Route pour la coopération internationale (FCR) a débuté le 14 mai à Beijing. L'allocution inaugurale du président chinois Xi Jinping devant 29 chefs d'Etat et de gouvernement et quelque 1500 représentants de plus de 130 pays et 70 organisations internationales était évidemment très attendue.

Le président chinois a évoqué pour la première fois l'initiative de « La Ceinture et la Route » fin 2013, avec la Ceinture économique de la Route de la Soie lors d'une visite au Kazakhstan en septembre 2013, puis la Route de la Soie maritime du XXI^e siècle en Indonésie un mois plus tard. Après un peu moins de quatre années de développement, l'initiative visant à la construction et à l'interconnexion des infrastructures pour encourager les échanges commerciaux et le développement partagé a suscité des espoirs immenses. C'est maintenant le projet le plus important de notre siècle, sur lequel vont s'arrimer les politiques de développement de plus d'une centaine de pays et d'organisations, et qui redéfinit les modèles économiques et commerciaux mondiaux.

Devant ces enjeux majeurs, le président chinois a tenu dans son allocution à rassurer le monde sur les intentions de la Chine. En de multiples occasions, qu'il s'agisse de visites d'Etat, mais aussi lors du Sommet de l'APEC à Beijing en novembre 2014, au Sommet du Forum sur la coopération sino-africaine en décembre 2015, du Sommet du G20 à Hangzhou en septembre 2016, et très récemment lors de son allocution au Forum économique mondial de Davos en janvier 2017, il s'est en effet fait le champion du multilatéralisme et du libre-échange dans un monde de plus en plus tenté par l'isolationnisme et le protectionnisme. La Chine est depuis plusieurs années consécutives le principal moteur de l'économie mondiale, et le chantier de « La Ceinture et la Route » va permettre de redonner une nouvelle vigueur à la croissance tout en créant une nouvelle dynamique pour les pays en développement.

Certains commentateurs à l'étranger ont cependant fait part de leur inquiétude, voire même de leur suspicion.

Dans son allocution, Xi Jinping a ainsi clairement répondu à ces allégations en réitérant sa vision de développement partagé pour le bénéfice de tous. « Il ne s'agit pas, avec la construction de "La Ceinture et la Route", de faire table rase des acquis et de tout abattre pour recommencer à zéro, mais de parvenir à établir une synergie des stratégies (de développement), à la complémentarité des avantages », a-t-il souligné. Ainsi, la Chine va s'associer aux projets et aux politiques déjà mises en place dans les pays et organisations concernés par cette initiative, que ce soit avec la Russie, le Kazakhstan, la Turquie, la Mongolie, mais aussi l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN). Des projets d'envergure sont aussi en cours au Laos, au Cambodge, au Myanmar et en Hongrie. « En coordonnant leurs stratégies, les parties pourront faire en sorte que 1+ 1 fasse plus de deux ».

Sur le plan géopolitique, la Chine respectera comme elle l'a toujours fait les principes de coexistence pacifique. « La Chine souhaite, sur la base des cinq principes de coexistence pacifique, développer la coopération amicale avec les pays participant à la construction de "La Ceinture et la Route" », a proclamé M. Xi. Pour dissiper tous les doutes, il a affirmé : « La Chine souhaite partager son expérience de développement avec les pays du monde, mais ne va pas s'immiscer dans les affaires intérieures des autres pays.Elle ne va pas exporter un système social ou un modèle de développement, et encore moins les imposer ». L'initiative de « La Ceinture et la Route », selon M. Xi, ce n'est pas le retour de la « vieille rengaine » de la redistribution des cartes sur l'échiquier géopolitique avec son lot d'affrontements, mais un « nouveau modèle de coopération gagnant-gagnant ». A la constitution de « cliques » dont l'objectif est la déstabilisation, il a opposé l'établissement d'une « famille qui coexiste dans la paix ».

Par ailleurs, la Chine a basculé dans une nouvelle étape de développement, et son économie est entrée dans la « nouvelle norme » en mettant l'accent sur l'innovation, la coordination, la protection de l'environnement, l'ouverture et le partage. La mise en place de la réforme structurelle du côté de l'offre et la réalisation du développement durable en Chine vont permettre « d'insuffler une dynamique forte à l'initiative de "La Ceinture et la Route" et d'offrir au développement mondial de nouvelles opportunités ».

M. Xi a rappelé les bienfaits qu'ont apporté les anciennes Routes de la Soie terrestre et maritime pendant plus d'un millénaire, soulignant qu'elles avaient prospéré en temps de paix et décliné en temps de conflits. La stabilité et la paix sont donc deux conditions essentielles pour que le développement se propage dans toutes les strates de la société et que ses fruits soient répartis et partagés de manière équitable. La Chine ne nourrit donc aucune visée hégémonique sur le plan international et ne recherche pas de débouchés exclusifs, mais propose au monde de nouvelles modalités de développement partagé, à l'image de l'antique Route de la Soie. « C'est sur le terreau historique de la Route de la Soie que sont plantées les racines de "La Ceinture et la Route" », a d'ailleurs rappelé M. Xi, appelant son auditoire à ne pas abandonner en cours de route, mais à poursuivre avec détermination ce chantier qui laissera son empreinte dans le XXI^e siècle.

par Jacques Fourrier, journaliste français basé à Beijing