A l'approche de la fête de la
mi-automne, qui tombe fin septembre cette année, les négociants en
vin se lancent tous dans une campagne de promotion. Toutefois, les
consommateurs chinois bénéficient-ils vraiment de cette
concurrence?
"Le marché du vin chinois est le
plus ouvert du monde, mais les Chinois achètent les vins importés à
des prix particulièrement élevés", a jugé Liu Jun, PDG du site
Internet de vente en ligne de spiritueux yesmywine.com, qui compte
actuellement 5 millions d'abonnés.
Paradoxalement, l'Association des
producteurs de spiritueux de Chine a déposé une requête fin août
auprès du ministère du Commerce pour lancer une enquête
anti-dumping contre les exportations de vins en provenance de
l'Union européenne.
Tandis que les prix de gros restent
bas, les prix au détail sont très élevés. Mais quelle est la réelle
marge de bénéfice réalisée sur la vente des vins importés?
Une bouteille de muscat Carte rose
de Beaumes-de-Venise 2010 (vin AOC) est vendue 10,5 euros en
France, tandis que le prix au détail en Chine s'élève à 168 yuans
(21 euros) en ligne et à plus de 300 yuans (environ 40 euros) dans
une boutique.
Quelle est la raison de cet
important écart de prix?
Un douanier du port de Tianjin
(près de Beijing) a expliqué sous couvert d'anonymat que le coût
d'importation (droits de douane, taxe à la consommation et taxe sur
la valeur ajoutée) de bouteilles de vin pour une valeur de 100
yuans était de 48,2 yuans.
Sur le marché chinois, les vins
importés sont principalement vendus par les voies traditionnelles,
à savoir les boutiques, supermarchés, caves et restaurants, bien
que la vente en ligne ait rendu les prix plus transparents et plus
concurrentiels.
En règle générale, trois ou quatre
opérateurs intermédiaires interviennent dans le circuit de
distribution des vins importés en Chine, et le prix du vin augmente
de 30% à chaque étape, a analysé Xu Wei, un sommelier basé à
Shanghai.
Mais aujourd'hui de nombreux
importateurs font leur promotion directement auprès des
consommateurs, ce qui réduit considérablement le circuit de
distribution, indique Chen Gang, spécialiste en marketing d'un
importateur moyen de Shanghai, qui a toutefois avoué que les prix
de vente en Chine étaient au moins 100% plus élevés que dans les
pays exportateurs.
Les prix dans les trois métropoles
chinoises (Beijing, Shanghai et Guangzhou) sont beaucoup plus
raisonnables qu'il y a trois ou quatre ans, grâce à la fois à une
concurrence plus acharnée entre les vignobles dans les pays
exportateurs, entre les importateurs chinois et entre les
producteurs nationaux et étrangers, et à une plus grande
connaissance des consommateurs chinois en matière de vin, a
constaté Xu Wei.
Le nombre de marchands de vin,
toutes catégories confondues, a atteint cette année 30 000 dans le
pays, alors que seuls 2 000 seraient nécessaires pour satisfaire la
demande, a-t-il ajouté.
Mme. Yang travaille depuis dix ans
pour un grand importateur chinois de vins et considère que sa
société souffre de la mauvaise réputation des vins importés, dont
les prix sont considérés beaucoup trop élevés.
Le désordre du marché, de son point
de vue, se traduit par deux phénomènes : la concurrence déloyale de
certaines petites entreprises qui ne respectent pas les règles du
marché et promettent d'accroître la marge de bénéfice des
commerçants au détail, et les prix exorbitants dans les moyennes et
petites villes.
"Alors que nous vendons la même
bouteille de vin rouge à 131 yuans dans tout le pays, une cave à
Dalian (ville portuaire dans la province du Liaoning) se permet de
la vendre à 258 yuans", a-t-elle expliqué.
Loic Hemard, ambassadeur
d'Inter-Rhône en Chine, a confirmé les observations de Mme. Yang.
Lors de ses déplacements dans plusieurs villes moyennes, comme
Qingdao (au Shandong), Xiamen (au Fujian) et Chengdu (au Sichuan),
il a remarqué que de nombreux commerçants locaux ont profité de
l'ignorance des consommateurs en matière de vin et de leur souhait
de suivre la mode pour vendre très chers les vins importés.
En revanche, l'autre question est
de savoir si les consommateurs seraient disposés à acheter une
bouteille de vin AOC à 50 ou 60 yuans.
Yesmywine a lancé l'année dernière
une campagne de promotion. Sur 4 500 différents vins vendus sur son
site Internet, 500 ont été directement achetés aux vignerons, ce
qui a permis de baisser le prix au détail à moins de cent
yuans.
Mais ces petits prix n'ont pas
réussi à séduire les abonnés de yesmywine. "On a dû s'adapter au
système des prix du marché intérieur et utiliser la politique de
réductions des prix pour attirer nos clients", a fait savoir Liu
Jun.
L'idée selon laquelle le vin, comme
le Château Lafite, est "un produit de luxe" est très répandue en
Chine et donne une fausse image des vins importés.
La fluctuation des prix des vins
haut de gamme ne dépend pas des consommateurs ordinaires, a estimé
Xu Wei, ajoutant que la notion de millésime, qui est
particulièrement exagérée en Chine, n'est importante que pour 10%
des vins. "Les grands vins sont millésimés. Par ailleurs, 90% des
vins sont prêts à la consommation lorsque vous les achetez".
Le fait est que le marché chinois
est loin d'être mûr. Toutefois les prix des vins devraient baisser
davantage en raison de l'amélioration des connaissances des
consommateurs chinois et de l'augmentation du volume des
exportations, selon des professionnels.
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