Alors que plus en plus de places introduisent de nouvelles obligations, le règlement en Yuans devrait s'appliquer aux transactions dans les domaines de l'énergie et d'autres marchandises en vrac
La monnaie chinoise a récemment montré une accélération des signes vers son internationalisation, comme le montre le lancement récent par HSBC des premières obligations libellées en Yuans à Londres, la première place d'affaires offshore en Yuans derrière Hong Kong, et un accord signé par la Banque mondiale avec la banque centrale de Chine pour des investissements sur le marché des obligations inter-banques chinois.
Un peu plus tôt, à la fin de février, la Banque Populaire de Chine a annoncé dans un communiqué que les conditions sont fondamentalement prêtes pour que la Chine accélère l'ouverture de ses comptes de capital, une attitude qui montre que la Banque Centrale de Chine est prête pour l'internationalisation du Yuan.
L'internationalisation de la monnaie d'un pays doit s'appuyer sur des fondations de ressources solides. Ce dont le Yuan a vraiment besoin pour accélérer son internationalisation, ce sont ces ressources et la fonction de pricing des produits énergétiques. A l'heure actuelle, le Yuan est encore rarement utilisé pour le règlement des importations et des exportations des différents pays, les transactions de produits en vrac au plan mondial et sur le marché international des capitaux, ce qui montre qu'il a un long chemin à parcourir avant d'arriver au stade de l'internationalisation.
L'internationalisation du Yuan jouera un rôle essentiel pour favoriser la transformation de la Chine d'un géant purement commercial en une puissance à la fois commerciale et financière. Les pratiques passées montrent que, pour devenir une monnaie internationale clé, un pays doit généralement passer par le changement de statut de sa monnaie depuis celui d'une devise de pricing et de règlement à celui d'une monnaie de réserve et d'ancrage, comme l'a montré l'évolution du statut de la Livre anglaise au 19e siècle et du Dollar américain au 20e siècle.
Le commerce mondial actuel de marchandises en gros, du pétrole à l'or et des métaux non ferreux aux produits agricoles est presque entièrement libellé en Dollars US, soit en espèces, soit en contrats à terme ou en marché de produits dérivés, que ce soit en WTI ou en Brent. La création du mécanisme de règlement des échanges en « pétrodollars » a fait que les exportateurs de pétrole se sont en fin de compte avérés incapables de fixer les prix. L'indexation du Dollar sur le pétrole a également offert aux États-Unis un puissant pouvoir de pricing du pétrole, qui a aidé Washington à engranger d'énormes profits nets tirés du commerce international du pétrole.
Le volume des « pétrodollars » qui circulent dans sur le marché international va de 1 400 milliards de Dollars US à 1 800 milliards de Dollars US, selon les statistiques. Cependant, une grande partie de ce montant a été rapatrié sur les marchés américains obligataire et de la dette nationale, comblant les énormes déficits commercial et budgétaire des Etats-Unis et contribuant à rétablir un équilibre entre le déficit de leur compte courant et les excédents de leur compte de capital.
Le rôle d'étalon du Dollar pour le pétrole et le commerce international de l'énergie a également eu d'autres influences significatives sur les effets économiques des pays exportateurs de pétrole en raison de fluctuations de son taux de change. Le taux de change du Yuan a fluctué face à celui du Dollar US, en même temps que les fluctuations du prix du pétrole, ce qui a également fait augmenter de façon considérable le coût des importations de pétrole de la Chine.
Les statistiques montrent que les importations chinoises de pétrole brut ont augmenté de 6 % en 2011, mais ses dépenses ont augmenté de pas moins de 45,3 %, du fait qu'elle n'a guère son mot à dire quant au prix international du pétrole brut et du fait également du renchérissement considérable du Yuan face au Dollar US. Depuis le début de 2012, le Yuan a en effet gagné 5,11 % face au Dollar US.
Au cours de la dernière décennie, la demande de la Chine pour certains produits en gros a connu une augmentation régulière. Selon un récent sondage mené par Greatwall Strategy Consultant, une célèbre société de conseil chinoise, le volume de consommation de la Chine occupe le premier rang mondial pour 19 produits en gros.
Par exemple, sa consommation de minerai de fer, de terres rares et de charbon représente respectivement 68 %, 67 % et 48 % du total mondial. Du fait de leur faible droit de parole dans le processus de fixation des prix, la Chine et d'autres pays asiatiques acquittent un coût plus élevé que les pays américains et européens, ce qu'on appelle l'« Asian Premium ». Si cette situation ne change pas, cela constituera une menace croissante pour la sécurité énergétique de la Chine, car elle dépendra à l'avenir de plus en plus de l'étranger pour ses approvisionnements énergétiques.
Selon un rapport publié par la Société Chinoise de Recherche sur l'Energie publié en décembre 2011, la dépendance énergétique de la Chine envers l'étranger a augmenté de 8,8 % en 2008 à 15 % en 2011. Cette dépendance a augmenté à 60 % pour le pétrole et à 30 % pour le gaz naturel. Les pourcentages ne feront qu'augmenter à l'avenir.
La dépendance sans cesse croissante de la Chine envers l'énergie souligne la nécessité d'établir un système international de fixation des prix de l'énergie en Yuans. Il s'agit d'une étape inévitable pour le renforcement du statut du Yuan dans le commerce international de l'énergie. C'est également une étape cruciale vers l'internationalisation du Yuan.
Comme étape vers cet objectif, la Chine peut négocier avec les nations d'Afrique, du Moyen-Orient et de l'Asie du Sud-Est pour une utilisation accrue de sa monnaie pour le paiement de l'énergie, des minéraux et le commerce des grains. La Chine devrait également encourager l'utilisation du Yuan dans les secteurs de la maîtrise d'ouvrage, de l'exportation de main d'œuvre et l'aide internationale dans l'espoir d'accroître sa réputation internationale.
Les marchés offshore de Hong Kong ou Londres sont loin d'être suffisants pour parvenir à l'internationalisation du yuan. Un espace plus large, comme dans le domaine de l'énergie et d'autres produits en gros, est nécessaire pour faciliter ce processus. Seule une proportion accrue de règlements en Yuans dans le commerce mondial peut maintenir une demande internationale durable pour la monnaie chinoise, qui est un fondement solide pour son internationalisation.
L'auteur est chercheur en économie au Centre d'Information de l'Etat. |