Li Daokui, directeur des études sur l'économie chinoise et mondiale de l'Université Tsinghua et membre du Comité de la politique monétaire de la banque centrale chinoise
L'économie mondiale dans le triangle des Bermudes
La crise de la dette souveraine en Europe a suivi une évolution rapide depuis le mois d'octobre. Plusieurs pays ont subi une dégradation de leur note de crédit par les agences de notation, ainsi que de nombreuses banques commerciales, dont douze institutions financières de Grande-Bretagne telles que la RBS. Les cinq plus grandes banques commerciales françaises ont sollicité un soutien financier gouvernemental, tandis que la banque Dexia, qui fait l'objet d'une restructuration, a vraisemblablement risqué de devenir une copie de Lehman Brothers. Le mouvement d'occupation de Wall Street prend de l'ampleur aux États unis, tandis que l'opinion publique européenne se méfie des conséquences du sixième paquet d'aide de 8 milliards d'euros que les ministres des Finances de la zone d'euro ont décidé de verser à la Grèce.
Selon Li Daokui, directeur des études sur l'économie chinoise et mondiale de l'Université Tsinghua et membre du Comité de la politique monétaire de la banque centrale chinoise, la voie de développement de l'économie chinoise devient incertaine en raison de la crise fiscale ou de la dette souveraine survenue aux États-Unis et dans l'UE, et particulièrement à cause de la crise sociale profonde de l'Occident.
« Pourquoi la crise de la dette souveraine aux États-Unis ? Parce que le Congrès américain ne veut plus élever le plafond de la dette publique, et le gouvernement a dû recourir à la souplesse quantitative sur le plan monétaire. Ceci exercera une forte pression inflationniste sur l'économie chinoise », a indiqué Wang Qing, directeur général de CICC (China International Capital Corporation Limited).
Dans ces circonstances, il est d'importance primordiale pour la Chine d'éviter de devenir une victime de la crise de la dette souveraine occidentale. « Certains pays occidentaux pointent leurs fers de lance sur la Chine, évoquant un jour le taux de change, et un autre problème le lendemain. En comparaison avec l'époque de l'adhésion de la Chine à l'OMC, la situation internationale est aujourd'hui beaucoup plus complexe et sérieuse », a expliqué Li Daokui.
Il est dangereux d'ajuster en un coup la valeur du yuan
Au cours des dernières semaines, la réévaluation du yuan est encore une fois jouée comme un dé politique par certains parlementaires américains, tandis que les opinions sur le problème diffèrent parmi les économistes chinois.
Pour Wang Qing, la pression inflationniste va causer la montée des cours des matières premières en raison de la politique monétaire de souplesse quantitative aux États-Unis, dont l'impact sera certainement pénible pour la Chine. Pour se défendre de ce risque, la réévaluation du yuan pourrait être un outil utile.
Mais pour sa part, Li Daokui pense que l'inflation ne sera pas le problème le plus inquiétant l'année prochaine en Chine. « Selon nos prévisions, la montée de l'indice des prix à la consommation ne va pas dépasser 4,8 % en 2012, d'autant que l'inflation de cette année s'explique à 60 % par la montée du cours des produits agricoles, et à 20 % par celle de porc, et que ces facteurs vont s'apaiser en 2012 ». Pour lui, si on laisse le yuan s'ajuster en un coup, on court un haut risque de dépréciation qui serait plus dangereux que celui de la réévaluation.
M. Li a réitéré qu'il fallait montrer plus de patience au sujet de l'internationalisation du yuan, notamment dans les circonstances actuelles très compliquées. « Il suffit pour la Chine de bien mener ses propres affaires, et l'internationalisation du yuan se fera naturellement. Il est inutile d'être trop pressé », a-t-il conclu. |