Klaus Regling, le directeur du Fonds européen de stabilité financière (FESF), se trouvait vendredi le 28 octobre à Beijing pour discuter des éventuels investissements chinois dans le cadre de l'élargissement de la capacité du FESF.
A l'issue du dernier sommet européen qui a finalement accouché d'un plan anti-crise pour stabiliser l'économie européenne, les initiatives politiques se multiplient pour persuader la Chine d'investir davantage en Europe.
Malheureusement, cette demande d'aide a suscité des critiques en France, et même au niveau européen. Le président du MoDem, François Bayrou, a estimé que le recours à la Chine pour soutenir le FESF provoquerait une "perte d'indépendance de l'Europe". Et selon François Hollande, candidat socialiste à la présidentielle française, le plan de sauvetage est basé sur une "double dépendance à l'Allemagne et à la Chine".
C'est un point de vue qui révèle toute la méfiance de ces responsables politiques vis-à-vis de la Chine,et une attitude que la Chine ne peut accepter. Le mot "Chine" s'est considérablement politisé ces derniers temps, mais de tels jeux politiques sont vains et ne permettront pas à l'Europe de guérir de ses maux.
La Chine s'est engagée à faire fructifier une coopération mutuellement bénéfique avec l'Europe, mais si "le système à l'agonie" - expression inventée par Marine Le Pen - refuse une telle coopération, la Chine pourrait décider d'assurer la sécurité de ses capitaux en investissant dans d'autres marchés mondiaux, qui offrent une meilleure rentabilité que celle du marché de la dette européen. A la veille de la présidentielle, critiquer la Chine devient pour certains responsables politiques une façon pratique et efficace d'accroître leur popularité, mais si la coopération sino-européenne vient à être perturbée, ce sont les populations en Europe qui seront les perdantes.
La Chine a affiché à maintes reprises sa bonne volonté envers le vieux continent et son désir d'aider à assurer la survie de la zone euro, mais elle ne pourra venir en aide à l'Europe que dans un climat de confiance. Elle ne pourra s'engager plus avant si des critiques injustifiées viennent envenimer les relations.
"Si les Chinois, qui ont 60% des réserves mondiales, décident de les investir dans l'euro plutôt que dans le dollar, pourquoi refuser ?", a déclaré jeudi soir à la télévision le président français Nicolas Sarkozy, avant d'assurer : "Notre indépendance ne sera en rien remise en cause". Plus tôt dans la journée, il s'était entretenu au téléphone avec le président chinois Hu Jintao.
Allant dans le même sens que M. Sarkozy, Klaus Regling a loué à Beijing que la Chine avait été un "bon et loyal acheteur" des obligations du FESF.
Mais à l'heure actuelle, tout investissement en Europe représente un risque élevé pour la Chine, les créanciers privés ayant déjà subi une perte à hauteur de 50% dans leurs investissements sur la dette publique de la Grèce.
La Chine ne cache pas son intérêt à voir une Europe stable et prospère. Dans cette ère de mondialisation, le développement de la Chine et celui de l'Europe sont étroitement liés, c'est pourquoi c'est de bon coeur que la Chine souhaite venir à la rescousse de l'Europe. Mais de leur côté, les pays européens doivent également "savoir faire profiter aux autres tout en tirant profit eux-mêmes". L'esprit "gagnant-gagnant" devrait être la base de la coopération entre la Chine et l'Europe.
Actuellement, la crise de la dette européenne n'est plus un problème simplement européen, elle ne peut être réglée qu'au niveau mondial, et requiert en particulier une bonne coopération entre les principales économies du monde. Le G20 et le FMI peuvent servir de plateformes efficaces pour résoudre la crise de la dette européenne.
Selon le plan anti-crise, le FESF, doté actuellement de 440 milliards d'euros, devrait élargir sa capacité de prêt à environ 1 000 milliards d'euros. Et il est probable que la Chine, à la demande des pays européens, achètera des obligations du FESF.
La Chine veut aider l'Europe de son mieux, c'est clair, mais elle ne pourra résoudre à elle seule le problème des pays européens surendettés, un problème dont elle n'est pas responsable. Elle ne peut prendre seule des risques en investissant inconsidérément pour tenter de régler la situation. L'aide internationale, notamment celle des pays du groupe des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), devrait faire l'objet de discussions au sommet du G20 qui aura lieu la semaine prochaine en France. En outre, le FMI devrait également jouer un rôle constructif pour aider les pays européens à surmonter leurs difficultés financières.
Relancer l'économie européenne est nécessaire pour résoudre la crise de la dette de l'Europe. Et pour atteindre cet objectif, il est souhaitable que les différents pays du monde, notamment la Chine et l'Europe, ouvrent davantage leurs marchés pour faciliter la circulation des marchandises, des capitaux, des technologies et des travailleurs. Reconnaître le statut d'économie de marché de la Chine pourrait être un bon pas en avant pour l'Europe. |