Le Conseil européen des relations étrangères, (en anglais : European Council on Foreign Relations) (ECFR) a publié récemment un rapport sur le développement de l'investissement en Europe des entreprises chinoises. Ce rapport, qui porte un titre qui frappe l'œil – « Disputer l'Europe », indique que la Chine est en train d' « acquérir» l'Europe en commençant par acheter les obligations émises par des pays européens, puis en investissant dans les affaires d'entreprises européennes et enfin en s'intéressant de plus en plus aux marchés d'achat public qui s'ouvrent chaque jour davantage en Europe. Par contre, l'Europe qui souffre énormément de la crise des dettes réserve un bon accueil aux investissements venant de la Chine.
Est-il vrai que la Chine est en train de « disputer » et d' « acheter » l'Europe » ? Les investissements des entreprises chinoises qu'apportent-ils à l'Europe ? Et quelles expériences et quelles leçons en tire-t-elle ? Pour avoir des réponses sur tout cela, notre correspondant a interviewé des chefs d'entreprises intéressées et certains spécialistes en la matière.
Ouvrir « un chemin à double voie » favorable au développement et au commerce entre la Chine et l'Europe
Selon les statistiques établies par le Ministère chinois du Commerce, le montant des investissements directs à l'étranger des entreprises chinoises a atteint 68,8 milliards de dollars américains en 2010. Tandis que les entreprises à capitaux chinois ont fourni 780.000 postes d'emploi aux pays où elles se sont implantées et elles ont versé impôts et taxes dont le montant s'élève à 11,7 milliards de dollars US. L'année dernière, les entreprises chinoises ont investi quelques 6,8 milliards de dollars US en Europe, soit une augmentation de 102% par rapport à la même période de l'année précédente, et représentant 10% du montant global des investissements de la Chine à l'extérieur.
Il a été toujours considéré que l'Europe était la « côte faible » de l'investissement extérieur des entreprises chinoises. Toutefois, cette situation commence à changer et l'investissement chinois présente actuellement un état d' «éruption ». Il est dit dans le rapport de l'ECFR que dans le volume global de l'investissement et du commerce de la Chine en Europe, 30% sont concentrés dans des pays de l'Europe méridionale, dont le Portugal, l'Italie, la Grèce et l'Espagne, et 10% seulement en Europe du Centre et de l'Est.
Lors d'une interview qu'il a bien voulu accordé à notre correspondant, Ricardo Melendez-Ortiz, Président de l'International Centre for Trade and Sustainable Development (ICTSD), a indiqué que les investissements de la Chine en Europe se sont accrus considérablement ces derniers temps et voici les principales raisons de cette croissance : Premièrement, c'est le renforcement de la puissance personnelle des entreprises chinoises qui sont dotées maintenant de la capacité d'aller « au-delà des frontières du pays », alors que le gouvernement chinois joue un rôle constructif de guide dans cela ; Deuxièmement, c'est la situation actuelle dans laquelle l'Europe s'embourbe dans la cirse des dettes et que le développement économique de certains pays européens rencontre dans de grandes difficultés, ce qui fait chuter le coût de l'investissement, tandis que ces pays ressentent vivement les besoins de capitaux venus de l'extérieur ; Troisièmement, c'est que la coopération bilatérale entre la Chine et l'Europe repose sur une base bonne et solide et qu'elle satisfait aux conditions requises pour son approfondissement.
Les investissements de la Chine donne une impulsion au marché obligataire européen qui se sent encouragé
Il est indiqué dans le rapport de l'ECFR que les acquisitions par la Chine des obligations émises par des pays européens encouragent énormément le marché obligataire européen qui se trouvait alors dans une situation d »e stagnation et de morosité.
He Yafei, Représentant du Bureau à Genève de l'ONU et Ambassadeur de la Chine en Suisse et auprès des autres organisations internationales, a assisté dernièrement à un forum sur les investissements extérieurs des entreprises chinoises et il a déclaré : « La venue en Europe des entreprises chinoises a pour but non seulement d'y investir, en plus et surtout, c'est pour montrer la confiance et le ferme soutien de la Chine envers l'économie et l'intégration européennes. »
Vanderbilt Owen, Directeur du Département des relations internationales de la Chambre du Commerce européenne, a indiqué à notre correspondant qu'en ce qui concerne la « sortie du pays », que ce soit pour les entreprises chinoises ou pour les entreprises européennes, elles éprouvent chacune le sentiment en même temps d'excitation et d'inquiétude. Les entreprises européennes désirent gagner de l'argent en Chine et leurs collègues chinoises éprouvent le même désir en allant en Europe. Pour que leur souhait puisse se réaliser, il est important d'entamer un réel « dialogue », afin qu'une confiance mutuelle puisse être établie à travers la communication.
Le protectionnisme commercial est préjudiciable pour les uns comme pour les autres
C'est en procédant par « tâtonnements » que les entreprises chinoises investissent en Europe et il y a eu pas mal de cas d'échec. Certaines d'elles ont directement « acheté » une entreprise européenne, alors qu'elles n'ont pas compris que l' «acquisition » ne signifie aucunement l'internationalisation. Ce n'est qu'en accordant la plus grande importance à l'amélioration de la capacité du personnel et à rehausser sa qualité que l'on pourra jeter alors une base solide permettant par la suite de « labourer profondément » les marchés européens.
« En investissant en Europe, les entreprises chinoises ont pour buts principaux d'exploiter des possibilités d'accès aux marchés européens, d'établir des marques internationales ainsi que d'obtenir ensuite des expériences bonnes et utiles et surtout de former un personnel gestionnaire doté d'idées avancées. Cependant, dans tout cela, il est nécessaire de prêter une attention soutenue aux problèmes suivants, tels que l'établissement de la communication et de la confiance mutuelle au sein des entreprises implantées à l'étranger, la mise en pratique d'idées de gestion avancées, la consolidation et la stabilisation de la production et du marché, ainsi que le maintien de la stabilité relative du personnel gestionnaire. », a déclaré Ho Saaf, Président de l'Association économique entre la Suisse et la Chine, installée à Genève.
Le rapport de l'ECFR indique en outre qu'il est inutile d'adresser des reproches à la Chine en l'accusant de profiter et de saisir des « occasions » pour accroître son influence économique en Europe. De même, il n'est aucunement profitable à l'Europe que de recourir au protectionnisme commercial. Au contraire, les pays membres de l'Union européenne doivent renforcer leur coopération afin de pouvoir défendre leurs intérêts communs. Ainsi, il leur est nécessaire de créer et d'établir un environnement parfait et ordonné favorable à la concurrence entre les entreprises européennes et chinoises.
Notre correspondant a appris qu'en investissant en Europe le plus grand problème que rencontrent les entreprises chinoises c'est que la partie européenne dresse toutes sortes d'obstacles devant la partie chinoise, tels que difficultés dans la délivrance de visas, interdiction d'emploi pour la main-d'œuvre chinoise... Nombreux sont les chefs d'entreprises chinoises qui pensent que tout cela traduit le protectionnisme commercial en Europe.
Ricardo Melendez-Ortiz a déclaré à notre correspondant qu'effectivement l'Europe éprouve actuellement des inquiétudes au sujet des investissements chinois. Mais, selon lui, dans notre monde d'aujourd'hui caractérisé par la mondialisation, aucune entité économique fermée ne serait capable de se développer toute seule. Sa seule issue c'est d'apprendre à jouir avec les autres des fruits du développement économique mondial. |