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La volonté de l'Etat du Sénégal d'
interdire totalement la mendicité des enfants dans les rues
divisent les acteurs de ce secteur (maîtres coraniques, religieux
et ONG).
La décision avait été prise par les
autorités, à la suite de la mort de neuf enfants d'une école
coranique dans un incendie qui s' était déclaré dans une chambre où
ils dormaient à cinquante à la Médina, un quartier populaire de
Dakar.
Surfant sur la vague d'émotion
provoquée par ce drame, le gouvernement s'est attaqué au phénomène
récurent de la mendicité des talibés (élèves des écoles
coraniques).
"L'ensemble de la population
sénégalaise doit se battre contre cette mendicité des enfants", a
invité le Premier ministre Abdoul Mbaye au sortir d'une réunion sur
le sujet.
Suffisant pour susciter le débat
dans un pays dont la majorité de la population est musulmane et où
les parents envoient leurs enfants dans les daaras (écoles et
parfois internats coraniques) pour leur assurer une éducation
religieuse. Pour l'association des Imams du Sénégal, "le maître
coranique doit instruire l'enfant et l'éduquer, comme le lui
recommande la charria (loi islamique), et non en faire un fond de
commerce".
Seulement, ajoute son porte-parole,
Oumar Diène, au cours d'une conférence de presse "l'Etat doit,
avant toute mesure, consulter et informer les associations
islamiques, les maîtres coraniques et autres chefs religieux du
Sénégal" avant de prendre une décision à ce sujet.
Les Imams invitent également les
autorités de veiller à l' ouverture d'écoles coraniques à Dakar,
avec subventions et sécurisation. Quant aux maîtres coraniques
ressortissants de Kolda (sud du pays), ils se disent victimes de la
stigmatisation de la part de l'Etat.
"On nous accuse d'exploitation des
enfants en récoltant des millions. Ce qui est faux et frustrant",
dénonce Tidiane Baldé, chargé des affaires économiques et sociales
de l'association des Oulémas du Fouladou (région de Kolda).
A l'instar de ces oulémas, Sidy
Lamine Niasse, arabisant et président du groupe de presse
Walfadjri, dénonce l'interdiction de la mendicité des enfants.
D'après Niasse le gouvernement agit sous la contrainte de lobbies
étrangers alors qu'il (gouvernement) "est le plus grand
mendiant".
Une position que Serigne Lamine
Sall, marabout et Imam à Louga, ne partage pas. Selon lui "aucun
marabout ne doit défendre la mendicité (car) celle-ci va à
l'encontre des principes religieux".
Mieux, Sall indique que "la
mendicité ne présente pas une bonne image de l'islam. Et le
prophète l'a toujours combattue".
Pour l'instant les deux confréries
les plus importantes du Sénégal (Mouride et Tidiane) ne se sont pas
encore prononcées, officiellement, sur la question.
Quant au comité intersyndical de
lutte contre les pires formes de travail des enfants, il invite les
autorités à ne pas fléchir dans leur volonté d'éradiquer à jamais
le phénomène de la mendicité des enfants.
Pour le président de ce comité,
Cheikh Fall, "la mendicité infantile est sans conteste une des
pires formes de travail des enfants. Car les conditions dans
lesquelles cette mendicité s' exerce nuisent à la santé, à la
sécurité et à la moralité de l' enfant".
Dans un rapport sur la situation
des enfants au Sénégal, présenté mardi dernier par l'Unité de
coordination et de suivi de la politique économique, "un enfant sur
cinq âgé de 10 à 14 ans ne vit avec aucun parent biologique .
La majorité d'entre eux sont
confiés à une famille d'accueil ou à un maître coranique. Et, "au
moins 50.000 enfants sont talibés. Et certains marabouts, sous
prétexte d'éducation religieuse, mettent les enfants en situation
d'exploitation économique, d'abus et de négligence", déplore le
rapport.
Comme mesure d'accompagnement à
l'interdiction de la mendicité des enfants, le ministre de
l'Education nationale annonce la mise sur pied d'un programme de
construction de 64 daaras (écoles coraniques pour un coût de 8
milliards de francs CFA avec l'appui de la Banque islamique de
développement. Fin
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