Accueil Actualité
Editions spéciales
Photos-Vidéos
Services
Vous
D'autres horizons
[Favoris] [Imprimer] [Envoyer] [Commenter] [Corriger] [Caractère:A A A]
Cameroun : adoration des crânes humains à l'Ouest, un rite pour maintenir les liens avec les morts (REPORTAGE)

Une coutume ancestrale perpétuée avec rigueur de génération en génération, l'adoration des crânes humains influence le vécu des peuples de l'Ouest du Cameroun qui voient dans cette croyance un lien sacré avec les morts, lesquels sont souvent invoqués au travers des rites précis pour assurer protection et bénédiction à leur descendance.

A quelques encablures de Dschang, ville située à 46 km de Bafoussam, la principale ville de l'Ouest, et à 332 km de Yaoundé, Famlitagli est une localité sans attraction évidente mais qui, pour les amateurs d'anthropologie ou de culture au sens large du terme, devient intéressante pour ses traditions dont, à l'image de l'ensemble de sa région, le respect est érigé en norme pour chacun de ses ressortissants.

Sous la véranda de son domicile, la famille de feu Victor Asonfack conserve avec soin dans un caveau sommaire et atypique un lot de crânes humains et de boules de terre pétrie représentant selon ses dires, les ancêtres et d'autres membres de la lignée décédés.

« Les crânes qu'on a là renvoient à notre arrière-grand-père, à notre arrière-grand-mère, à notre grand-père, à notre mère et au successeur décédé en 2003 », a raconté à Xinhua Jean-Claude Zanfack, frère aîné d'Asonfack.

Généralement, c'est quelques années après leur inhumation que les crânes des défunts sont récupérés et conservés, dans certains cas dans une pièce tenue à l'abri des regards du public, pour se voir attribuer par la suite le rôle d'anges gardiens protecteurs.

En l'absence de crânes, ce sont des boules de terre ou des cailloux qui sont utilisés pour entretenir le lien entre les vivants et leurs proches de l'au-delà. « Parfois, les chiens viennent ramasser les crânes. Il faut les remplacer », explique Zanfack, parti de Bafoussam où il travaille pour venir assister à une cérémonie d'offrande aux ancêtres organisée à la demande d'une nièce.

Avec pour chef d'orchestre « maman » Anastasie Dongmo, une veille femme, doyenne de la famille dont l'âge est estimé à 102 ans, mais bien en jambes, marchant à peine avec une canne, la cérémonie prend les allures d'un rite revêtu d'un caractère sacré et initiatique. « Ce n'est pas donné à n'importe qui d'exécuter cerite », éclaire Jean-Claude Zanfack.

Sur un récital d'incantations par lesquelles elle invoque « les esprits de la famille pour leur soumettre les doléances des vivants », la prêtresse, garante des traditions désignée, dépose autour des crânes et des représentations un menu alimentaire constitué de l'huile de palme, du sel, des pistaches, de la sauce de taro, de la viande, etc.

En un mot, c'est une offrande où l'on retrouve « tout ce qu'on peut manger », résume Zanfack. Aux participants à cette cérémonie ponctuée de chants populaires interprétés par une association féminine du village, des arachides sont distribués. Le rituel dure quelques minutes, il se répartit en deux séquences dont la seconde, identique à la précédente, va se transporter vers un autre site : une petite case aux pieds d'un « arbre sacré » dans un champ derrière le domicile familial des Asonfack.

« Chaque village a son arbre sacré », informe Zanfack. Mais au lieu d'un seul, c'est plutôt autour de deux arbres que cette famille adresse, après les crânes, ses doléances à ses « esprits ».

A vue d'oeil pour le profane et l'étranger à la communauté, le rite exécuté ne recouvre aucun mystère, en dehors de celui suscité par la communication de la prêtresse en direction des ancêtres qui, à en croire les témoignages, se manifestent à leur tour par des messages transmis par le biais des rêves à leur interlocuteur, ou interlocutrice pour le cas d'espèce.

D'après les apparences, rien à voir avec une séance de vaudou par exemple, ou de magie dont les Bamiléké, peuple de l'Ouest- Cameroun, sont généralement accusés et que les autres populations camerounaises redoutent à cause de ce type de croyances, soupçonnées dans certains cas, à tort ou à raison, de pouvoirs maléfiques et ésotériques.

Ainsi, une certaine opinion répandue soutient que des personnes socialement influentes ou en quête de l'être ont recours à cette pratique pour asseoir leur puissance et leur autorité.

« Nous avons une journée par an, le deuxième samedi du mois d' août, où toute la famille se rassemble, du matin au soir. Parfois avec la participation de membres de la famille vivant à l'étranger», renseigne en tout cas Jean-Claude Zanfack.

Cette tradition, qui sert aussi à exorciser les mauvais sorts et démons ou à purifier une communauté de la souillure, est établie dans d'autres régions camerounaises, mais sans l'adoration des crânes. Le rite pour celles-ci se déroule sur les tombes des défunts.

A 97 ans, Mathias Kassé, notable d'Atchoulitagli, village voisin de celui de Famlitagli, prend son rôle de gardien du temple très au sérieux. Le vénérable vieillard se dit convaincu que les « esprits » des aïeux conservés dans une pièce interdite d'accès aux regards inquisiteurs, veillent sur sa descendance, quels que soient les lieux de résidence.

Il s'agit là d'une conviction qui démontre avec force que l' adoration des crânes humains représente un enjeu culturel important qui ne court aucun risque d'extinction et qu'aucune religion n'arrive à faire éliminer dans son terreau consacré de l' Ouest-Cameroun. F

Agence de presse Xinhua     2013/02/26

[Favoris] [Imprimer] [Envoyer] [Commenter] [Corriger] [Caractère:A A A]
Liens connexes
Les dernières réactions            Nombre total de réactions: 0
Sans commentaire.
Voir les commentaires
Votre commentaire
Pseudonyme   Anonyme

Retournez en haut de la page