Le président camerounais Paul Biya,
dans son discours à la nation le 31 décembre, n'a pas fixé un
calendrier précis des élections sénatoriales, législatives et
municipales prévues depuis l'année dernière et rendues
hypothétiques en 2013 en raison notamment de l'absence d'un fichier
électoral, suscitant ainsi une vive protestation de
l'opposition.
Paul Biya n'a pas fait d'annonce au
sujet des élections législatives et municipales, en vue du
renouvellement des mandats des 180 députés et 10 636 conseillers
municipaux, échus depuis juillet 2012.
Pour rester en fonction, les
mandats des députés ont déjà été prorogés à deux reprises, d'abord
par une première loi adoptée par l'Assemblée nationale le 19 avril
pour une durée de 6 mois et une autre loi du 21 décembre pour une
durée de 3 mois qui expire le 21 mai.
Dans la même optique, le président
de la République a pris un décret prorogeant les mandats des
conseillers municipaux pour une période d'un an qui s'achève le 30
juillet 2013. Le Code électoral lui donne le pouvoir de décider
d'une dernière prorogation de 6 mois.
Dans la même adresse aux
Camerounais, le président de la République s'est contenté, sans
pour autant fixer une date, d'annoncer pour 2013 l'organisation des
sénatoriales, qui se préparent depuis 2009 en vue de la mise en
place du Senat prévu par la Constitution du 18 janvier 1996.
LES ATTENTES DE LA CLASSE POLITIQUE
CONTRATRIEES
"Le gouvernement doit rendre
publique la date des élections d'ici la fin du mois de février
2013, s'il est vraiment animé par le souci de transparence, et ce
afin (...) de préserver l'égalité de chance entre les partis", a
souhaité Maurice KAMTO, président du Mouvement pour la renaissance
du Cameroun (MRC), un parti d'opposition, dans son message de vœux
aux Camerounais.
Or, rappelle Parfait Siki,
journaliste politique camerounais, depuis les premières élections
multipartistes organisées en 1992, Paul Biya n'a jamais annoncé de
calendrier électoral précis longtemps à l'avance.
"Cette attitude du président
s'nscrit dans une perspective de gestion opaque de l'agenda
électoral. Une ruse politique qu'il affectionne visant à leurrer
ses adversaires sur les échéances pour finalement les surprendre",
a expliqué Mathias Eric Owona Nguini, politologue et enseignant à
l'université de Yaoundé II-Soa, à Xinhua.
Et c'est ce que redoute justement
l'opposition, qui soupçonne Paul Biya de vouloir tricher.
"La tenue probable de l'élection
des sénateurs avant les élections municipales et régionales serait
une manœuvre politique inacceptable, qui reviendrait à assurer au
RDPC une majorité écrasante", a souligné Maurice Kamto, ancien
ministre délégué à la Justice, dans un communiqué remis à la
presse.
En effet, le corps électoral des
sénatoriales n'est constitué, en attendant la mise en place des
conseils régionaux, que des conseillers municipaux. Or, au terme
des élections de 2007, le RDPC, parti au pouvoir, a remporté
l'écrasante majorité des 10 636 conseillers.
Même s'il reconnait à Paul Biya la
volonté de rester unique maître du calendrier électoral, Hilaire
Kamga, expert camerounais en questions électorales et porte-parole
de la plateforme de la société civile pour la démocratie, soutient
que le président de la République a annoncé l'élection qui lui pose
le moins de problèmes.
"Paul Biya a eu raison de ne pas
annoncer un calendrier plus complet alors que le fichier électoral
n'est pas encore disponible", a indiqué à Xinhua Hilaire Kamga, qui
est par ailleurs membre élu du comité directeur de l'ONG Nouveaux
droits de l'homme France.
Cette observation est confortée par
l'annonce à Cameroon tribune (quotidien gouvernemental) par Mohaman
Sani Tanimou, directeur général des élections d'Elections Cameroon
(Elecam) en charge de l'organisation des élections, de mettre le
fichier électoral à disposition en avril.
LES INSCRIPTIONS ELECTORALES
TRAINENT
Et encore, aucun s'inquiète que
Elecam ne réussisse jusqu'en fin mars, date butoir que cet organe
s'est imposé pour boucler les inscriptions, à atteindre l'objectif
visé de 7 008 704 électeurs inscrits.
"A la date du 12 janvier 2013, nous
avons inscrit 2 811 921 électeurs", a reconnu Mohaman Sani Tanimou,
trois mois après le lancement de la refonte biométrique des listes
électorales prescrite par Paul Biya, en raison du refus de la
classe politique d'aller à une nouvelle élection avec le fichier
électoral de 2011, décrié pour ses tares.
Pour booster les inscriptions,
plusieurs mesures ont été prises : gratuité de délivrance de la
carte nationale d'identité indispensable pour toute inscription,
mobilisation générale de tous les acteurs politiques y compris de
l'administration publique, diffusion des spots publicitaires
destinés à sensibiliser les Camerounais, etc.
Ces stratégies ne dissipent pas
pour autant les inquiétudes tant du pouvoir que de l'opposition
quant à la capacité d'Elecam à inscrire 7 millions d'électeurs avec
seulement 1200 kits électoraux qui, non seulement s'avèrent
insuffisants, mais de surcroit connaissent des problèmes de
maintenance.
"Elecam ne dispose pas d'assez de
moyens pour atteindre tous les Camerounais en âge de voter. Les
kits sont très insuffisants pour couvrir l'ensemble du territoire
national. Dire que 50 % des 7 millions d' électeurs attendus seront
inscrits d' ici le 28 février est difficile", a corroboré Sali
Dairou, député et membre du bureau politique du RDPC, à Cameroon
tribune.
Pour pallier une éventuelle
défaillance d'Elecam, " l'on envisage d'obtenir un consensus de la
classe politique autour d'une prorogation des mandats des élus pour
une période allant jusqu'à deux ans afin d'avoir un fichier accepté
de tous", a confié une source gouvernementale à Xinhua.
Selon Hilaire Kamga, "cette
proposition est pertinente, car l'action d'Elecam est aussi
handicapée par la désaffection des Camerounais pour les élections.
Cette période peut donc être mise à profit pour mobiliser acteurs
politiques, société civile et médias afin de mieux sensibiliser les
populations".
Si cette proposition n'emporte pas
l'adhésion, a ajouté la source gouvernementale, les élections
seront organisées avec le fichier mis à disposition par Elecam à la
date prévue. Surtout qu' au Cameroun, le système électoral ne fixe
pas un minimum électoral requis.
"Même avec un million d' électeurs,
les élections seront juridiquement valables mais pas légitimes",
précise Hilaire Kamga. Fin
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