Le revirement diplomatique engagé par la Russie sur la crise libyenne, lors du dernier sommet du G8, a été fraîchement accueilli par le gouvernement libyen, mais il a suscité l'enthousiasme de l'opposition.
La Russie, jadis opposée aux frappes aériennes de l'OTAN contre les forces du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, a étonnamment durci sa position lors du sommet du G8, qui s'est tenu les 26 et 27 mai dans la station balnéaire française de Deauville.
Vendredi, le président russe Dmitri Medvedev a déclaré que le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi n'avait plus le droit de diriger le pays et que la Russie ne lui offrirait pas de refuge.
"La communauté internationale ne le (Kadhafi) considère plus comme le leader libyen [...] Si vous avez vu la déclaration (du G8), elle indique que le régime de Kadhafi a perdu sa légitimité", a déclaré M. Medvedev.
Au bout de deux jours de discussions, le sommet du G8 a abouti à une déclaration unanime, selon laquelle, "M. Kadhafi et le gouvernement libyen ont manqué à leurs responsabilités de protéger la population libyenne et ont perdu toute légitimité". Et le document de conclure, "Il [Kadhafi] doit partir".
Alors que les pays occidentaux ont recours à la force pour chasser M. Kadhafi, la Russie a elle préconisé de voir partir M. Kadhafi de manière décente, par le biais de négociations.
Le président russe a affirmé avoir envoyé un émissaire à Benghazi, le bastion rebelle, pour y chercher une solution au conflit.
Ayant pris note du changement de cap de la Russie, le vice-ministre libyen des Affaires étrangères Khaled Kaim a déclaré que le gouvernement libyen allait prendre contact avec Moscou pour que la lumière soit faite sur la position de ce dernier.
"La Russie est l'un des amis traditionnels de la Libye [...] Nous ne pensons pas que la Russie va revenir sur sa position pour se placer du côté de l'OTAN", a fait savoir M. Kaim lors d'une conférence de presse à Tripoli.
Quant à la déclaration du G8, M. Kaim a indiqué qu'elle ne préoccupait pas son gouvernement. Celui-ci ne soutient que les propositions de l'Union africaine (UA), et ne se joindra jamais aux discussions pouvant marginaliser les propositions de l'UA, a-t-il noté.
"Toute décision prise sur l'avenir politique de la Libye n'appartient à personne d'autre qu'aux Libyens", a souligné M. Kaim.
Contrastant avec l'embarras de Tripoli, le président du Conseil national de transition (CNT, instance dirigeante de la rébellion), Moustapha Abdeljalil, a salué samedi la nouvelle prise de position de Moscou.
"Nous nous félicitons de la position affichée par le président russe Dmitri Medvedev [...] Nous croyons au rôle de la Russie dans les affaires internationales, mais ces relations doivent se tenir dans un intérêt mutuel et un respect mutuel", a déclaré le chef de l'opposition.
Le virage de Moscou, s'il s'avère surprenant, n'est toutefois pas improvisé.
Le 23 mai, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a rencontré un émissaire de l'opposition libyenne à Moscou, pour discuter des moyens à mettre en oeuvre en vue d'un cessez-le-feu en Libye.
La Russie a commencé à accorder davantage d'importance à l'opposition libyenne, pour protéger ses intérêts, alors que l'OTAN a intensifié ses raids contre les forces de M. Kadhafi et a réaffirmé sa détermination à le chasser du pouvoir.
Selon les médias russes, en échange du soutien de Moscou sur la question libyenne, l'Occident a offert des contreparties, dont la promesse de faciliter l'entrée de la Russie dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC) d'ici la fin de l'année.
Autre manne, un accord conclu entre M. Medvedev et son homologue français Nicolas Sarkozy sur l'acquisition de quatre navires d'assaut amphibies de classe Mistral, de fabrication française.
Cet accord a été signé beaucoup plus rapidement que ce que prévoyaient les médias russes, qui estimaient qu'il faudrait encore un ou deux ans avant d'aboutir à un accord officiel. |