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«Affaire DSK» : onde de choc bien au-délà de simple New York

La justice américaine a accepté jeudi de libérer sous caution Dominique Strauss-Kahn, ex-directeur général du Fonds monétaire international (FMI), placé en détention provisoire depuis lundi, accusé d'agression contre une femme de chambre dans un hôtel de New York.

Le juge de la Cour suprême de l'Etat de New York, Micheal Obus, a déclaré jeudi que l'ancien chef du FMI pourrait être libéré provisoirement après versement d'un million de dollars et sera assigné à résidence. Entretemps, un grand jury new-yorkais a décidé officiellement d'inculper le Français pour crime sexuel.

Le même jour, le FMI a annoncé la démission de Dominique Strauss-Kahn, qui a nié toutes les accusations concernant l'agression sexuelle, en affirmant : " je réfute avec la plus extrême fermeté tout ce qui m'est reproché", dans une lettre de démission datée mercredi publiée par l'institution.

La démission de Dominique Strauss-Khan provoque une série de conséquences profondes et compliquées en Europe, où les investisseurs craignent que les plans de renflouage du FMI pour certains pays de l'UE en proie à la crise des dettes souveraines ne soient perturbés; en France, où un grand favori pourrait être écarté de la course présidentielle de l'année prochaine; et au FMI, dont le poste du futur patron fera l'objet d'un combat acharné.

Europe : regain d'incertitude sur la crise

Les ministres européens des Finances, qui se sont réunis lundi et mercredi à Bruxelles, ont approuvé sans difficulté le plan de sauvetage de 78 milliards d'euros en faveur du Portugal, dont une partie sera assurée par le FMI.

Le Portugal est le troisième pays de la zone euro à avoir demandé et obtenu une assistance financière extérieure depuis l'éclatement de la crise de la dette souveraine en Europe il y a plus d'un an, après la Grèce et l'Irlande.

La Commission européenne a déclaré lundi qu'elle était "totalement confiante" dans le fait qu' "il y aura une continuité dans les opérations et dans le processus décisionnel du Fonds monétaire international" et que l'inculpation du patron de cette institution financière mondiale n'aura "pas d'impact quelconque sur les programmes en cours" d'aide aux pays de la zone euro en grande difficulté financière.

C'était finalement une directrice générale adjointe du FMI en charge de l'Europe, Nemat Shafik, qui a représenté M. Strauss-Kahn à ladite réunion. Ce dernier a joué un rôle clé depuis un an et demi dans les tractations menées pour régler la crise de la dette en zone euro.

Bien que l'Union européenne (UE) semble être déterminée à résoudre la crise de dettes souveraines, affirmant que l'inculpation et l'incarcération de Dominique Strauss-Kahn n'aura pas d'impact sur les efforts pour juguler cette crise le plus rapidement possible, la Bourse de Paris a terminé lundi en baisse, pour passer en dessous des 4000 points sur fonds de regain d'incertitudes sur les dette en zone euro, alors que les ministres des Finances européens sont réunis à Bruxelles.

Le CAC 40 a reculé de 29,03 points à 3.989,82 points dans un volume d'échanges de 3,425 milliards d'euros.

Selon des observateurs, même si le FMI s'en défendait, l'affaire DSK va très probablement perturber le calendrier de résolution des crises de dettes souveraines grecque, portugaise et irlandaise, laissant ainsi les investisseurs dans une crainte absolue.

France : bouleversement du paysage politique

L'arrestation de Dominique Strauss Khan aux Etats-Unis provoque un incroyable tollé en France. A un an de la présidentielle, cette affaire scandaleuse digne d'un feuilleton américain bouleverse le paysage politique, à droite comme à gauche.

En seulement une nuit, tous les pronostics des sondages n'ont plus eu aucune valeur. Grand favori à l'approche de la présidentielle, Dominique Strauss Kahn faisait la course en tête depuis des mois. Perçu comme le principal rival de Nicolas Sarkozy, sa stature internationale et ses réseaux contribuaient à sa popularité. Considéré comme le candidat libéral de la gauche, il semblait en mesure de récupérer une part de l'électorat déçu par le l'UMP.

L'univers politique s'accorde à dire que tout scénario sera possible au Parti socialiste. Dans un dernier sondage Harris Interactive réalisé pour Le Parisien, la veille de l'éclatement du scandale, le directeur du FMI caracolait en tête. Il rassemblait 41% des sympathisants socialistes, bien loin devant François Hollande 24% et Martine Aubry 18%.

A seulement un mois de la primaire, prévue pour fin juin, Dominique Strauss-Kahn rassemblait un grand nombre de figures socialistes derrière lui. Beaucoup évoquaient l'existence d'un "pacte tacite" officieux entre la Première secrétaire, Martine Aubry, qui les engageait à ne pas entrer en concurrence.

Un pacte aujourd'hui en suspens qui pourrait relancer Martine Aubry dans la course à la primaire. D'autres, à l'image de Pierre Moscovici, Gérard Collomb ou Manuel Valls, fidèles à Dominique Strauss-Kahn, ont souvent évoqué la possibilité de se lancer si leur leader n'y allait pas. Ils pourraient changer de stratégie, ce qui multiplierait le nombre de candidatures à la primaire socialiste, entrainant des divisions.

Si la classe politique s'accorde à dire que les faits reprochés sont très graves, elle n'a eu de manière générale qu'un seul mot d'ordre : "Prudence", à quelques exceptions.

Marine Le Pen, par exemple, s'est montrée directe. La présidente du Front national a rappelé qu'il était de notoriété dans les milieux politiques et journalistiques que Dominique Strauss Kahn semblait avoir "des rapports légèrement pathologiques" avec les femmes avant d'ajouter qu'il était définitivement discrédité comme candidat à la présidentielle.

Mais, tous veulent en priorité des faits avérés et tentent d'éviter l'emballement. Jean-Luc Mélenchon du Parti de gauche a appelé "à la retenue". Hervé Morin, président du Nouveau Centre a souhaité que Dominique Strauss Kahn "bénéficie de la présomption d'innocence jusqu'à ce que la justice américaine ait fait son travail".

En privié, les Français sont beaucoup moins indulgents à l'égard de la justice américaine. Dans un sondage réalisé par CAS, près de 57% des personnes interrogées penchent pour l'hypothèse du coup monté, qui tend à innocenter DSK.

FMI : la corne d'appel soufflée

Bien avant la publication de la lettre de démission par le FMI, le secrétaire au Trésor américain, Timothy Geithner, a déjà estimé mardi à New York que Dominique Strauss-Kahn n'était "pas en mesure de diriger" le FMI.

"Je ne peux pas faire de commentaires sur cette affaire, mais il n'est évidemment pas en mesure de diriger le FMI et il est important que le conseil d'administration du FMI place officiellement quelqu'un à la direction générale pour une période intérimaire", a indiqué M. Geithner, s'exprimant au Club Harvard à New York.

La chancelière allemande Angela Merkel a déclaré jeudi qu'elle souhaite qu'un Européen soit le prochain dirigeant du Fonds monétaire international (FMI).

"Je pense que nous devrions nommer un candidat européen", a déclaré Mme Merkel, ajoutant: "Je ne nommerais personne mais discuterais de ce point au sein de l'Union européenne. Il est très important que nous trouvions une solution rapidement".

La démission de M. Strauss-Kahn a provoqué un débat transfrontalier sur l'origine géographique de son successeur, l'Europe revendiquant fermement sa position traditionnelle pour s'assurer que la crise de la dette en Europe soit prioritaire.

Selon un accord non écrit, la présidence de la Banque mondiale, institution internationale consistant à accorder l'aide au développement, est réservée aux Etats-Unis, et revient aux Européens la direction du FMI, institution chargée de prêter des fonds aux Etats membres en difficulté.

Jeudi, John Lipsky, qui assure l'intérim à la direction générale du FMI, a déclaré que la sélection du nouveau directeur général du FMI sera un processus ouvert et transparent.

Il y a un consensus entre les membres du FMI, le processus de sélection du nouveau directeur général devra être "ouvert et transparent", a affirmé M. Lipsky, lors d'un discours prononcé à l'Institut Peterson basé à Washington, ajoutant qu'en tant que chef intérimaire du FMI, il n'était pas personnellement impliqué dans ce processus.

"De nombreux noms ont été cités dans la presse. Je suis heureux de dire que la plupart d'entre eux semblent être extrêmement talentueux et qualifiés", a indiqué M. Lipsky, d'origine américaine.

Le Conseil exécutif du FMI, composé de 24 membres, sera chargé de sélectionner le nouveau directeur général.

Agence de presse Xinhua     2011/05/21

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