L'économiste togolais Koffi Sodokin, enseignant à l'Université de Lomé, faisant une analyse de la situation qui prévaut en Libye, a qualifié les frappes de la Coalition contre le régime de Mohammar Khadafi de "folle erreur" des pays occidentaux et regretté le "manque de mesures de dissuasion suffisantes" des Etats africains, dans une interview exclusive accordée vendredi à l'Agence Xinhua.
"Les frappes récentes contre la Libye paraissent comme une folle erreur et un égoïsme indifférent de la part des pays occidentaux", a estimé cet universitaire.
"Khadafi était reçu récemment par les puissances occidentales comme un dirigeant modèle. On comprend difficilement ce revirement à 180 degrés, même si des objectifs de protection de la population civile sont unanimement acceptables", s'étonne cet économiste qui fait noter qu' "en face du régime de Khadafi, on a des insurgés lourdement armés".
La lecture de la situation est "assez claire", a précisé cet enseignant d'université très à l'affût des questions géopolitiques et très regardant sur les relations internationales.
Il se persuade que le "manque de mesures de dissuasion suffisantes émanant directement de la faiblesse des Etats africains et d'un certain nombre de pays en développement les rend plus vulnérables et suffisamment exposées à des mesures de l'ONU". A son avis, en pratique, ces mesures "paraissent n'exister que pour ces Etats faibles".
D'un point de vue politique, M. Sodokin indique qu'il y a un " souci non affiché de la part des pays occidentaux à contrôler la sphère géopolitique mondiale surtout le cocon des pays faibles dont les sous-sols sont riches en ressources minières et autres".
"En principe la thèse du néocolonialisme est soutenable. On est dans la logique d'une gestion néo-paternaliste des anciennes colonies qui ne seraient pas suffisamment matures pour une gestion publique efficiente", a-t-il ajouté.
Pour lui, cette vision se fonde sur l'idée de "venir en aide, dès qu'il le faut, en bombardant les méchants de la maison et protéger les gentils".
"Sur un point de vue économique, la question est difficile", a reconnu l'économiste togolais, expliquant qu'on est parti d'un souci de protection de la population civile et bombarde Tripoli alors que la population à protéger est à Benghazi.
"Il est vrai que l'objectif est d'empêcher le président libyen à utiliser ses avions de guerre contre sa population mais les agitations de la Coalition autour de Tripoli paraissent bien confuses!", s'est exclamé M. Sodokin, rappelant qu'on a assisté ces derniers jours à des "révélations troublantes sur les relations du président libyen avec certains des membres de la Coalition".
L'économiste togolais estime que la Coalition a des "visées économiques non avouées dans cette opération militaire qui a été décidée très rapidement".
Les pays occidentaux "peinent à se sortir véritablement des conséquences de la crise financière et économique de 2008", a-t-il dit, poursuivant que la relance des activités de leurs industries est une hypothèse passible d'analyse.
De l'avis de cet économique, l'Opération Harmattan de la Coalition coûtera, au minimum, quelques dizaines de millions d'euros. Hormis les coûts pour le peuple libyen, il est difficilement que la Coalition "s'engage gratuitement dans une telle opération", a-t-il dit.
"L'altruisme dans les relations internationales est une impossibilité", a-t-il précisé dans son analyse de la crise en Libye, rappelant que les conséquences des opérations militaires des puissances sont "catastrophiques", citant en exemple l'Irak, qui ne s'en est pas encore remis, et l'Afghanistan qui "paraît bien loin de trouver de si tôt une situation politique et économique stable". |