Les négociations entre syndicats et direction de Total engagées ce week-end ont été rompues. Les six raffineries du groupe pétrolier français demeurent à l'arrêt. Tandis que se profile le spectre de la pénurie de carburant, le président du conseil d'administration du groupe, Thierry Desmarest, a été convoqué lundi à l'Elysée.
La grève illimitée a été entamée la semaine dernière, en soutien à la raffinerie de Dunkerque menacée de fermeture. Les salariés grévistes durcissent le ton et demandent à présent une table ronde sur l'avenir du raffinage en France.
Le mouvement pourrait s'étendre. Les salariés de l'américain Exxon ont annoncé qu'ils cesseraient le travail mardi.
L'Elysée s'est emparé du dossier lundi. Le chef de l'Etat français Nicolas Sarkozy a reçu le président du Conseil d'administration de Total, Thierry Desmaret. Le contenu de l' entretien n'a pas été rendu public.
La direction du groupe a toutefois annoncé dans un communiqué que le comité central d'entreprise (CCE) de la branche raffinage de Total, initialement prévu le 29 mars, était avancé au 8 mars, " pour répondre positivement à l'attente des salariés de la raffinerie des Flandres et des organisations syndicales".
Le syndicat CGT, majoritaire dans le secteur, a réagit en redemandant lundi à Total de s'engager clairement sur "la pérennité des raffineries" et sur le redémarrage du site des Flandres près de Dunkerque.
Interviewé lundi matin sur les ondes de la radio Europe 1, Christian Estrosi, ministre de l'Industrie, a haussé le ton à l'encontre de Total : " Soit Total est en mesure d'apporter un projet précis et daté d'implantation de nouvelles activités, soit Total doit très rapidement redémarrer sa raffinerie de Dunkerque", a-t-il commenté.
L'opposition donne également de la voix. Selon Benoît Hamon, porte-parole du Parti socaliste, la direction de Total "n'est pas légitime à annoncer des suppressions d'emplois" et le gouvernement doit obtenir d'elle "une décision allant dans le sens de la responsabilité sociale".
"Le Parti socialiste soutient un mouvement des salariés exemplaire parce qu'on est là confronté (..) à l'aberration d'un système où un groupe qui a réalisé 7,8 milliards d'euros de bénéfices entend aujourd'hui fermer une de ses raffineries et (...) en finir à terme avec toutes les activités de raffinage en France", a-t-il ajouté, lors d'un point presse..
Le spectre de la pénurie est plus que jamais présent. Les syndicats en sont en tout cas convaincus, qui invitent "les automobilistes à se rendre dans les stations service".
La direction de Total vient d'ailleurs d'annoncer que 132 stations-service Elf et Total sur 2.000 sont déjà à court de carburant.
"Si on devait avoir un conflit qui s'éternise, il ne faut pas l'exclure car un pays comme la France n'a pas la capacité et les réserves pour vivre durablement avec une paralysie de la filière du raffinage", a déclaré Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, dimanche sur la chaîne de télévision France 2.
Les raffineries de Total sont actuellement paralysées par une grève illimitée entamée la semaine dernière, en soutien à la raffinerie de Dunkerque menacée de fermeture, sur fond d'inquiétudes pour les autres sites de raffinage.
Pour sa part, Christophe de Margerie, directeur général de Total, a assuré à l'hebdomadaire « Journal du Dimanche (JDD) » que le site de la raffinerie de Dunkerque sera maintenu en activité et que, quelle que soit la solution finale, les salariés seront si besoin reclassés "sans aucun licenciement".
Il a également réaffirmé que le groupe pétrolier n'a "aucun projet de fermeture ou de cession de (ses) cinq autres raffineries en France".
Selon l'Union française des industries pétrolières (Ufip), les raffineries françaises perdent au total 150 millions d'euros par mois, depuis mars 2009. Ceci en raison la baisse de la consommation de produits pétroliers, de l'ordre de 7,5% en Europe, liée à la crise et aux politiques en faveur de l'environnement.
Toujours selon l'Ufip, ce sont "10 à 15%" des raffineries européennes qu'il faudrait fermer, soit plus d'une dizaine des 114 sites situés en Europe.
Aucun chiffre n'est actuellement annoncé pour la France, mais les syndicats dénoncent pour leur part les "délocalisations". Total construit en ce moment une raffinerie en Arabie saoudite, un investissement justifié par le besoin "de répondre à la demande croissante de l'Asie et du Moyen-Orient", explique-t-on. |