La photo de Zhou Enlai prise devant l'hôtel Neptune
La place d'Italie est un célèbre site emblématique de Paris, au cœur du quartier chinois. Si l'on prend la discrète rue Godefroy depuis la place, on trouve au nº 15 un petit hôtel du nom de Neptune. C'est ici (à l'époque nº 17) que l'ancien Premier ministre chinois Zhou Enlai habita lors de son séjour d'étude en France, et qu'il fonda le siège du Parti communiste de la jeunesse chinoise en Europe. L'organe y tint ensuite son bureau de rédaction pour la revue théorique « Lumière rouge ». C'est ici que Zhou Enlai, Li Fuchun, Deng Xiaoping et d'autres anciens révolutionnaires menèrent leurs activités politiques.
Le site officiel de l'hôtel annonce fièrement que Zhou Enlai y fut hébergé lors de son séjour d'étude en France.
Sur le mur à gauche de l'entrée est incrustée une plaque commémorative en marbre de couleur vert foncé avec les caractères dorés « Zhou Enlai » surmontés d'un buste en bronze à son effigie. La calligraphie fut réalisée par son camarade Deng Xiaoping. Une annotation en français précise : « Zhou Enlai habita cet immeuble lors de son séjour en France de 1922 à 1924 ».
Cette plaque a été spécialement érigée par le gouvernement français en commémoration de Zhou Enlai, à l'occasion du 15e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France en octobre 1979. Quand la plaque a été posée, Hua Guofeng, le Premier ministre chinois à l'époque en visite officielle en France et Valéry Giscard d'Estaing, alors président de la République française, l'inaugurèrent ensemble.
Des fleurs fraîches sont parfois collées sous le buste, ou simplement déposées sur le sol. Ce lieu est incontestablement devenu, pour les ressortissants chinois, un site de commémoration de l'ancien Premier ministre. Certains touristes de passage à Paris viennent aussi sur les traces de Zhou.
La chambre où Zhou Enlai habita jadis est aujourd'hui la chambre nº 1
Selon Lu Mengjun, employé à mi-temps de l'hôtel, l'hôtel Neptune compte 26 chambres. Celle où Zhou Enlai habita jadis est aujourd'hui la chambre nº 1. Elle n'a rien de particulier en apparence, il s'agit d'une chambre double avec salle de bains et toilettes.
Selon nos informations, à l'époque, la chambre était plus petite qu'aujourd'hui et n'était pas équipée de toilettes, seulement d'un petit lavabo. Les conditions étaient rudimentaires, mais cela n'empêcha pas Zhou Enlai d'y rester deux ans.
L'hôtel Neptune est aujourd'hui exploité par deux ressortissants chinois, M. Li Jianle et son épouse Yang Yanchun. Li Jianle enseigne dans une université parisienne et Yang Yanchun est la gérante de l'hôtel.
Ils gèrent l'établissement depuis une dizaine d'années. M. Li a expliqué à notre journaliste les circonstances dans lesquelles ils l'ont pris en main.
Le couple a découvert l'hôtel par l'intermédiaire d'un agent, et à premier abord, avec sa façade vieillotte et sans prétention, il n'avait pas retenu son attention. Mais une fois à l'intérieur, en découvrant l'état acceptable des chambres et leur atmosphère douillette, il a été conquis.
Li Jianle a vendu sa propriété et a trouvé un ami qui a accepté de l'aider. Cependant, il ne parvenait pas à réunir les six millions de francs réclamés par l'agent. Face à cette situation, le couple a décidé de s'adresser à la succursale parisienne de la Bank of China pour contracter un emprunt.
Les règlements de la banque n'autorisent pas l'octroi de crédits pour des projets immobiliers à l'étranger. Or, quand le responsable a appris que l'argent servirait à acquérir l'ancienne demeure de Zhou Enlai, il a soumis à titre exceptionnel un rapport au siège pour expliquer la situation. La réponse a été positive. Le 1er septembre 2001, le couple Li a pu enfin acquérir, comme il souhaitait, cet établissement.
Les touristes étaient auparavant peu nombreux, mais depuis que Yang Yanchun a repris l'établissement en main, nombreux sont les Chinois qui viennent spécialement visiter le lieu.
Certains historiens chinois viennent y passer quelques jours en réclamant la chambre de l'ancien Premier ministre, pour revivre un peu le séjour à Paris et les sentiments des anciens révolutionnaires. Parfois, des médias s'intéressent aussi au lieu pour retracer le parcours de jeunesse rude mais exaltant de pionniers comme Zhou Enlai et Deng Xiaoping.
Lu Mengjun est un étudiant chinois en France. Lorsqu'il est arrivé dans cet hôtel, il ignorait que Zhou Enlai y avait habité. Un jour, à la fin de sa journée, il a vu par hasard le buste accroché au mur. Pris de curiosité, il a ainsi cherché sur Internet des informations sur l'hôtel et a découvert l'histoire du séjour de Zhou Enlai.
À deux pas de la place d'Italie, l'hôtel Neptune offre des tarifs raisonnables. Selon le barème du mois de juillet, une chambre simple (petit déjeuner non inclus) est à 65 euros par nuitée, et la chambre double à 74 euros, avec en plus des possibilités de réduction en fin de semaine. Les patrons sont optimistes en pensant au futur. Yang Yanchun dit même en plaisantant : « Parce que le Premier ministre veille sur nous ».
Gérer un hôtel fort d'une telle histoire n'est pas une simple question d'argent.
Li Jianle souligne qu'il explique aux touristes qui descendent dans son établissement que le Premier ministre chinois Zhou Enlai y a séjourné dans sa jeunesse. Il leur parle aussi de ce que Zhou et ses camarades ont accompli à l'époque.
Aujourd'hui, M. Li a un autre vœu, c'est de collectionner des photos et d'autres documents historiques pour transformer son établissement en un musée exposant la jeunesse en France des anciens révolutionnaires. Il souhaite profiter de cette opportunité pour transmettre leur histoire de génération en génération.
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