Sur cette photo d'archive, Zhuang Shihua, président de l'hôpital affilié au Corps de la Police armée du Xinjiang, tient la main d'un enfant qui est retourné à l'école grâce à son aide.
Zhuang Shihua prend plaisir à peler la peau d'un raisin avec une longue et délicate paire de forceps. Le chirurgien militaire de 54 ans n'a aucun intérêt à manger la chair juteuse et tendre des raisins. La seule chose qui l'intéresse est d'utiliser cette méthode unique pour améliorer ses compétences et réduire les erreurs médicales.
Zhuang, président de l'hôpital affilié au Corps de la Police armée du Xinjiang, à Urumqi, une ville dans l'extrême ouest du pays, fait partie de la police armée depuis 38 ans.
Travaillant dans une région ayant un taux élevé de maladies du foie et de la vésicule biliaire, le chirurgien Zhuang est depuis longtemps préoccupé par les risques encourus lors d'une opération de la vésicule biliaire.
« Réussir une chirurgie de la vésicule biliaire est très difficile, étant donné que la paroi de la vésicule biliaire est plus mince que du papier, et toute erreur lors de l'opération peut causer une hémorragie massive mettant en danger la vie du patient», explique le docteur Zhuang.
Ce médecin a lancé, au début des années 1990, la pratique de peler des raisins à l'aide d'instruments médicaux, parce qu'il trouvait que le processus ressemble à ce qui se passe lors d'une chirurgie de la vésicule biliaire.
Chaque été torride, quand ce célèbre fruit du Xinjiang est bien mûr, le docteur Zhuang convertit sa chambre en banc d'essai et passe des heures devant un miroir à saisir et à peler des raisins à l'aide de pinces chirurgicales.
« Au début, j'étais trempé de sueur et mes bras faisaient très mal, j'endommageais les raisins en les pelant, ce qui laissait supposer un possible danger lors d'une vraie opération », a indiqué le docteur Zhuang.
Après des mois de pratique, il pouvait rapidement peler des raisins sans les mutiler, et grâce à ses excellentes compétences, il peut maintenant décoller la vésicule biliaire du foie en 47 secondes.
Mais en 1992, quand le docteur Zhuang a commencé à effectuer ce type de chirurgie, cela lui prenait quatre heures et demie.
« Pendant près de la moitié de l'année, ma famille mange chaque jour des raisins pelés. C'est presque insupportable », poursuit le docteur Zhuang en riant.
Les compétences médicales du docteur Zhuang lui ont fourni beaucoup d'occasions de faire fortune.
Un jour, un homme d'affaires qui exploitait un hôpital privé a demandé au docteur Zhuang de prendre la direction de son hôpital, et il lui a offert un salaire annuel d'un million de yuans (154 000 $).
« D'abord, il ne comprenait pas pourquoi j'étais resté au Xinjiang. Tout ce que je veux est de servir les patients d'ici, et je n'emploierai pas mes capacités pour en retirer des bénéfices personnels », a déclaré le docteur Zhuang qui a refusé l'offre de cet homme d'affaires et en a décliné beaucoup d'autres particulièrement lucratives.
Né dans une famille pauvre à Jianyang, province du Sichuan, un village reculé de montagne, le docteur Zhuang a complété son lycée grâce à l'aide des gens de son village et il s'est ensuite enrôlé dans l'armée.
« Je suis toujours reconnaissant envers les gens et l'armée, car ils m'ont offert une aide considérable » confie-t-il.
Mais l'enthousiasme illimité du docteur Zhuang prend sa source dans une « expérience honteuse ».
Vers la fin des années 1970, le docteur Zhuang servait d'aide-médecin militaire dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang. Un soir, pendant une tempête de neige, alors que le médecin était absent, un groupe de pasteurs kazakhs a amené un patient qui vomissait et hurlait de douleur.
« À ce moment-là, j'ai été terrifié, car je ne connaissais rien du traitement médical, sauf l'acupuncture. J'ai dû les laisser aller à l'hôpital voisin, situé à environ 40 km », se souvient le docteur Zhuang.
Le groupe de pasteurs ne lui a rien dit mais lui a lancé un « regard déçu ».
« Il m'est impossible d'oublier leur déception; elle est devenue la force motrice pour poursuivre sans cesse mon étude et mon travail en traitement médical », se souvient le docteur Zhuang.
Maintenant, l'hôpital où il travaille est décoré de centaines de fanions de mercis d'anciens patients - certains du Xinjiang, d'autres des provinces intérieures et même du Brésil, de la Russie et des États-Unis.
Pendant les décennies passées, ce médecin dévoué a également dirigé un groupe médical qui envoyait du matériel et portait assistance aux gens en marchant dans les plateaux et montagnes enneigés.
« La rigueur du climat et le terrible état des routes nous ralentissaient toujours », commente le docteur Zhuang, en évoquant une visite qu'il a faite à un soldat ouïgour qui patrouillait seul dans un ranch isolé.
« Cela nous a pris quatre heures pour braver le verglas cinglant et parcourir cinq kilomètres dans une neige qui nous allait aux chevilles. »
Malgré tout, le docteur Zhuang ne pense pas avoir réussi à être un bon médecin.
« En règle générale, les gens considèrent que le principal travail d'un médecin est de soigner les maladies et de sauver le patient. Mais je pense que la tâche la plus importante d'un médecin est de prévenir les maladies. Ce serait la plus grande fierté de tout docteur si les gens ne souffraient d'aucune maladie et menaient une vie heureuse », conclut-il.
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